08.08.2016 par MJ
num.261 septembre 2016 p.16
Discours du 1er août

Discours de Mme Ornella Enhas, maire de Versoix

Chères et chers – Fête Nationale oblige – compatriotes, chères citoyennes, chers citoyens de Versoix, chères et chers Collègues de la Mairie, chères Conseillères et chers Conseillers municipaux, chers instrumentistes et chef d’orchestre de la Musique Municipale, chers amis, c’est avec une certaine solennité que je veux vous souhaiter, à toutes et à tous, une très belle et très heureuse fête du 1er août.

Honorée de pouvoir prendre la parole à cette occasion, et indépendamment du mythique serment du Grütli, des lampions, des feux et des chants patriotiques, j’aimerais brièvement revenir sur les origines de notre fête nationale du 1er août.

Sa célébration a été décidée en 1891, il y a de cela 125 ans, à l’occasion de la commémoration du 600ème anniversaire du Pacte de 1291 qui scelle les prémices de la Confédération helvétique que nous connaissons aujourd’hui.

À cette époque, celle de la fin du 19ème siècle, marquée par la guerre franco-prussienne de 1870 et par les appétits coloniaux des grandes puissances européennes, les Etats-nations d’Europe se sont trouvés confrontés à la nécessité d’affirmer leur unité et leur souveraineté.

En Suisse, cette nécessité était d’autant plus marquée que le pays ne constitue pas d’emblée une entité homogène du point de vue géographique, culturel, et linguistique. Cependant, ne nous y trompons pas, il ne suffisait pas de décréter une fête nationale le 1er août pour garantir l’unité, l’identité et la cohésion du peuple suisse.

D’autres facteurs y ont contribué.

Parmi ceux-ci, l’un des plus importants, et qu’il me plaît tout particulièrement de rappeler, est l’adoption, en 1890, de l’art. 34 bis de la Constitution qui enjoint, pour la 1ère fois, et par voie législative, la Confédération à instituer une assurance maladie et accident de portée nationale. Autrement dit, c’est à la suite et sur la base de la satisfaction d’une revendication démocratique et sociale que le mythe du serment du Grütli a été réactualisé, un an après, en 1'891, pour en faire un symbole de souveraineté, d’unité et de solidarité nationale.

Rapporté au début de notre 21ème siècle, ce symbole, au-delà de ses aspects mythiques, est celui du fédéralisme helvétique, de la démocratie directe et de la réussite d’un pluriculturalisme qui confère à la Suisse un statut d’exception, dont je pense que nous pouvons tous être très fiers.

Alors, si le 1er août est l’occasion de faire éclater cette fierté, elle est surtout celle de rappeler que rien n’est jamais définitivement gagné et que la solidarité, la cohésion sociale et le respect de la démocratie nécessitent un engagement de tous les instants, continument renouvelé.

En effet, ne sommes-nous pas dans une situation où, sous prétexte de satisfaire des besoins économiques, dans certains cantons, des politiciens et idéologues militent pour supprimer, dans les écoles, l’apprentissage du français, langue nationale s’il en est, au profit de l’anglais ?
Ne sommes-nous pas, toujours sous prétexte de satisfaire des besoins économiques, dans une situation où, dans les régions frontalières du pays, les salaires subissent une pression accrue comparativement à ceux de régions davantage protégées ?
Ne sommes-nous pas dans une situation où, encore une fois sous prétexte de satisfaire des besoins économiques, la concurrence et la sous-enchère fiscale constituent une menace pour la cohésion inter-cantonale et le fédéralisme ?
Enfin, ne sommes-nous pas dans une situation où les écarts se creusent entre une part toujours croissante de la population et ceux qui sont les grands bénéficiaires de ces prétendus besoins économiques qui aggravent tant la concurrence salariale que fiscale mettant en danger la qualité et la survie des services publics, de même que celles des assurances sociales ?

C’est pour toutes ces raisons, qu’il m’est apparu important de rappeler le contexte et les perspectives d’avancées sociales qui se dessinaient en filigrane en 1891 au moment où il a été décidé de faire du 1er août la fête nationale du peuple suisse.

Cela m’amène, malgré quelques inquiétudes, à profiter de cette soirée festive pour exprimer ma confiance en l’avenir et affirmer que, par delà les discours, populistes pour les uns, catastrophistes et menaçants pour les autres, la défense de la démocratie et des valeurs sociales et de solidarité auxquelles la population suisse est attachée sortira renforcée des épreuves qui, à tous les coups, se profilent devant nous.

Et maintenant, pour conclure et changer de registre, je veux également profiter de ce 1er août 2016 pour exprimer une pensée toute particulière à l’intention des citoyennes et citoyens de Versoix qui, en décidant de se naturaliser pour partager nos valeurs fondatrices de pluriculturalisme, de responsabilité politique, d’engagement démocratique, de respect et de solidarité, ont, en conscience, choisi de se reconnaître sous les couleurs de la bannière rouge à croix blanche.

Sur ce, je vous remercie tous de votre présence et de votre écoute, vous souhaite une magnifique soirée de 1er août, et, avant que ne débutent les feux et les festivités, passe la parole à Monsieur Bernard Levrat, Président du Conseil municipal de Versoix :

Vive Versoix ! Vive Genève ! Vive les 26 cantons et la cohésion nationale ! Vive la démocratie et le pluriculturalisme ! Vive la Suisse !

Madame Ornella EHNAS, maire de Versoix

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Discours de M. Bernard Levrat, président du Conseil Municipal de Versoix

Madame la Maire,
Messieurs les Conseillers administratifs
Mesdames et Messieurs et les Conseillers Municipaux

Chères versoisiennes, chers versoisiens

En ces temps troublés, il est important d'affirmer son identité. Les Américains ont la chance de savoir que leur déclaration d’Indépendance eut lieu un 4 juillet, les français célèbrent la prise de la Bastille le 14 juillet 1789. Notre pays n’a pas une idée aussi précise de son origine.

La naissance de la Suisse moderne se situe en1848, mais rien n'est à célébrer de ces temps troublés qui ont connu la guerre du Sonderbund et qui voient des troupes étrangères massées à nos frontières. Le Pacte de 1291 sera choisi comme acte fondateur de la Suisse; le document découvert dans les archives de Schwyz étant daté du mois d'août, notre fête nationale a été placée le 1er août.

Ce texte devenu fameux ne consacre nullement l'indépendance de la Confédération suisse qui continue de faire partie intégrante du Saint-Empire. Souveraineté, liberté, égalité, élections, droits du citoyen, démocratie, aucun de ces mots ne figure dans le texte de 1291. Ce vocabulaire est inconnu de ceux qui, à ce moment là, jurent d'observer le pacte.

Mais le choix est judicieux. Une des qualités premières des paysans de montagne qu'on a pris comme modèle de notre démocratie est la solidarité. Elle est nécessaire à la survie d'une population dont les conditions d'existence sont très rudes. Le pacte y ajoute une obligation de défense mutuelle. Je cite

Au nom du Seigneur, amen.

Que chacun sache donc que, considérant la malice des temps et pour être mieux à même de défendre et maintenir dans leur intégrité leurs vies et leurs biens, les gens des vallées d'Uri, de Schwytz et d'Unterwald se sont engagés, sous serment pris en toute bonne foi, à se prêter les uns aux autres n'importe quels secours, appui et assistance, de tout leur pouvoir et de tous leurs efforts, sans ménager ni leurs vies ni leurs biens, dans leurs vallées et au dehors contre tous ceux qui attenteraient à leurs personnes ou à leurs biens, les attaqueraient ou leur causeraient quelque dommage. Fin de citation

En juillet 1291, à la mort de l'empereur Rodolphe Ier, les habitants des vallées sont inquiets. Les baillis nommés par le nouvel empereur vont-ils empiéter davantage sur les compétences des juges locaux, choisis parmi les notables, par ces communautés d'hommes libres et jaloux de leur indépendance ? Cette crainte se retrouve dans le pacte. Je cite encore:

De même, après commune délibération et d'un accord unanime, nous avons juré, statué et décidé que nous n'accepterons et ne reconnaîtrons en aucun cas dans les dites vallées un juge qui aurait payé sa charge de quelque manière, soit en argent soit à quelque autre prix, ou qui ne serait pas de chez nous et membre de nos communautés.
On a surtout retenu le refus des juges étrangers qui, à l'époque étaient les baillis, mais on ne mentionne plus - volontairement ou non - l'indépendance vis à vis des puissances d'argent.

Indépendance ne veut pas dire repli sur soi-même. De nouvelles alliances vont se former qui conduisent à une Suisse à 8 puis à 13 cantons. Les habitants des 3 vallées tolèrent l'entrée de Zurich, Berne, Lucerne, Fribourg et Soleure, abandonnant leur pouvoir de décision.

Heureusement, cette ouverture s'est poursuivie; elle a permis à Genève de rejoindre la Suisse en 1815.

Nous, genevois, jouons un rôle particulier, incarnant pour le monde entier un lieu où l'on peut se rencontrer en territoire neutre pour y régler des conflits armés ou des disputes commerciales.

Pour cela, nous sommes porteurs de l'esprit du pacte de 1291 bâti sur la solidarité et la justice.

Vive une Suisse solidaire et ouverte au monde,
Vive la Genève internationale et
Vive Versoix.

Bernard LEVRAT, président du Conseil Municipal de Versoix

auteur : Michel Jaeggle

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