22.01.2011 par LM
num.205 fév. 2011 p.15
Le Quintexte aux Caves de Bon-Séjour le 3 mars

 Mélodies de mots

Le 3 mars prochain, les Caves de Bon-Séjour accueilleront le Quintexte, qui mêle musique et littérature, faisant la part belle aux auteurs romands.

Nicolas Bouvier, Corinna Bille ou encore Albert Camus seront en effet lus par le comédien Julien Tsongas, et « joués » par Ian Gordon-Lennox (cuivres), Christophe Berthet (anches), Samuel Jakubec (batterie) et Nicolas Lambert (guitare). Rencontre avec ce dernier, compositeur et instigateur du projet.

Que cache exactement ce mot-valise : Quintexte ?

Il est bien sûr tiré du mot « quintette » ; il était important pour moi de souligner le fait que le récitant est bien notre cinquième musicien, qu’il « joue » sur le même terrain que nous, et bénéficie des mêmes contraintes, des mêmes libertés.

Le Quintexte se situe donc plus du côté musical que théâtral ?

Il y a quelque chose de très similaire entre un texte et un arrangement musical, une partition. Tous deux sont une invitation, parfois extraordinairement riche, au jeu. Pour interpréter un extrait des « Vies imaginaires » de Marcel Schwob, je suis même allé jusqu’à donner le texte comme seule partition aux musiciens. J’essaie en même temps de ne jamais tomber dans le mot à note, de demander à l’euphonium de faire l’éléphant, le dromadaire.
Texte et musique contiennent une force narrative, une force d’évocation qui leur est propre. Le Quintexte crée un dialogue équilibré entre elles, avec une large part à l’écoute mutuelle et à l’imprévu.

Le texte ne prend-il pas forcément le dessus ?

Un des objectifs est justement de sortir la musique de son rôle ingrat de décor sonore, de couche supplémentaire au pluridisciplinaire, dans lequel le théâtre la confine trop souvent.
L’oreille est naturellement plus attirée par les mots, qu’elle comprend, que par les autres sons, plus abstraits, du registre de l’émotionnel. Le Quintexte utilise justement cette dichotomie, en réinventant à chaque fois les règles du jeu. Dans le monologue tiré de Belle du Seigneur d’Albert Cohen, Ariane tire un fil continu de pensées, qui lorsqu’elles sont plus décousues passent sous le tissu musical. Quand Nicolas Bouvier raconte la parade nuptiale des termites et l’attaque des fourmis rousses, on entend comme lui le cliquetis désordonné des insectes qu’on observe avec amusement, avant d’être subrepticement plongé, entre deux lignes, au cœur de la bataille : on devient insecte parmi les insectes.
Dans la Genèse que Julien Lambert a réécrite pour nous, les parties d’abord très lacunaires de chaque instrument se développent au fur et à mesure de la création, du silencieux néant au tonitruant carnaval des animaux.

Tant d’auteurs différents ne menacent-ils pas l’unité du spectacle, la compréhension d’un message ?

Non, car j’ai choisi des textes qui ont tous une unité, et conservent une très forte densité poétique une fois sortis de leur contexte. On est automatiquement happé dans une situation, un lieu, dans la peau d’un personnage. Ces textes s’articulent de plus autour d’une même thématique : l’Homme dans son rapport avec le monde, l’Homme dans son animalité, par le prisme d’autant de regards affûtés.
Il y a aussi l’unité que leur confère le son du Quintexte, qui comme tout groupe de musique peut avoir un répertoire de « compositeurs » variés tout à fait cohérent, car ces « reprises » sont teintées par le style du groupe.

A qui s’adresse le
Quintexte ?

Je pense qu’il peut toucher un public très varié, non pas averti mais curieux.
Il peut plaire à ceux qui découvriront ou redécouvriront ces auteurs ; à ceux qui ne cherchent pas forcément à catégoriser la musique par style mais écoutent plutôt ce qu’elle raconte ; à tous les Versoisiens qui pensent qu’il se passe quelque chose ailleurs qu’à la télévision le jeudi soir, et que c’est une chance d’avoir gratuitement accès à une scène vivante si près de chez eux.


Le Quintexte
jeudi 3 mars 2011 à 20h aux Caves,
6 rte de Sauverny (Versoix).
Entrée libre.
www.lescavesversoix.ch

auteur : Lisa Mazzone

<< retour