24.12.2014 par LR
num.244 décembre 2014 p.14
Quand l'espoir nous tient - Conte de Noël

C’était en 14 (dans les années 1900 de notre ère). Les frontières étaient fermées, la guerre sévissait partout, le climat était exécrable, l’occupant s’installait dans les villages, les hameaux, pour se ravitailler et réquisitionnait chevaux, bétail, charrettes et machines, tout ce qui était en son pouvoir pour satisfaire ses propres besoins. Quant aux habitants, obéissez et débrouillez-vous ! Le fusil n’était pas loin ! …
Marcellin et Adélaïde vivaient dans un hameau près des pâturages bordés de forêts. Lui, bûcheron et pâtre à ses heures, elle, couturière, confectionnait des vêtements pour enfants, des jupes ou robes pour les dames, des pantalons et chemises pour les hommes. Les jours de grand beau, ils descendaient au plus proche village et vendaient leurs marchandises pour acheter ensuite fils, tissus et autres nécessités. Quelques sous bien appréciés !
Cette année-là tout tournait à la catastrophe. Les moutons avaient été décimés par le loup, la vache, le cheval et la charrette embarqués par les soldats, le jardin pillé et dévasté par les pluies torrentielles et Adélaïde était tombée gravement malade. C’est comme si le ciel leur était tombé sur la tête. Les réserves étaient épuisées et toutes les économies parties pour payer médecins et médicaments.
L’hiver s’annonçait rude et glacial. La neige tombait déjà à gros flocons et rien ne présageait un retour à des temps plus cléments. Marcellin était triste, très triste et sa femme avait de la peine à se remettre. Que faire dans un avenir aussi brumeux ? Même les voisins étaient dans une situation guère meilleure. La solidarité existait mais a ses limites.
Noël approchait. Marcellin était un homme vaillant, très croyant, optimiste, débrouillard et Adélaïde, malgré sa bonne volonté, était à bout de forces et entreprenait ce qu’elle pouvait. Devant un tel désastre, il ne restait plus que la foi et l’espérance. Ça ne nourrit pas forcément son homme, mais parfois les miracles existent. Cette idée-là était inscrite dans la pensée de Marcellin et son côté jovial et empathique avait permis de créer des amis. Mais maintenant dans les conditions actuelles, il fallait se méfier de tout. Alors on restait chez soi, se réchauffait au coin du feu, quand on avait encore du bois. Là aussi les réserves touchaient à leur fin. Pourvu qu’il en resta au moins pour la nuit de Noël ! Les dernières bûches se consumaient ce 24 décembre. Les époux prièrent le Ciel de les aider, gardant au fond du cœur une certaine confiance et une sérénité peu commune. C’est Noël, pourquoi désespérer ? Il fallait vraiment être courageux et l’espoir chevillé au cœur pour raisonner comme cela en ces temps si douloureux. Enfin ils s’endormirent, se réconfortant l’un et l’autre.
Le lendemain, en ouvrant leur fenêtre, ne virent-ils pas devant la porte deux gros sacs de jute bien ficelés avec une petite branche de sapin garnie d’un sachet doré en guise de décoration. Ils sortirent par curiosité et n’en croyaient pas leurs yeux. Ils rentrèrent les lourds sacs et cherchèrent le nom de l’inconnu qui les avait déposés, puis les ouvrirent. Dans l’un de quoi manger pour au moins trois mois, dans l’autre, du bois, quelques habits chauds, du tissu, du fil, des aiguilles et des grosses bougies au cas où la lumière venait à manquer. Dans les sachets, de nombreuses et grosses pièces d’argent glissées dans les chocolats et les petites boules lumineuses. Mais pas d’inscription, sauf Joyeux Noël ! Dehors, il n’y avait pas de traces sur ce magnifique tapis blanc. La nuit avait été calme, le ciel étoilé, pas une brise pour balayer la neige pourtant abondante. Alors, qui avait apporté cet immense cadeau ? Marcellin et Adélaïde se perdaient en conjectures, en questionnements et en histoires rocambolesques. Mais croyants comme ils étaient, ils mirent cela sur le compte du miracle de Noël.
Ils en furent très heureux et gardèrent le message pour eux caché dans le plus grand secret pour éviter toute jalousie, vol ou autre mauvaise surprise. La joie revint dans leur cœur, gardant une reconnaissance éternelle à ce Dieu compatissant. Adélaïde retrouva la santé et le printemps revenu, ils redoublèrent de travail, parvenant à reconstituer un troupeau de moutons, un jardin, achetant un cheval et une charrette au service de la communauté.    Lucette Robyr
 

auteur : Lucette Robyr

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