18.02.2014 par AF
num.236 mars 2014 p.15
L'Ensemble Ballata

L'ensemble BALLATA nous fait découvrir la beauté des musiques médiévales aux Caves

Les quatre musiciens qui composent l'Ensemble Ballata, réunis par leurs études au Centre de Musiques Anciennes dans le cadre de la Haute École de Musique de Genève, vouent une véritable passion pour l'ensemble des musiques médiévales. Cette passion conjugée au plaisir de partager et au talent de pouvoir faire ressentir à un large public l'incroyable diversité harmonique et rythmique de cet art médiéval assure à l'Ensemble Ballata une formidable qualité scénique et musicale.


Les musiciens nous ont entraînés dans un programme construit autour de la figure de Guillaume Dufay (1400-1474). Ce compositeur originaire de Cambrai, figure la plus emblématique et influente de la musique du XVe sièce, fut également impliqué au coeur des événements politiques de son temps, à Cambrai, à Rome et en Savoie. Le concert de ce dimanche après-midi lui rend donc hommage en proposant un florilège savoureux et enchanteur de quelques pièces profanes, mais également de compositeurs qu'il a pu croiser aux cours de ses aventures tels que John Dunstable ou Gilles Binchois.
Avec Guillaume Dufay commence l'une des grandes époques de la musique française : l'école franco-flamande, issue de la guerre de Cent Ans et dont le rayonnement reste constant jusqu'à la fin du XVIe siècle, dominant toute la musique occidentale. Guillaume Dufay se situe au début de cette transition entre le Moyen Âge et la Renaissance, quand la musique se libère de plus en plus des contraintes formelles strictement déterminées à l'avance et qu'elle connaît un élan personnel qu'il n'était plus possible de freiner. Dufay réunit l'ancien et le nouveau: l'ancien par l'utilisation de structures rigoureuses, le nouveau par la riche alternance des possibilités expressives dont son oeuvre témoigne. « La musique de Dufay est la résultante de plusieurs influences complémentaires : l'art français de Machaut, la « contenance angloise » de Dunstable, importante par les innovations harmoniques qu'elle a introduites, enfin l'influence des mélodies italiennes due à ses voyages ».


Outre le grand talent des quatre musiciens pour entraîner l'auditoire dans les méandres des sonorités médiévales, tantôt mélancoliques tantôt joyeuses, le concert nous a donné la chance de pouvoir connaître certains instruments méconnus du grand public. Baptiste Chopin, à la direction de l'ensemble, a joué du quanûn, instrument à cordes pincées très répandu dans les pays du Moyen-orient ainsi qu'en Grèce, en Turquie et en Arménie, qui ressemble à une cithare ou une harpe de table et qui peut se jouer sur les genoux à l'horizontale. Baptiste a également joué un morceau avec un clavisymbalum, sorte de clavecin en miniature. Amandine Lesne a joué, quant à elle, de la vielle à archet. Instrument typique de la période médiévale composé de 3 à 5 cordes frottés. L'instrument peut être joué soit à la manière d'un violon en le posant sur l'épaule soit à la manière d'un violoncelle entre les jambes. Nicolas Zorzin professeur de flûtes à bec à l'École Croque note de Versoix a joué avec pas moins de quatre flûtes différentes, toutes fabriquées sur des modèles de flûtes médiévales. A la fin nous avons encore pu apprécier une douçaine ou doulciane, instrument à vent de la Renaissance qui semble être l'ancêtre du basson. Naturellement, nous ne pouvons évoquer la musique médiévale sans parler de l'instrument de prédiléction des ménestrelles du Moyen-Âge, la voix, dont Marie-Pierre Duceau fait usage avec une grande sensibilité et une émotion toute particulière en rendant avec grâce les lignes mélodiques, jouant sur des rythmes très variés et s'adaptant aux différentes émotions de la poésie lyrique, comme le dépit amoureux, la tristesse ou l'amitié.


Le talent des musiciens, leur fraîcheur et leur naturel ainsi que la découverte de la musique médiévale et aussi des instruments qui permettent de la jouer firent la spécificité de ce concert magique. Arrivées pour l'occasion dans l'inconnu, nos oreilles contemporaines, totalement charmées au final, nous prouvent que la musique médiévale est extrêmement riche et belle quand elle est bien jouée.

auteur : Alexandre Fradique

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