09.08.2012 par TM
num.221 sept. 2012 p.10
Conseil Municipal: scission ou révolution artistique?

Il y a un peu plus d'un an, on dressait un tableau du conseil municipal, un décor qui laissait présager changements et tumultes. On ne fut déçu et l'avenir fait mine de réitérer les mêmes promesses. Il y a quelques mois, d'ailleurs, on étudiait la question des votes ponctuels et la façon dont la politique versoisienne était appliquée, faisant la différence entre la continuation d'une ligne directrice (malgré les désaccords) et les divergences exprimées sur les projets futurs. La scission qu'on avait autrefois esquissée paraît aujourd'hui prendre ses marques.

Certes, d'une part on s'attelait encore une fois au fonctionnement strict et aux problèmes immédiats, en acceptant des crédits concernant la "renaturation" du Nant de Braille, le renouvellement de l'outillage communal, la création de vestiaires provisoires au centre sportif pour personnel des espaces verts, l'achat de matériel pour les Caves de Bon-Séjour ou encore l'acquisition de tentes pour la fondation EVE afin que les enfants soient protégés du soleil ; et d'autre part, on discutait de toute chose en relation (proche ou lointaine) avec le Plan Stratégique de Développement (PSD), refusant ainsi un crédit d'étude pour le projet encore trop jeune de conteneurs "tout enterré", acceptant un déclassement de terrain (modification de limites de zones) pour densifier à proximité des rives du lac, en passant même par un refus d'entrer en matière sur une motion du GLRD (Groupement des "législatifs" de la Rive-Droite), une décision sans conséquence, mais peut-être symboliquement intéressante.

On a vu, dans la dernière année de législature, que les Verts se sont souvent exprimés par rapport au Plan Directeur Cantonal 2030 et au PSD, mais les autres partis sont restés étonnamment calmes, voire tacites, il est donc difficile d'identifier leur position, même en extrapolant et malgré que personne n'eût semblé se réjouir à la vue des chiffres et des plans de densification proposés. Seulement, les déclarations d'ordre général n'aident pas face à une vue d'ensemble presque inconséquente que la presse se doit malgré tout d'essayer de traduire. Les grands mots prononcés en faveur d'une Genève de 800'000 habitants ou une grande agglomération en "béton vert" dite "franco-valdo-genevoise" et transfrontalière ajoutent même à cette confusion.

Les socialiste, par exemple, semblent favorables à la création de nouveaux logements et acceptent l'idée d'une densification, mais le Plan Directeur proposé leur déplaît. Néanmoins, il est clairement stipulé dans les projets stratégiques de développement qu'on se prépare à une évolution de la population non conforme au taux de natalité, qui elle-même, impliquerait une diminution de celle-là à long terme. Ce plan stipule donc une attitude politico-économique qui marquerait une continuité, avec toujours plus de multinationales qu'on attirerait et leurs employés avec. Etre plutôt favorable à une solution pour la crise du logement immédiate est une bonne chose, mais la faction socialiste-progressiste ne nous dit pas si elle soutient cette politique d'immigration que certains n'hésiteraient pas à qualifier de "choisie" ou si elle demande qu'on étudie le problème à plus long terme, en remettant en question ce non-dit dominant dans la théorie directrice du plan de développement.

Le PDC, pour sa part et si l'on en croit M. Piccot, pense que la commune primera toujours et pourra refuser les plans successifs tant qu'ils ne nous conviennent pas, de même que le feront les autres communes. C'est une position qu'on peut cerner plus facilement que celle des SP, mais qui paraît néanmoins audacieuse, sachant que l'avis des communes est uniquement consultatif et qu'il n'a en dernière instance aucune primauté. Tant que les autres communes raisonnent de la même manière et qu'on a une réelle unité dans les partis, on pourrait lui donner raison, mais si les politiciens de plus haut vol en venaient à se désolidariser de plus en plus des problématiques locales, cette méthode se révèlerait inefficace.

Au PLR et au MCG, on semble adopter la même position, mais en restant plus discrets sur ses réelles considérations. D'un côté, M. Malek-Asghar (PLR) semble ouvert au débat et à la réflexion, voire à s'engager d'avantage et d'un autre M. Leiser (PLR) parle de "ville du futur" quand il s'agit des très discutés conteneurs dits "tout enterré"; lesquels ont un apport démontrable uniquement au niveau de l'esthétique, raison pour laquelle le crédit d'étude "jusqu'à la demande d'autorisation" a été refusé, afin que l'on ne précipitât pas les choses. En fait, cette idée de "ville du futur" colle parfaitement à la vision presque utopique et largement idéaliste des architectes du PSD dans leur façon de présenter les choses, ce qui indubitablement, sème un doute (peut-être maladroitement aussi) sur sa vision des choses et par extension, sur celle de son parti.

Les Verts quant à eux, ont clairement engagé leurs forces dans la bataille, demandant qu'on reconsidère une certaine vision bornée de la croissance et que l'on ne cède aucun territoire agricole. Ce point-ci, M. Piccot le supporte également, mais il propose en échange de densifier en zone déjà bétonnée. Seulement, sachant que Genève a une densité neuf fois supérieure à la Suisse et 14 fois celle de la France voisine, le fait de se restreindre encore dans une portion limitée d'un territoire déjà très dense peu s'avérer lourd de conséquences. En effet, peu importe la manière dont on procède, s'il s'avérait que l'on dépassât une densité critique sans le savoir, la qualité de vie et même la survie des citoyens s'en verrait affectée. C'est ce que paraît être la position de la faction écologiste de Versoix.

Cependant, les Verts ont tout de même accepté avec les autres factions le préavis pour déclasser la parcelle des "Buissonets" au bord du lac, dans le but annoncé de construire des logements sociaux assaisonnés de locaux commerciaux, le tout impliquant l'édification d'un petit immeuble. Cela étant, on peut envisager l'idée que les Verts aient voulu donner un gage de bonne volonté sur la crise immédiate du logement de par leurs voix.

Cette idée sera ainsi renforcée par M. Kummer, lorsqu'il présentera une motion verte "pour une forte implication des élus municipaux versoisiens dans les projets stratégiques de développement de Versoix", en faisant part de son impression que les choses se passent en sous-main et de sa crainte qu'en fin de compte, nous nous trouvions bientôt devant un fait accompli. Il demandait donc plus d'engagement de la part du CA et une représentation égalitaire dans le "collège d'experts", actuellement à majorité extra-communale par cinq contre deux. La motion fut simplement refusée par 17 "non", 6 "oui" verts et deux abstentions, sans le traditionnel débat de vingt minutes.

Même si le débat ne fut pas lourd, la motion étant annoncée en début de séance et on a pu voir chacun lâcher une certaine verve au long de la séance qui s'étalait dans la durée, sans doute en préparation à ce vote hypothétiquement déterminant. Le couronnement de la longue discussion qui précédait la motion verte, on l'observait avec une motion du GLRD sur "la continuité des itinéraires cyclables". M. Sauter (Verts) se faisait porte-parole du groupement intercommunal. L'objet fut également refusé sans débat, alors qu'il fut bien mentionné de quoi il s'agissait et de qui il venait. Bien évidemment et comme le rappelait M. Leiser, la problématique des pistes cyclables était déjà discutée en commission, et cette proposition n'était qu'un coup de pouce accélérateur, voire un feu vert pour montrer que l'on travaille bien de pair avec le GLRD, mais on ne le comprit pas ainsi, bien qu'accepter la motion n'eût pas eu plus de conséquences opposées. Avec un score de 15 contre 8 avec 2 abstentions, peut-on tout de même dire qu'une scission prend réellement forme?

Ce n'est pas si certain, d'autant que M. Chapatte (PDC) a aussi prouvé qu'il avait une perspective d'avenir, intervenant par deux fois dans ce sens: une fois sur son inquiétude qu'on ne laissât le centre-sportif en éternel chantier, avec des conteneurs en guise de vestiaire et aucune vision pour l'avenir, puis une seconde fois sur le fait que dans l'enveloppe de 400'000 francs votée pour l'achat de matériel, les vélos électriques destinés aux ASM n'étaient pas de marque suisse; ce qui sera en outre reconsidéré par le CA et qui illustre aussi chez les non-verts une volonté d'anticiper et de penser d'abord "local".

Autre note d'espoir, M. Hurni fait son retour au CM, après une attente d'un an en tant que "viennent ensuite". Il avait, en effet, soulevé la problématique du PSD le premier et remplacera donc Mme Marcuzzo (PLR) pour, qui sait, éventuellement être l'un des piliers d'une Versoix nouvelle. Oui, vous l'avez compris, la presse s'inquiète à Versoix et M. Genequand lui garantit que des études parallèles avaient été lancée, pensant ainsi répondre à la crainte de M. Kummer, à qui il tardait que les études commandées par Genève dans le cadre du PSD ne nous parvinssent. Reste alors une série d'interrogations, d'abord sur les études dites "parallèles"; cherchent-elles à comparer le projet avec la situation dans des lieux de densité similaires aux nombres attendus? Tiennent-elles compte de la situation économique défavorable qui pourrait impliquer que l'on ne construise bien malgré nous une mégapole fantôme (cf. Detroit)? A lui seul, n'est-ce pas une politique d'opportunité que le fait que Versoix se débatte pour sortir de son statut de "cité dortoir" et qu'on prévoie en même temps son annexion à une grande mégapole dans laquelle elle ne serait qu' une zone de banlieue et non une ville à part entière (mais où seraient néanmoins mêlés logements et commerces mais où les gens iraient et viendrait encore et toujours pour travailler)? L'attitude consistant à parler de la grande Genève et de refuser le PSD n'est-elle pas inconséquente? Bien évidemment, ces questions dépassent la politique strictement locale, mais face à tous ces projets, les personnes bien à même de nous défendre, de comprendre la population (qui s'est rendue en nombre à la séance d'information) ne sont-elles pas nos politiciens du CM et particulièrement du CA? Ces projets ne méritent-ils pas un instant de réflexion, quelques débats publics et même que l'on ne consulte la population elle-même? M. Leiser parle d'un problème complexe et que les experts en charge seraient mieux à même d'y répondre. Les experts en question n'ont pas convaincu la presse plus que M. Kummer à qui ils ont laissé une impression de "vite fait, mal fait". Les experts étaient présent de tous temps, dans les déboires comme dans les prouesses et c'est à nous, citoyens, de nous assurer que le meilleur arrive à Versoix. C'est à Versoix de préparer sa révolution artistique sur un fond de toile politique, pour pousser les autres communes à se rassembler dans une solution concertée qui ne laisserait pas Genève à jamais saccagée.

Le PSD et la morale, l'affaire vue en fable
La poule aux oeufs d'or, Fable de La Fontaine, attribuée à Esope avant lui et souvent contée dans les livres d'enfants a donné lieu à une expression qu'on n'a de cesse d'évoquer concernant les projets stratégiques de développement, lorsqu'on remet en question question une politique qui parait peu viable sur le long terme. "On ne va pas tuer la poule aux oeufs d'or", dit-on alors.
Mais la maxime est-elle réellement utilisée correctement? La poule ne doit-elle pas sa fin tragique à la cupidité de son maitre, qui en espérant en extraire tout l'or à la fois, n'obtint, à la place d'un trésor à ramasser, qu'un tas de tripes sans bon présage.
Oui, une lecture tout à fait littérale pourrait nous mener à croire que l'expression se limite à l'acte de noyer inutilement un trésor. Mais qu'en est-il dans le cas présent, l'idée de sauvegarder un territoire constitue-t-il réellement une telle folie? En tout cas, on ne peut certainement pas en dire autant de la tentative d'utiliser chaque mètre-carré de terre pour en extraire tout l'or, tout de suite.
Bien sûr, on pourrait s'imaginer que la poule soit la conjoncture économique de Genève et qu'en la limitant, on ne risque ainsi de se priver d'un animal rentable. Mais où serait alors l'acte avide? Le sol qui nous resterait ne vaudrait-il pas mieux que des boyaux pourrissant au soleil?
Par ailleurs, une telle fable s'applique à l'avidité et non à un refus de vouloir être trop vite riche pour garder des avantages plus humbles, c'est pourquoi Esope concluait à propos de celle-là qu'une soif trop hâtive tarit bonne fortune, une leçon à méditer.

auteur : Thomas Mazzone

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