15.03.2013 par GS
num.227 avril 2013 p.03
Quartier de la Scie, le renouveau. 1/2

Le quartier de la Scie va subir une cure de rajeunissement. C’est le moment de faire un petit retour en arrière sur cette partie du territoire de la commune qui va se transformer pour faire place à une zone d’activité artisanale et commerciale.


Au XIXe siècle, le quartier s’appelait  les Viviers et comprenait le Molard (ancienne place des Forains). Un chemin vicinal le traversait, partant de la route de Suisse pour ressortir à la route des Fayards. Lors de la création d’un cimetière protestant en 1825, le chemin pris alors la dénomination : Chemin du Cimetière. Ce lieu de sépulture était divisé en deux parties, il fallait d’abord traverser un pré pour accéder à l’entrée en demi-cercle de l’espace funéraire. Ce dernier était clos par un mur de pierres de Meillerie, de deux mètres de hauteur, qui subsiste encore partiellement aujourd’hui.

Vraisemblablement créée par Pierre-Louis Bauly, en 1865, une scierie fut construite au bord de la Versoix, alimentée par un bief. En 1869, le cimetière protestant devenu trop exigu, a été désaffecté et le chemin s’appela alors: Chemin de la Scie.
Les travaux de construction de la ligne de chemin de fer entre 1854 et 1858 modifièrent profondément le quartier. Le remblai créé pour le viaduc barrait sur plus de 400 mètres le vallon de la Versoix et coupait en deux le quartier. Un tronçon du cours de la Versoix a été déplacé pour permettre à la rivière de traverser perpendiculairement la voie ferrée.

La scierie fut ensuite exploitée par Jacques Ramseyer. Cette entreprise prit une grande extension lorsqu’elle passa dans les mains des frères Eugène et Louis Bopp. Entre 1920 et 1940, ils occupèrent une trentaine de collaborateurs. Cette maison était connue dans toute la région pour son savoir-faire jusqu’à la fin des années 1960 ; la scie ne fonctionna plus dès lors. Reprise par la société Sarkos SA, active dans les emballages, cette menuiserie et caisserie fut détruite par un incendie en 1982.

Près du pont, la grosse bâtisse de l’ancien péage, appelée La Profonde, était occupée par le relieur Mégevet. En ce début du vingtième siècle, le quartier ne comptait que quelques habitations dans cet espace qui était alors occupé par des parcelles de jardins. Vers 1925, l’entrepreneur André Ferrari est autorisé à créer un chemin pour mener à sa villa, à la condition d’en fermer l’accès par un « chabouris ». Il loue à la commune l’ancien cimetière pour en faire un dépôt. Ce chemin deviendra le chemin de l’Ancien-Péage.
Les frères Bopp construisent deux grandes villas, un petit immeuble d’habitation est bâti au bord de la rivière ainsi que la maison Golaz. Le quartier de la Scie est paisible, baigné et parfois inondé par la Versoix.

Entourée de sa haute haie de thuyas, la petite maison de Virginie Reymond est toujours là. Celle qu’on surnommait la Mère Adam est restée dans les mémoires. Les cheveux en bataille, poudrée comme on savait le faire à la Cour de Versailles, elle animait avant guerre le quai de Versoix où elle avait son commerce de location de canots. Dans la maison voisine, le peintre et sculpteur Edgar Favez y pratiquait son art.
C’est là aussi que se trouvait l’atelier de Joseph Schmit, employé chez Favarger, qui venait passer ses moments de loisirs. Il créait des bougeoirs avec des ceps de vignes, des mangeoires pour les oiseaux, rabotait un bout de planche. Dans sa cabane de bois, il hivernait l’IBIS, le canot qu’il avait construit lui-même et qu’il entretenait avec amour. Son père, Fidèle, constructeur de bateaux, l’avait probablement conseillé pour cet ouvrage.
Animé par tous ceux qui entretenaient leur jardin, parmi lesquels l’épicier Perotti, les ouvriers qui s’activaient à leur travail, le bruit de la Scie qui découpait les bois de charpente, le quartier vivait alors pleinement. 
 

Vers la fin des années cinquante, des changements s’annonçaient. Le projet de la nouvelle route qui devait traverser Versoix occupait les conversations. Chacun y allait de son idée : pont, tunnel, tranchée couverte, de quoi occuper ingénieurs et politiciens. Le serpent de mer remontait à la surface. A suivre.


 

auteur : Georges Savary
La Scie vers 1930
Au jardin de la Scie, vers 1910

<< retour