Agnès DESARTHE
07.05.2014 par BdV
num.238 mai 2014 p.18
Bibliothèque avec Agnès DESARTHE

Agnès DESARTHE

Rencontrée à la Société de lecture, le mardi 25 mars lors d’une conférence, l’écrivaine Agnès Desarthe a permis à un nombreux public enthousiaste et à deux bibliothécaires versoisiennes d’entrer plus précisément dans l’argument de son dernier livre Comment j’ai appris à lire, Stock, 2013.

En se racontant spontanément, elle a évoqué son parcours d’enfant se disant « n’aimant pas lire » dans un milieu familial immergé dans le français, l’arabe, le yiddish et l’anglais, mais néanmoins son amour des mots. Nombreux chemins qui l’ont amenée à être d’abord lectrice puis écrivaine pour jeunes et adultes. Egalement traductrice, elle a parlé de sa fascination pour la langue et ses équivalences dans d’autres cultures. Son livre est vivifiant, décomplexe et se place au-delà des apparences. Nous vous livrons ici quelques extraits qui en donnent le ton… Bonne lecture !

Extraits :
p. 21 Souvent, je dis à ma mère que je m’ennuie. Allongée par terre, je me lamente, j’ai l’impression de goûter la saveur fade de la mort. Je prends mon désoeuvrement très au sérieux. Ma mère me conseille : « Lis un livre. » Je trouve sa proposition absurde.

Je lui explique, avec toute la pédagogie dont je suis capable, avec une certaine condescendance aussi, que justement, il ne faut surtout pas que je le lise : je m’ennuie déjà tant, et lire est si lassant que cela risquerait de me précipiter dans une mélodie pathologique. Je n’emploie pas exactement ces termes – après tout, je n’ai que sept ou huit ans-, c’est l’idée. Pour moi, lire, c’est mourir un peu.

p. 23 … Je lis sans difficulté, vite et bien, à voix basse comme à voix haute, mais un chaînon manque entre le parcours de mes yeux sur la page et celui de mon imaginaire.
Ce que je préfère, avec les histoires, c’est me les raconter à moi-même. Je considère la rêverie comme une activité à part entière. Je la pratique avec assiduité et maniaquerie ; il me faut une certaine pose, une vue dégagée, une qualité particulière de brouhaha. L’endroit propice est la voiture de mes parents…

p. 173 Ecrire, traduire (mais n’est-ce pas finalement une seule et unique activité) m’ont appris à lire et continuent de le faire.

A présent que lire est devenu mon occupation principale, mon obsession, mon plus grand plaisir, ma plus fiable ressource, je sais que le métier que j’ai choisi, le métier d’écrire, n’a servi et ne sert qu’une cause : accéder enfin et encore à la lecture, qui est à la fois le lieu de l’altérité apaisée et celui de la résolution, jamais achevée, de l’énigme que constitue pour chacun sa propre histoire. .

 

auteur : Bibliothèque de Versoix

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