24.05.2013 par JJ
num.229 juin 2013 p.12
Le revenu de base inconditionnel, une utopie de marginaux ?

Une initiative fédérale est en cours de récolte de signatures et ce concept se développe rapidement en Allemagne, en Autriche et maintenant en France. Le revenu de base, c'est l'idée que chaque individu de la société touche un revenu inconditionnel, qui lui assure le minimum vital. L'initiative le définit comme devant permettre à l'ensemble de la population de “vivre dignement et de participer à la vie publique”. Ce revenu de base n'est pas une prestation sociale, car chaque individu le toucherait. Il s'agit davantage d'un mécanisme de partage équitable des richesses.
En contrepartie, la majorité des assurances sociales seraient supprimées, car inutiles. Seules devrait subsister quelques aides particulières, en cas d'invalidité par exemple, qui complèteraient le revenu de base pour garantir les mêmes objectifs que le revenu de base.

Des relations de travail plus saines

Chaque personne regagne du pouvoir face à l'employeur, car il n'est pas obligé d'accepter des conditions de travail qui ne lui conviennent pas. Les métiers déshumanisants devront disparaître au profit d'une extension de la mécanisation ou revalorisés pour trouver des gens pour le faire. Le revenu de base reconnaît aussi la valeur du travail actuellement non rémunéré, qui représente en Suisse davantage d'heures que le travail rémunéré tout de même (travail bénévole, éducation des enfants, travaux ménagers, etc) selon la dernière statistique de l'OFSTAT.
Il a pour moi aussi l'avantage de nous sortir un peu de la société marchande qui demande encore aujourd'hui de travailler à 100 % pour consommer toujours plus. Lorsqu'on considère, comme je le disais dans mon article du mois dernier, que le système économique actuel a pour fonctionnement de supprimer toujours plus d'emplois, le revenu de base offre une alternative en répartissant de façon plus équitable les fruits de l'augmentation générale de la productivité, qui permettrait aussi à chacune et chacun de bénéficier d'une meilleure qualité de vie.
Enfin, on laisse l'opportunité à chacune et chacun de travailler plus sereinement en diminuant son temps de travail pour se consacrer davantage à ses enfants par exemple.

Le revenu de base – une utopie réalisable ?

Arrivé à ce stade de la discussion, la question qu'on pose généralement, c'est comment finance-t-on ce système. Question essentielle bien sûr. Et il existe en effet, des écoles de pensées différentes sur le sujet. Les proposants s'accordent sur un point, il s'agit de redistribuer les ressources actuellement utilisées dans les assurances sociales, puisque celles-ci sont toutes supprimées, hormis des rentes complémentaires AI. Le système a pour avantage de nécessiter beaucoup moins de personnel, puisqu'il s'agit d'une rente inconditionnelle. Les salaires des fonctionnaires pourraient probablement aussi être réduits du montant du revenu de base au moins. Une fois cela mis de côté il manque toutefois clairement encore beaucoup d'argent pour le financer. Les initiants parlent d'un manque de financement de 30 milliards pour un revenu de base de 2500.- par adulte et la moitié environ par enfant.
Pour cette dernière tranche, on peut bien sûr augmenter les impôts traditionnels, comme certains le proposent. Mais il me semble que la proposition de passer par une augmentation massive de la TVA présente un plus grand intérêt. L'augmentation serait sensible et c'est tant mieux.
En ce qui me concerne je pense qu'il s'agit là de l'occasion de simplifier drastiquement notre système fiscal avec une suppression totale des impôts sur le revenu, remplacé par la TVA. Pourquoi ? Premièrement, la TVA a la possibilité d'être l'impôt le plus écologique qui soit. En effet, une forte TVA renchérit le prix des biens de consommation, ce qui encourage à moins en consommer. Bien entendu j'entends les résistances, surtout des gens habitués à sur-consommer, moi-même n'étant pas forcément un exemple sur tous les plans. Mais aujourd'hui il est urgent d'agir pour préserver les ressources naturelles et diminuer radicalement toutes les pollutions générées par notre mode de consommation. Une TVA forte présente également des corollaires intéressants. Notamment, il pousse les consommateurs vers des produits de meilleure qualité qui durent plus longtemps, vu le prix payé. Cela devrait rappeler des souvenirs à chacun lorsqu'il n'y a pas si longtemps nous achetions une machine à laver pour une vie, ou même des objets électroniques de bonne qualité, plus chers, mais plus durables. Aujourd'hui les produits sont de plus en plus conçus pour une durée limitée et leur recyclage n'est pas toujours d'actualité.
Un objet d'un prix certain a également pour avantage de présenter une valeur qui mérite l'entretien et la réparation, ce qui permettrait de recréer des emplois dans le domaine de la réparation, métiers qui disparaissent à grande vitesse, vu qu'il revient moins cher de racheter un produit neuf que de le faire réparer.
Enfin, un des bénéfices de la suppression des impôts sur le revenu et son remplacement par la TVA, c'est un traitement plus équitable écologiquement, puisque celui qui consomme plus, pollue plus, mais paye plus et qu'il n'y a aucun moyen d'échapper à cette taxe. En effet, il s'agirait de taxer absolument tous les produits importés au moins au même tarif que les produits locaux. On pourrait également conserver les différents taux de TVA, en taxant moins les biens de base comme certains produits de santé et bien sûr les aliments de base.

Une expérience à tenter

Le revenu de base c'est donc une société plus libérale et libérée du dogme irréaliste de la croissance économique infinie. Moins de temps à travailler, c'est aussi plus de temps pour réfléchir, s'épanouir, participer aux débats publics, aujourd'hui souvent monopolisés par quelques professionnels. Et pour qu'une démocratie fonctionne vraiment, c'est important.
C'est aussi laisser plus de temps pour la culture : lire ou écrire, peindre, écouter ou pratiquer de la musique et valoriser les rapports humains au détriment des possessions matérielles dont la surabondance n'apporte pas les satisfactions espérées, mais amène des pollutions peu souhaitables.
Bien sûr la peur que les gens arrêtent de travailler complètement et que la société s'écroule sera brandie par beaucoup de gens, bien que des études sociologiques aient montré que les gens cherchent naturellement à s'occuper et que le travail est et restera probablement longtemps encore une valeur mise en avant par toutes les sociétés humaines (les études en questions parlent de 10 % de gens qui pensent arrêter de travailler). Le revenu de base, c'est aussi demander au travail de justifier son utilité et plus d'obliger des gens à des emplois vide de sens qui sont responsables de bien des maux physiques et psychiques de notre société actuelle. Quoi qu'on en pense, cette idée mérite qu'on s'y intéresse et je vous invite à le faire en consultant le site « bien-ch.ch » qui donne beaucoup plus d'informations que je ne peux le faire dans cette modeste contribution. Cette aventure permet en tout cas d'envisager l'avenir sous un autre jour que ce que nous en voyons tous les jours avec les convulsions du malade en phase terminale qu'est notre système économique. Nous avons peut-être là l'occasion d'écrire notre page d'Histoire dans celle des sociétés humaines, un changement enthousiasmant et libératoire pour les générations à venir !

auteur : Jérémy Jaussi

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