Comme vous le devinez, c’est toujours un plaisir renouvelé d'assister et écouter une belle musique. Ce dimanche 8 octobre 2023, aux Caves de Versoix, une pianiste virtuose est venue interpréter les « Variations Goldberg de J. S. Bach ». Œuvre peut-être un peu méconnue pour certains mélomanes, mais pour cette talentueuse artiste, il n’y a aucun secret, tant ces 32 variations semblaient un jeu d’enfant.
Après une présentation de cette œuvre par M. Paul Kristof, responsable du Salon musical à la Bibliothèque de la Cité pendant de nombreuses années, on se rend compte que le compositeur a usé de toutes les facettes musicales pour rendre à ces Variations toute la beauté et la rigueur nécessaires aussi bien dans sa structure que dans son écoute. L’un ne va pas sans l’autre !
Il faut s’imprégner de la musique de J. S. Bach, tant elle est pensée, modelée, ciselée pour en produire une merveille. En effet, « toute l’œuvre est structurée en multiples de 2 ou plutôt en puissance de 2 : 2 – 4 – 8 – 16 – 32 – 64, etc. Chacun des 32 mouvements de l’œuvre est en deux parties. Chaque partie contient 16 mesures, avec une respiration après huit mesures. Chaque partie doit être jouée deux fois. Il y a donc 64 mesures dans un mouvement. »
De là à imaginer une recherche en couleurs, chatoyantes, à exprimer une ou des harmonies subtiles, bien architecturées aux effets les plus divers, le génie de Bach nous fait entrer dans une ascension symbolique voulue et pensée jusque dans ses moindres détails par le compositeur. Autant cela donne l’image d’un funambule sur sa corde raide muni de son balancier, autant l’image d’un escalier de 32 marches en ellipse qu’il faut gravir marche après marche. Tout au long de ces variations, c’est goûter à la « simplicité presque enfantine à la beauté la plus pure ». En les écoutant on découvrira des «fugues, des canons, des ouvertures, des danses, des méditations, des cavalcades, des déplorations, des jubilations,» … en bref une panoplie de reflets musicaux que la liberté du compositeur s’est donnée avec aisance.
Venons-en à l’interprète Anne Boëls. Un autre génie dira-t-on, tant la perfection était à l’honneur. Commençant par une variation lente et presque nostalgique, on découvre toute la finesse, la délicatesse de la pianiste qui délivre à travers les graves et les aigus, sa sensibilité et l’expression de nuances souvent mises en relief. Ainsi passant de «chapitres» tant vifs, énergiques où elle jongle avec ses mains habiles à d’autres «chapitres» plus «sérieux», les rythmes et les harmonies se panachent, s’entrecroisent, s’intensifient ou s’adoucissent avec une remarquable maîtrise. Autant on jubile à cette écoute, si prenante par moment, autant on se laisse bercer par la souplesse des tonalités qui s’écoulent comme une rivière aux eaux claires et douces. Tout au long de ces variations qui défilent en différents modes majeur ou mineur, entrecoupées de profondes respirations, on se prend à participer presque naturellement aux images et sentiments qu’auraient pu éprouver J. S. Bach au cours de sa composition. Cette richesse musicale magnifiquement rendue par Anne Boëls nous délivre un charme simple, expressif, plein de jeunesse, où l’ascension de cet escalier semble à la fois facile et difficile tant les styles sont baignés de fraîcheur, de spontanéité, de gaieté, d’assurance, mais aussi de mélancolie, de tendresse, de douceur, de saveur indicible. Tout est dans l’art de l’interprétation et notre grande pianiste et musicienne a su nous le démontrer avec sourire, grâce, science, talent et sensibilité, reflétant sa richesse intérieure tout au long de ce concert original et fortement apprécié et applaudi.
Sincères félicitations à Anne Boëls et au plaisir de la revoir, et merci à Brigitte qui nous programme de si beaux moments musicaux.
Lucette Robyr
Photos : JR