17.05.2012 par ro
num.219 juin 2012 p.05
Les pas des pèlerins

C’est un vieux Chemin, où tant de traces se sont déposées les unes dans les autres… Depuis des siècles, tant d’inconnus qui ont passé là, du Moyen Age, du siècle des Lumières, de l’ère industrielle, pendant les guerres et paix du 20ème siècle… ou hier dans la journée, ou ce matin, peut-être des pèlerins que je connais, que j’ai rencontrés dans tel gîte, dans telle église ? Venus de Corée ou d’Alaska, d’Allemagne ou du Canada, de France, de Belgique, de Suisse ou du Japon, d’Afrique du Sud, ou d’Angleterre, et d’ailleurs encore… Des jeunes ou de plus âgés, seuls ou en couple, ou même en famille, j’ai vu un enfant de 12 ans marcher avec ses parents…Des veufs et des veuves, dont certains qui tombent amoureux ; des couples harmonieux ou d’autres plus tendus… Des amateurs de petits mots à laisser sur des papiers flottant aux branches, ou hâtivement écrits sur un poteau… Toute une foule au final, si variée et bigarrée, qui passe tour à tour mais sans se rencontrer.

Les uns, les unes et les autres, et moi maintenant, nous formons une sorte de réseau invisible, nous ressentons une étrange communion… C’est la force mystérieuse du Chemin… Les traces des chaussures deviennent comme la réalité palpable de ce mystère : d’abord parce que nous les cherchons assidûment et constamment, en complément du balisage, c’est fou ce qu’elles nous rassurent lorsque nous nous croyons perdus… Ces traces dans la boue ou sur le bas-côté des routes, dans les sentiers ou entre les cailloux, elles sont aussi le signe que d’autres marchent, avec cette force et ce courage. Ainsi marcher seule, toute la journée, par monts, par vaux, en paysage sauvage ou civilisé, c’est aussi marcher avec les autres… Et marcher avec ses propres forces, son monde intérieur, sa sensibilité aux oiseaux, au soleil, à la fatigue, aux ressources cachées, c’est aussi marcher grâce aux autres, à la faveur d’une parole, d’une expérience, d’une prière reçues ici ou là… Chacun, chacune à sa manière, nous savons bien que nous ruminons, en marchant pas après pas, une quête personnelle, une recherche spirituelle…

Cela m’a fait penser à Jésus lui-même qui a tant marché, et qui a emmené avec lui des femmes et des hommes qui aimaient placer leurs pas dans ses pas… J’ai pensé aux apôtres-pèlerins d’après Pentecôte, habités par cette nouvelle force qui les a envoyés, chacun pour soi mais aussi en communion « jusqu’aux extrémités du monde ». Et voilà qu’en ce printemps 2012, sur le mur d’un tunnel sous l’autoroute après Aumont-Aubrac, j’ai relevé ce tag qui semble signer la démarche de nombreux pèlerins d’aujourd’hui comme d’autrefois :


Ce n’est pas toi qui fais le Chemin,
c’est son Esprit qui t’appelle pour allumer au creux de ton effort
sa propre lumière d’Amour qui donne la Vie.


 

auteur : rédacteur occasionnel

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