14.06.2012 par ro
num.220 juillet 2012 p.05
Les étapes mythiques du Chemin

Le Puy-en Velay. Depuis le grand escalier de la cathédrale, le regard se perd dans l’horizon au-dessus des toits et des collines : « L’impossible est devant ! » Heureusement, il y a l’espoir et la détermination. Et peut-être cette inconscience si bien décrite par St-Exupéry : « Ils ont réussi, car ils ne savaient pas que c’était impossible ». Dès lors, on commence par la conquête de l’Aubrac.

Conques. Etonnant village médiéval, lové autour de son abbaye. Le pèlerin trempé est accueilli par une formidable équipe d’hospitaliers bénévoles, après avoir été proprement désinfecté d’improbables punaises de lit, la hantise des gîtes. Lieu de partage malgré le repas en silence. Suivi d’une soirée inoubliable dans l’abbatiale : office du soir et bénédiction des pèlerins de la cité ; suivis du concert d’orgue avec jeux de lumières offert par frère Jean-Daniel. De cette ambiance intime, ce dernier nous emmène devant le tympan. Nous découvrons, sous la pluie, la beauté de cet art chrétien qu’il nous explique de dos, avec un talent ponctué de zestes d’humour philosophique. Il nous invite enfin à monter auprès de lui, sur la galerie, pour quelques notes finales aux grandes orgues….

Decazeville. Ville malmenée, autrefois florissante grâce à ses mines de charbon, que nous atteignons après un parcours du combattant. L’épuisement guette les pèlerins fragiles et démoralisés ; il suffit de prononcer le nom de cette étape pour en recueillir des témoignages ! Ce sont maintenant les forêts de chênes truffiers du Quercy noir ; puis la boue « amoureuse » collante du Quercy blanc jusqu’à la belle citadelle de Lauzerte. On arrive dans le Sud…
Moissac. Étrange mélange entre la haute spiritualité du cloître en dentelles de pierre et le quotidien du manger et du dormir dans l’ancien carmel, où nous apprenons l’incontournable chant des pèlerins de Compostelle. Dès cette étape, nous suivrons le canal du Midi, traverserons la Gascogne, l’Armagnac, et enfin le Béarn et la Navarre qui s’honorent des maisons de la très protestante Jeanne d’Albret, mère du futur roi Henri IV. Jusqu’au pays basque, haut en couleurs politiques, traditionnelles et linguistiques de part et d’autre des Pyrénées.

Saint-Jean-Pied de Port. Les trois chemins de France s’achèvent et les pèlerins peuvent s’enorgueillir d’une crédenciale présentant autant de sceaux que d’étapes, sur un parcours de 730 kilomètres depuis le Puy-en-Velay. Emotion et souvenirs s’échangent tout au long de la soirée, comme les projets en Espagne du Camino francès qui nous attend dès le lendemain.
Roncevaux. L’ascension des Pyrénées se révèle assez étrange pour une montagnarde suisse. Certes, il faut passer le col du Lepoeder (1430 m), mais on hésite entre paysages du Jura ou des Préalpes. N’empêche, découvrir, après l’effort, les toits de l’imposante abbaye au cœur de sa forêt reste sans doute, depuis des siècles, un des grands moments de ce pèlerinage. Et voici le premier gîte de deux cents lits, à vrai-dire assez confortable car il est neuf… mais invivable sans tampons dans les oreilles ! Ainsi à Pampelune, l’albergue Jesus y Maria sera aussi immense que fascinant, au cœur d’une ancienne église : 180 lits sur chaque étage, le 2ème au bord des voûtes !

Puente de la Reina. Le camino est agréable en une région d’Espagne qui prend soin de ses pèlerins. Lorsque nous traversons villages et villes, les passants nous encouragent d’un « Olà, buen camino !» que nous lancent aussi les cyclistes. Au « pont de la reine », les quatre chemins n’en font plus qu’un : du Puy, de Vézelay, de Tours, et d’Arles par le col du Somport, nous sommes désormais unis vers notre but encore lointain. « Ultreia !» car il reste quelque 690 kilomètres jusqu’à Santiago. Ultreia, e sus eia, Deus adjuva nos ! Toujours plus loin, toujours plus haut, que Dieu nous vienne en aide !

Isabelle Juillard
 

auteur : rédacteur occasionnel

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