17.01.2019 par MG
num.285 février 2019 p.10
L'ARAG reçue par la Commission Economie du Grand-Conseil

En tant qu'ancien président de l’ARAG, actuellement vice-président, j'ai suivi attentivement le développment de l'aéroport de Genève. J'ai même été l'auteur de GAME/IMTAG, qui permet d’examiner tous les mouvements à l’aéroport depuis 10 ans en faisant des recherches sur les types de mouvements et d’avions, les heures de la journée ou de la nuit, les compagnies d’aviation, etc. Comme j'ai eu récemment l'occasion d'être reçu par la Commission de l'Economie du Grand-Conseil, je tenais à partager mes réflexions avec les lecteurs du Versoix-Région.

Ma constatation est claire : la situation actuelle n'est pas satisfaisante du tout.
De moins en moins d’informations sont disponibles pour les riverains, les communes, voire même le Grand Conseil. L’ancien ministre de tutelle de l’aéroport prétendait que la population est représentées par des membre de partis politiques au conseil d’administration de l’AIG. Les connaissez-vous ? Savez-vous quel est l’ordre du jour avant chaque réunion du CA et, tout en respectant le secret de fonction, des décisions importantes qui sont prises ?
Des exemples ?
Dans le rapport d’activité de l’AIG de l’année 2017 est annoncée une émission obligataire de 175 millions de francs. Qui sont les acheteurs de ces titres ? Comment être certain qu’ils n’auront pas une influence sur l’utilisation des emprunts ? Une certitude : les fonds souverains des pays du Golfe investissent des sommes énormes partout dans le monde. Leurs compagnies d’aviation s’intéressent beaucoup à notre aéroport. Selon un article récemment paru dans la presse, la compagnie Emirates a même pu obtenir la cinquième liberté, qui pourra lui permettre, par exemple, la planification de vols long-courriers entre l’Amérique du Sud et le Golfe via Genève. Or, la politique de la Confédération est plutôt d’encourager les long-courriers depuis les aéroports d’Europe.

Toujours selon le rapport d’activité 2017 de l’AIG, « la redevance bruit a cru de 120% ». Ce qui n’est pas dit, c’est que cette augmentation ne s’applique qu’aux atterrissages (dont la redevance est indépendante de l’heure d’arrivée, ce qui n’est pas le cas à Zurich). Il est regrettable que le tarif des surcharges de bruit pour les décollages de nuit n’ait pas été augmenté. En effet, le nombre de mouvements de nuit continue à croître, alors que le nombre de mouvements des avions de ligne est en régression. Cela rapporterait plus.
On peut aussi déplorer que l’AIG ne pénalise pas suffisamment les émissions de substances nocives. Pour tous les aéroports, en Suisse ou ailleurs, ces émissions sont calculées de la même manière. Or l’AIG n’applique qu’un coût de 1.5 CHF par unité d’émission, alors qu’à Zurich son prix est de 2.4 CHF et que les autres aéroports de Suisse facturent plus de 4 CHF. Pourquoi n'est-ce pas le même tarif partout en Suisse ?
Ainsi, chaque année, le fonds pour l’environnement de l’AIG ne dispose que d’environ 9 millions de francs, avec comme conséquence un délai d'une dizaine d'années pour installer l'isolation phonique des logements promise. Le nouveau cadastre de bruit a augmenté la zone touchée, donc le nombre d'habitations concernées. De plus, une récente décision judiciaire  a décrété que l’AIG doit indemniser des riverains victimes du bruit. Ces réalités devraient pousser les autorités cantonales d'imposer à l’AIG d’augmenter massivement les taxes des bruit et pollution pour faire face à ses obligations légales.
Aux yeux de l’ARAG, l’information mise à disposition par l’AIG diminue depuis quelques années en quantité et en qualité. Par exemple, pour connaître l’évolution du bruit enregistré par les microphones de l’AIG, l’ancien MIABA permettait d'obtenir des mesures chiffrées pour chaque mois et année. Le nouveau SIMBA n’offre que des graphiques, qui ne correspondent pas avec les périodes du jour et de la nuit spécifiée dans l’OPB. Impossible donc de suivre l’évolution réelle depuis 2014 du bruit enregistré par le microphone à Versoix ! L’ARAG considère que le canton, via le Conseil d’Etat et le Grand Conseil, devrait avoir le pouvoir d’obliger l’AIG de produire régulièrement les chiffres qui permettent de suivre les nuisances en temps réel.
Une autre manière d’examiner l’évolution du trafic consiste à analyser les mouvements d'easyJet. En réalité, il y a trois compagnies de ce nom : une anglaise, une suisse et une européenne – cette dernière ayant été créée pour anticiper les effets du BREXIT. L’ARAG note un nombre de vols de ligne, à l’exclusion de l'activité easyJet, de l’ordre de 94’000 en 2017, soit quasi identique à la situation de 2011. Par contre, le nombre de vols easyJet est passé d’environ 36’500 en 2011 à presque 52’000 en 2017. Sans la croissance de ce groupe, le nombre de vols de ligne serait resté stable !
Et l’avenir ? Notre analyse préliminaire de cette année 2018 suggère que la croissance d’easyJet continuera, mais à un rythme moins élevé (< 1%). Par contre, il y aura une régression d’environ 4% du nombre de vols de ligne de toutes les autres compagnies régulières. Il est à noter que cette estimation colle assez bien avec les chiffres officiels de l’AIG, qui montrent une diminution de 2,77% des vols de ligne en octobre 2018.
Dès lors, est-il raisonnable de continuer à croire les prévisions contenues dans le PSIA ? La compagnie easyJet risque gros avec la situation actuelle du BREXIT. Dans le pire des scénarios, la livre sterling pourrait accuser une baisse considérable, ce qui pourrait avoir un effet conséquent pendant la saison de ski (et pas seulement sur les vols easyJet Grande-Bretagne ).
Une dernière réflexion concernant easyJet. Il a été dit que l’ancien ministre de tutelle avait reçu des garanties des dirigeants de cette compagnie concernant le remplacement de leurs Airbus A319/A320 par les avions A320Neo ? A l’heure actuelle, easyJet Grande-Bretagne possède 160 avions (18 A320Neo, 64 A320, 75 A319 et 3 A321Neo), easyJet Europe 125 avions (85 A320 et 40 A319) et easyJet Suisse 28 avions (18 A320 et 10 A319). Ni easyJet Europe ni easyJet Suisse n’ont reçu d’avion Neo, ces derniers étant tous affectés à la compagnie de Grande-Bretagne. De plus, il est très rare qu’easyJet Grande Bretagne utilise un Neo pour un vol vers ou de Genève. Il semblerait que ces Neos soient utilisés en priorité pour desservir les aéroports où les différences de taxes bruit par catégorie d’avions sont importantes (ce qui n’est pas le cas à Genève).
En conclusion, l’ARAG souhaite que les élus, en particulier celles et ceux du Grand Conseil et des communes genevoises, aient plus d’influence sur la direction de l’AIG.


Mike Gerard, vice-président de l'ARAG

auteur : Mike Gérard

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