14.11.2011 par LR
num.214 déc. 2011 p.14
Conte de Noël : Le sapin rabougri

Que ne chante la forêt tout au long de l’année s’harmonisant au rythme des saisons ! Bourgeons de printemps, gazouillis des oiseaux en été, variations des couleurs en automne, manteau de neige en hiver. Sans cesse la nature y tient son langage, libérant notre être de toute tension, morosité ou détresse.

Et pourtant au cœur même de la forêt, isolé au milieu d’une clairière, un vieux sapin semblait rendre son âme. Ses aiguilles tombaient, ses branches se desséchaient, son tronc s’inclinait inexorablement vers une cassure certaine. Plus aucun oiseau ne venait chanter sur son sommet, aucun écureuil ne lui tenait compagnie. Il était bien triste ce sapin au milieu de ces frères solides, verdoyants, chargés de pives, animés de mille harmonies ! Pourquoi était-il si seul ? Les bûcherons ne s’étaient pas gênés à l’époque pour tout couper alentour. Sa tristesse et sa solitude ne faisaient qu’empirer et sa raison de vivre s’éteignait à petit feu. A quoi bon ! L’hiver sera rude et je n’aurai que quelques glaçons en guise de parure.
Mais le ciel en avait décidé autrement. Noël approchait. Partout brillaient lumières, guirlandes, boules de couleurs, étoiles scintillantes. Même les cristaux de neige s’animaient de mille reflets. Le pauvre sapin regardait alentour dans cette pauvre nuit de solitude. Seul le croissant de lune pansait un peu son chagrin. La ville était si loin !
Minuit sonnait au clocher de l’église. Les douze coups s’égrenaient un à un, comme des gouttes de cristal tombant sur un miroir. Soudain la clairière s’illumina, la neige prit des allures féériques, le ciel projeta une immense étoile or sur la cime du sapin esseulé.
Mais que m’arrive-t-il se demanda le triste conifère ? Que se passe-t-il autour de moi ? Toute vie était éteinte, et voilà que j’entends le chant des oiseaux, mes branches reverdissent, mes aiguilles sont touffues et des pives se parent de filet d’argent. Des étoiles, des bougies, des boules lumineuses me garnissent d’une parure étincelante. Je sens la sève bouillonner dans mes racines et monter comme un torrent dans mon tronc asséché. Je vis et je grandis. Une force nouvelle m’envahit et le poids de la neige n’est que plume duveteuse qui m’habille et me réchauffe. Je me sens rajeunir, et ma cime s’élève fièrement vers ce firmament étoilé.
Mais qu’y-a-t-il au pied de mon tronc ? Je sens qu’on me chatouille comme pour tester si je reprends vigueur, santé et bien-être. Je regarde vers le bas et là, oh ! Surprise ! Un petit enfant emmailloté dans une couverture. Que fait-il donc là ? Qui l’a apporté ? Je n’ai rien vu, ni entendu. Il se love là, dans le creux d’une niche et mes grosses branches forment une grotte pour le protéger du froid. Tout autour, des mésanges, des rouges-gorges, des rossignols, une dizaine d’écureuils, une famille de renards, un sanglier qui se tient à distance par respect, vu sa grandeur, trois lièvres, biches, cerf, faon, castors, chien errant, tous se sont donné rendez-vous en ce lieu saint. Une douce chaleur s’émane de leur souffle et un silence d’or plane sur toute la clairière. De temps à autre un vol d’oiseaux atterrit avec délicatesse près du visage de l’enfant, tantôt un trille mélodieux envahit ce monde étrange et familier, signe que la forêt est bien présente et vivante. Le sapin émerveillé à la fois digne et humble retrouva toute sa majesté.
Noël avait passé par là. La longue nuit miraculeuse avait redonné naissance à ce beau sapin roi des forêts, et l’enfant-Dieu a pu rayonner de toute sa gloire au milieu de cette clairière, havre de paix et de bénédictions.    Lucette Robyr

PS :  Le charme de l’église a été abattu par le SEVE pour des raisons de sécurité !

 

auteur : Lucette Robyr

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