14.03.2018 par LR
num.277 avril 2018 p.24
La chasse aux Å“ufs

Vive le printemps ! La Nature est en fête ! Les cloches pascales sonnent à toute volée. Une douce chaleur sous le ciel lumineux donne envie de sortir, de se promener sous le soleil rayonnant.
M. Jeannot Lapin se prépare à rendre visite à sa cousine Madame Lapinou. Chapeau à claques sur la tête, veston rouge, nœud papillon garnissant sa chemise blanche, bottines jaunes et canne à la main, il s’en va vers le bois charmant, sifflant et chantant. Sur le chemin bordé de pâquerettes, primevères, crocus et violettes, il court, il marche, s’arrête, observe, écoute les oiseaux gazouiller, hume le parfum de certaines fleurs, en cueille quelques unes qu’il met dans son panier. Là-bas, au bout du chemin, Mme Lapinou, travaille dans son jardin.
- Bonjour, ma cousine. Je viens vous conter fleurette en ce beau jour de printemps et vous savez qu’en cette période, les poules, nos amies, sont particulièrement fécondes. Avez-vous déjà apporté quelques œufs de leur poulailler ?
- Bonjour, mon bon ami. Heureuse de vous rencontrer. Malheureusement, je n’ai point d’œufs, n’ayant pu faire mes emplettes à temps, mais allons de ce pas leur rendre visite. Elles n’en seront que charmées.
Aussitôt dit, aussitôt fait !
Bras dessus, bras dessous, ils s’en allèrent, en chantant, en dansant, chez les poules, qui à vrai dire n’étaient pas très loin.
- Bonjour, dames poulettes. Comme vous êtes belles dans vos panaches blancs et vos crêtes rouges. Vous êtes bien nombreuses et vous caquetez à merveille. Avez-vous quelques œufs à nous offrir ?
Les poules toutes fières d’entendre ce bel hommage ne purent s’empêcher de pondre des œufs de toutes les couleurs. O Merveille des merveilles ! Il y en avait à profusion. Des jaunes, des verts, des bleus, des rouges, des violets, des vifs, des pastels, des blancs, des bruns, des gris et mille autres teintes. Ah ! Ces poules extraordinaires qui auraient charmé toute la République !
Servez-vous dirent les poules, mais ne les cassez pas. Nous avons mis tous nos cœurs pour les pondre.
Après maints remerciements et remplit leurs paniers nos deux compères rentrèrent à la maison, chez Mme Lapinou.
Et si on organisait une chasse aux œufs, style course au trésor, suggéra Jeannot Lapin. On appellera tous les animaux de la ferme et de la forêt, et chacun ira chercher les œufs que nous aurons bien cachés.
La matinée se passa à trouver les endroits où dissimuler les œufs. Après un rassemblement dû au cor des bois, chacun entendit l’appel et vint à la maison de Mme Lapinou. Les ordres furent donnés par Jeannot Lapin. En deux heures de temps, tout devait être ramassé. Ils n’étaient pas moins d’une cinquantaine venus de toute la région pour ce rassemblement pascal. Les poules caquetaient, les poussins gloussaient, le cheval hennissait, les vaches beuglaient, les moutons bêlaient et les animaux de la forêt intensifiaient le concert à leur manière, tout en cherchant les œufs. Pour sûr, ils étaient bien cachés : sous-bois, feuillage, tronc, croisement de branches, nids d’oiseaux, pousses de lierre, mottes de terre, etc., rien ne fut oublié. Il n’était pas évident pour tout le monde de trouver les œufs. Questions, réponses allaient bon train, et les uns et les autres s’entraidaient en cachette pour trouver les œufs, car les heures couraient vite. Il fallait tous les trouver.
Une demi-heure après, tous les œufs étaient ramassés, soit à peu près deux chacun recueillis par Mme Lapinou et Jeannot Lapin. La moisson avait été laborieuse, et toute la gent animalière sautait de joie devant cette récolte multicolore.
Et maintenant que faire avec tous ces œufs ? Les renvoyer tous chez eux avec un œuf ? Pas très sympa ! La cousine de Jeannot avait toujours de géniales idées. Elle décida qu’on ferait un grand repas tous ensemble. Œufs cuits durs, œufs pochés, omelette, crêpes, biscuits ou quelque invention originale. On opta pour l’omelette géante plus conviviale ! Encore fallait-il trouver une poêle suffisamment grande ! Là était la question. Le cheval se proposa d’aller à la ferme trouver une immense bassine dans laquelle cuiraient les œufs. Le cerf alla chercher des branchages pour construire le feu, les moutons trouveraient des couvertures de laine pour s’asseoir, les vaches installeraient le tout dans la clairière, les lapins apporteraient les couverts et les poules s’occuperaient du nettoyage avant et après le repas. Ainsi fut fait. Tout s’organisa à qui mieux mieux. Le feu fut allumé par Jeannot Lapin, Mme Lapinou et les poussins cassèrent les œufs dans la bassine, puis peu à peu sur les braises chaudes l’omelette géante prit corps. Chacun s’asseya sur les couvertures et l’on mangea tous ensemble dans la joie, la bonne humeur, parmi les senteurs de la forêt, les chants, les danses, les cris, les histoires drôles, sous l’œil vigilant des oiseaux, qui s’invitèrent bien sûr à la fête. Jamais, il ne fut plus de bonheur dans la clairière et chez tous les animaux, car avec les coquilles vides multicolores, on en fit un tapis où le soleil dardait ses rayons. Le crépuscule arriva peu à peu et après congratulations, au revoir et promesse de se retrouver l’année suivante, chacun reprit le chemin du retour aussi joyeux que les cloches de Pâques.
Lucette Robyr
 

auteur : Lucette Robyr

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