04.01.2017 par LR
num.265 février 2017 p.15
Boléro Chapitre 11

Les solitaires Versoix, Place de la Gare. De gros galets noirs irisés de givre blanc scintillent sous le jour terne ou quelques rayons solaires malicieux. Plus d’enfants pour s’amuser dans les mini-pataugeoires où la variante des jets d’eau amusait les hasardeux à se glisser sous l’un ou l’autre. Les passants admiraient ou allaient se prélasser sur le banc circulaire entourant le feuillu qui servait quelque peu d’ombrage. L’été amenait le plaisir de faire ses emplettes au marché de l’esplanade ou de s’arrêter un moment aux tables du restaurant sous les rayons chauds su soleil.
L’hiver est là, sans neige, mais du brouillard, du froid, de l’humidité, éventuellement l’une ou l’autre journée ensoleillée. La place reste vide. Seul le sapin illuminé aux couleurs locales donne un air de fête, teintant du bleu son alentour. Ne ferait-il pas un clin d’œil à celui du Boléro, habillé de lumières jaunes et de grosses boules aux couleurs vives ? Est-ce aussi par solidarité aux roses, bougies, messages, dessins et lumignons de tout genre, que les sapins brillaient un peu plus ces soirs de fête rendant hommage à l’adolescent tué, happé par le train ? C’est peut-être cela que virent nos solitaires, nimbés de toutes ces lumières et guignant au passage les amis, les curieux, les gens pressés mais faisant l’effort de s’arrêter pour comprendre le pourquoi d’un tel drame.
Mais la vie est ainsi composée de joies, de rires, de larmes, de bonheur et de tristesse, de lumières et de nuits sans fin. Du haut des étages, par les fenêtres surplombant la place, le regard s’éternise, observateur, interrogateur ou tout simplement bref, indifférent. Nos solitaires gisent sur leur séant, imperturbables. Route, voitures, avions, trains, passants, le rituel quotidien ne les influence guère. Morne est l’hiver, morne est la place. Seul le bruit, plus ou moins atténué donne un semblant de vie. Une fois les sapins enlevés, l’esplanade nettoyée, restera le souvenir d’événements tragiques, lumineux et malgré tout pleins d’espoir, car les beaux jours s’annoncent et grandissent et les solitaires reprendront vie et couleurs.     Lucette Robyr
 

auteur : Lucette Robyr

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