17.04.2014 par AF
num.238 mai 2014 p.19
6e édition Mars de la guitare 2014

Reflets 6e édition Mars de la guitare 2014


Cette année encore les Caves de Bon Séjour ont offert une programmation de haute teneur et variée pour cette 6e édition du Festival International de Guitare de Versoix, les Mars de la Guitare. Le public était invité à suivre une série de quatre concerts chaque dimanche du mois. La guitare classique fut à l'honneur cette année avec une première partie de trois concerts organisés autour de trois guitaristes compositeurs et d'un dernier concert final mêlant orchestre symphonique et guitare.

Le premier artiste à se produire fut le génial Ernesto Hernandez Lunagomez originaire du Mexique. Lauréat de plusieurs concours internationaux, il est invité régulièrement comme juré des plus prestigieux concours de guitare d'Amérique du Sud. A côté de sa carrière de soliste, Ernesto Lunagomez est professeur de guitare à l'Université d'Etat de Veracruz. Pour sa première tournée en Europe, le guitariste a été flamboyant et a enchanté les spectateurs des Caves. La première partie de son programme fut axée sur des compositions personnelles. Ses Tres Piezas et sa Suite Californienne pleines de profondeur et d'harmoniques latines ont touché les âmes poétiques. La deuxième partie plus rock et soul ont conclu un programme excellent. Au-delà de la fabuleuse aisance technique de l'artiste, on retiendra surtout l'extraordinaire générosité et son don naturel pour faire passer les émotions. On peut l'affirmer, l'artiste a su emmener le public avec lui dans les méandres de ses interprétations. Une osmose parfaite entre un artiste et son public. Les harmoniques jazz, rock, soul et sud-américaines ont touché juste ce soir-là et l'artiste a amplement mérité le tonnerre d'applaudissements qui lui a été fait. Un concert grandiose.

Le deuxième artiste invité à se produire aux Caves fut l'italien Cristiano Porqueddu ancien élève du célèbre guitariste compositeur Angelo Gilardino. En 2002, Cristiano Porqueddu a signé un contrat de distribution mondiale avec la major Brillant Classics et sa discographie est aujourd'hui disponible dans plus de quarante pays. En parallèle à sa carrière de concertiste, il s'adonne à la composition et son talent a été reconnu à maintes reprises notamment, en 2010, lorsqu'il remporte le premier prix de composition au concours international "Orphée Composition Competition" aux Etats-Unis. En prélude au concert de l'artiste, le public a eu la chance d'entendre un mouvement de l'oeuvre de Turina interprété avec talent par Angel Rippoli, un jeune des classes pré-professionnelles du Conservatoire de Musique de Genève. Le programme du soir fut résolument tourné vers des compositions à caractère nostalgique. Les six préludes de Manuel Maria Ponce (1882-1948), compositeur vénéré au Mexique, furent exécutés avec une grâce et une subtilité manifeste. Les pièces suivantes des compositeurs Ferenc Farkas (1905-2000) et d'Augustin Barrios Mangoré (1885-1994) nous ont permis encore de percevoir l'immense talent de l'artiste. La dernière partie du concert fut dédiée à des compositions d'Angelo Gilardino dont les harmoniques moins formelles et plus modernes ont pu raviver les esprits méditatifs et quelque peu embrumés par tant de nostalgie. Nous retiendrons de ce concert, la qualité indéniable de concertiste de Cristiano Porqueddu. Cependant, malgré son grand talent, ce dernier n'a pas réussi à nous enchanter; la faute probablement à une programmation trop uniforme et aux sonorités complexes et peu accessibles pour les oreilles d'un public d'amateurs. Le jeu introspectif et solitaire de l'artiste, cette forme d'enfermement dans son propre jeu a créé une césure et un éloignement de l'artiste vis-à-vis du public présent. Un artiste clairement talentueux mais il a manqué une véritable interaction avec le public.

Le troisième concert nous a permis de découvrir le guitariste compositeur Giorgio Mirto d'origine italienne. Son activité de concertiste l'emmène à se produire partout dans le monde et ses compositions ont été saluées à maintes reprises par la critique et l'attribution de plusieurs prix. En 2009, il a été choisi par la "Biennale des Jeunes Artistes de l'Europe et de la Méditerranée" qui lui a commandé une oeuvre (Le Sette Porte). Giorgio Mirto compose également pour le théâtre et est le Directeur artistique du Festival "Six Ways" de Turin. Le célèbre site de musique en ligne "Presto Classical" dit de lui qu'il est une figure majeure du monde de la guitare contemporaine. A nouveau ce soir-là, en ouverture du concert, nous avons eu la chance d'entendre un jeune guitariste des classes pré-professionnnelles du Conservatoire de Musique de Genève , Alexandre Beyeler. Le programme du soir a été un choix audacieux et judicieux car il fut quasiment intégralement tourné autour des compositions de l'artiste. Si les deux premiers morceaux ne sont pas à proprement parlé de Giorgio Mirto, respectivement composés par Giorgio Signorile et Rosolino Di Salvo, ils sont dédiés à G. Mirto et empruntent le style de l'artiste. Les pièces composées par lui-même mêlèrent ce soir harmonique tango et langueur méditerranéenne. Le bis de fin a été une surprise rafraichissante car l'artiste a fait monter sur scène sa partenaire, Célèste, pour un duo guitare et chant. Avec une belle dynamique et une présence scénique attachante, Giorgio Mirto fut lui aussi un interprète que l'on a aimé entendre et voir sur scène. Sa chaleur communicative et son jeu maîtrisé à la perfection allié à une forme de détachement naturel ont fait de ce concert un très beau moment de musique.


Pour le dernier concert de cette 6e édition des Mars de la guitare, le public était convié à l'Aula du Cycle des Colombières. Le guitariste vedette du soir était le génial Alessio Nebiolo, bien connu des versoisiens, car il n'est autre que le cofondateur et le programmateur avec Brigitte Siddiqui du Festival des Mars de la guitare, ainsi qu'un ancien professeur de guitare de l'Ecole de musique Croqu’Notes de Versoix. A ses côtés fut réuni l'Orchestre Symphonique du Mont-Blanc sous la direction de Nino Lepore. Le Concert fut composé de trois parties distinctes dans lesquelles on retrouvait à chaque fois l'Orchestre. La première partie, nous a permis d'entendre une composition pour piano et orchestre de Lorenzo Turchi-Floris "Tarantango" interprétée au piano par lui-même. L'oeuvre jouée dans un rythme effréné et dont les accents lancinants du tango venait sous tendre une atmosphère hitchcockienne de suspense fut en tout point une réussite. Le jeu subtil et fiévreux de l'artiste, la qualité de la composition et de l'orchestre a immédiatement suscité l'adhésion du public. La deuxième partie magnifique avec le guitariste d'exception Alessio Nebiolo n'a fait que prolonger ce superbe concert. Avec un jeu fougueux et d'une intensité rare, mêlant sensualité et vivacité le Concierto Aranjuez de Joaquin Rodrigo fut un grand moment de musique. Le final fut l'interprétation par l'orchestre de la Symphonie K201 de Wolfgang Amadeus Mozart. Un grand merci à Brigitte Siddiqui et à toutes les personnes qui ont œuvré cette année encore pour offrir à Versoix des concerts de grande qualité.
 

auteur : Alexandre Fradique

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