14.11.2014 par ALBB
num.244 décembre 2014 p.16
Complainte d'un vélo

Non, je ne suis plus tout neuf, mais ma selle était encore confortable et mes roues tournaient sans grincer. Avec mon amie, j'ai parcouru des centaines de kilomètres à Versoix et ailleurs. Nous avions nos habitudes, des trajets que je connaissais aussi bien que le cheval qui rentre à l'écurie…

Récemment, ma propriétaire devait prendre le train pour aller travailler à Genève. Comme d'habitude, elle m'a installé sur une place réservée aux cycles près de la gare, bien cadenassé, accroché à un poteau.

Pendant son absence, quelqu'un s'est approché de moi. Il a forcé la serrure et est parti loin sans demander son avis à mon amie. Puis, une fois le trajet désiré effectué, il m'a abandonné à mon sort et, depuis, je traîne par terre et rouille à la pluie.

Qu'est-ce qu'il lui a pris, à ce malotru, de me confisquer sans crier gare ? De quel droit s'est-il accaparé de moi ? Pourquoi a-t-il pensé que mon amie n'aurait plus besoin de moi ? Qu'est-ce qui rend les gens "malhonnête" ?

C'est l'automne, il fait froid la nuit, la rosée se transforme même en givre avant l'aube. Jamais je n'avais dormi de la sorte abandonné à mon triste sort.

Alors, cher piéton, si tu me vois, ou un de mes frères, gisant au sol et mal en point, merci de signaler ma présence à la police. Peut-être que, grâce à toi, je pourrai à nouveau me balader avec mon amie qui sera ravie de me retrouver. D'avance merci !
 

auteur : Anne Lise Berger-Bapst

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