10.06.2020 par LMV
num.300 juillet-août 2020 p.10
Des pistes cyclables pour « un avenir décarbonisé »

Ce sont là les mots que Delphine Klopfenstein Broggini a choisis pour terminer le texte qu’elle a ensuite déposée comme motion auprès du Conseil National le 4 mai 2020. Cette élue du parti des Vert.e.s, habitante de Versoix, veut « assurer la distanciation physique dans les déplacements » en chargeant le Conseil fédéral de « créer un cadre légal » permettant aux cantons de mettre d’avantage en avant le cyclisme pendant la crise du Covid-19. Dans un climat tendu autour de la question des nouvelles bandes cyclables établies par le Conseil d’Etat le 13 mai 2020 à Genève, le Versoix-Région a recueilli ses arguments et ses impressions.

Delphine Klopfenstein Broggini ne s’en cache pas: « Je ne dirais pas que c’est opportuniste, mais plutôt que c'est une opportunité. Cette crise représente un moment d’apprentissage énorme. Nous sommes confrontés aux limites de notre système. » Ses motivations sont claires et avant tout écologiques. « C’est la bonne occasion de faire des changements durables. Le vélo et la marche à pied sont des solutions à la fragilité de notre système. »

Si sa motion est acceptée, le Conseil fédéral devra permettre une plus grande marge de manoeuvre aux cantons afin que ceux-ci puissent adapter plus facilement et rapidement le réseau routier à un afflux de cyclistes. Cela entrainera vraisemblablement plus de prises d’initiatives et le développement de mesures comme celles établies le 13 mai à Genève. Ces modifications sur les routes du canton ont fait couler beaucoup d’encre dans les deux camps.

« C’est une bonne nouvelle ce qui se passe à Genève ! On le voit bien, le PLR est déchiré sur la question. On doit trouver des solutions ambitieuses et ces aménagements amènent vraiment du changement. » La conseillère nationale se réjouit presque de la polémique amenée par ces bandes cyclables à l’essai. Elle admet néanmoins que l’exécution a peut-être été un peu rapide et que certains traçages nécessitent une réflexion plus poussée. « Mais grâce à ce côté provocateur, elles ont fait parler d’elles. On doit prendre parfois des initiatives un peu extrêmes pour faire bouger les choses. » Pour elle, il n’y a aucun doute. Il faut repenser l’entièreté du système au plus vite, rendre les bandes cyclables permanentes et en dessiner d’autres. « Il y a une grande tradition automobile à Genève qu’il faut changer. On est à la traine. »

Dans le texte de la motion, elle donne l’exemple de plusieurs villes qui ont décidé d’élargir leurs réseaux de bandes cyclables en réponse à la crise du coronavirus. Les mots de Claudia Lopez, maire de Bogotá, sont cités directement: «Le vélo, en tant que moyen de transport individuel, représente l'une des alternatives les plus hygiéniques pour la prévention du virus, en particulier dans cette première étape préventive où il est recommandé d'éviter les contacts étroits et les foules ». D’après le journal Libération, le réseau cyclable de cette métropole de plus de 8 millions d’habitants compte déjà 540 kilomètres et fait l’objet de 880 000 voyages par jour en temps normal. En plus de cela, le dimanche venu, plusieurs des grands axes sont totalement fermés aux voitures entre 7h et 14h pour permettre aux citadins de se promener et faire de l’exercice. « Des mesures sont prises dans des grandes villes mais à Genève, alors que la moyenne des déplacements est d’à peine 3km, on a du mal à faire bouger les choses. »

Interrogée sur les nouveaux traçages à Versoix, Delphine Klopfenstein Broggini ne se dit pas satisfaite. « Il faut comprendre quelque chose: les cyclistes pédalent ! N’importe quel détour ou montée à franchir peut être dissuasif. Il faut prendre cela en compte lorsque l’on pense à l’aménagement routier. Depuis Versoix, on pourrait par exemple suivre les rails pour se rendre en ville. C’est beaucoup plus direct. »

Au cours de l’entretien, la conseillère nationale a exposé une équation simple: « Si l’on crée plus de bandes cyclables, les cyclistes se sentiront plus à l’aise sur la route. S’ils se sentent plus à l’aise sur la route, ils prendront plus le vélo. Plus de personnes qui prennent le vélo implique moins de voitures sur la route. Au final, en redistribuant l’espace attribué aux voitures, on peut faire diminuer les bouchons. Il faut considérer le cyclisme comme un vrai interlocuteur. » Le Conseil National suivra-t-il ce schéma ? L’accueil qu’il réservera à cette motion sera un bon moyen d’évaluer l’étendue de la vague verte à Berne.

Motion 20.3255 à consulter sur le site du Parlement

auteur : Laura Morales

<< retour