21.05.2012 par ALBB
num.220 juillet 2012 p.04
Découverte béninoise

Une classe de techniciens ES (menuisier/ébéniste) composée de quinze élèves accompagnés d'un enseignant se sont rendus en avril une quinzaine de jours au Togo à la rencontre de leurs pairs. L'occasion de découvrir une autre culture, une manière différente de vivre et surtout des techniques professionnelles tellement adaptées au lieu. Ce voyage a pu se concrétiser grâce au soutien de la République et Canton de Genève, ainsi que celui de nombreux mécènes romands.

Ce projet a pu naître grâce à l'Association avec les Villages du Bénin, un groupement fondé par des Béninois habitant notre région en 1995. Les actions principales ont été de faciliter la construction d'écoles ou d'infrastructures sanitaires. Pour mieux faire connaître la région et ses habitants, des échanges culturels sont organisés régulièrement avec des classes volontaires.

Pour se mettre au parfum de la vie africaine, quoi de mieux qu'un tour du marché de Cotonou le premier jour ! Les objets sont vendus à la pièce (même les aspirines ou les cigarettes), les légumes côtoient les tissus ou ustensiles en plastic dans un joyeux brouhaha. Les poubelles ne débordent pas, les déchets sont simplement jetés par terre… Un marché africain est le lieu de rencontre par excellence et le meilleur endroit pour y comprendre la vie…

Pendant une semaine, les étudiants ont partagé leur vie et le travail de leurs camarades en montant une charpente pour le toit d'une école. Les techniques apprises au CFPT ont pu vite être oubliées pour faire face à la réalité du matériel à disposition. Que d'admiration devant la débrouillardise de leurs collègues. Puisqu'il n'y a pas de poutres, il faut clouer des planches ensemble pour en fabriquer. Le calcul des charges et de la résistance ne sont pas importants : de toute façon, la toiture ne devrait pas subir le poids de la neige, mais surtout du vent et protéger de la pluie tropicale. Il faut adapter le matériel à disposition puisqu'aucune commande supplémentaire n'est possible. Quelle leçon de vie !

D'autre part, vu le manque d'électricité, l'énergie humaine est utilisée principalement. Du coup, des outils originaux sont créés : des espèces de marteau, mais munis de ciseaux à bois ou autres objets contendants. Ainsi, on arrive à remplacer la force des machines par celle de l'homme.

La présence d'européens ayant choisi un métier manuel a mis en valeur ce choix professionnel aux yeux des jeunes africains heureux de débattre sur les différences sociétales entre ici et là-bas. Une des principales conclusion a été que moins ont a, plus ont est solidaire. Le taux de change officiel n'est pas une valeur logique lorsque l'on compare les pouvoirs d'achat des deux pays.

D'autre part, les normes de sécurité en vigueur en Suisse sont à des années lumière de ce qui se vit quotidiennement en Afrique. Les produits considérés toxiques ici sont en vente libre au Bénin et pas forcément utilisés à bon escient : c'est ainsi que les "poutres" fabriquées maison ont été enduites d'une substance chimique ressemblant étrangement au DDT (insecticide très toxique). L'emballage précisait d'ailleurs que le liquide pouvait être utilisé pour nettoyer le sol ou les animaux de compagnie, alors même qu'une giclette acide tombée sur la jambe d'un élève a sérieusement irrité la peau….

Comme l'électricité manque, pour souder, un missionnaire enseignant a trouvé une solution efficace, mais oh combien dangereuse. Il a installé une bobine électrique dans une cuve d'huile et crée du courant par électrolyse. Cela fonctionne à merveille, mais il ne faut pas toucher à la bassine ! On est loin des normes ISO dictées par l'ambiance sécuritaire européenne…

Dans le cadre de la visite, les élèves ont également eu la chance de visiter Ganvié, un village construit sur l'eau par des populations menacées lors des rafles pour la traite humaine. Leurs descendants vivent toujours dans cette "Venise" et ont totalement adapté leur vie à l'environnement aquatique. Les étudiants ont aussi marché sur le chemin historique des esclaves à Ouidah et découvert l'ancienne capitale royale Abomé. Pas seulement une leçon de géographie, aussi un pan de l'histoire de l'humanité !

Les futurs menuisiers sont rentrés fourbus, mais la tête et le cœur remplis de souvenirs inoubliables. Ils ont bien entendu laissé tout le matériel qu'ils avaient apporté (livres, habits, médicaments et autres objets d'hygiène). La majorité d'entre eux rêve de retourner en Afrique. Ce voyage a changé leur vie et la manière d'appréhender le monde et son histoire.
 

auteur : Anne Lise Berger-Bapst
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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