12.10.2016 par CS
num.263 novembre 2016 p.08
TSHM : Le trait d'union entre une population méfiante et une jeunesse stigmatisée

Cela fait déjà une quinzaine d’années que les Travailleurs Sociaux Hors Murs (TSHM) interviennent à Versoix. Pourtant, leurs fonctions restent mal connues de la population. David Crotti, qui travaille comme TSHM à Versoix depuis plusieurs années, nous décrit la réalité d’un travail qui participe largement à la paix sociale de la ville.

Une permanence d’écoute et de soutien
La FASe – la Fondation genevoise pour l’Animation Socioculturelle - fournit une prestation de travail social hors murs, mandatée par la commune de Versoix. Les acteurs de cette prestation sont les TSHM -Travailleurs Sociaux Hors Murs -qui ont pour mission principale de favoriser et renforcer la cohésion sociale dans la commune. Leurs services s’adressent aux jeunes entre 12 et 25 ans qui se trouvent hors des murs des institutions ou qui présentent des signes avant-coureurs d’un décrochage scolaire ou d’une exclusion sociale.
David Crotti, Julia Castiglione et Mehdi Bouhaouche sont tous trois diplômés des Sciences de l’Education de l’Université de Genève ou de la HETS – la Haute Ecole de Travail Social de Genève. A l’espace communautaire de la Pelotière «La Passerelle», ils assurent des permanences suivant le principe de l’accueil libre, les après-midis du mardi au vendredi, et les mardis soirs aux Caves de Bon-Séjour, pour les jeunes correspondant à la tranche d’âge susmentionnée. Pendant ces moments, les jeunes peuvent leur demander des conseils, un accompagnement dans un projet personnel ou simplement venir se confier.

La tournée des rues et l’immersion parmi des groupes de jeunes
Pendant que l’un d’eux reste stationnaire, un autre TSHM arpente les rues de Versoix accompagné d’un moniteur. Le choix des lieux de tournées dépend des demandes de la commune et des informations fournies par les partenaires locaux ou les parents. Les TSHM observent les comportements des jeunes qui investissent l’espace public, tentent de saisir leurs rites et leurs codes, et instaurent petit à petit une relation de confiance. Ils n’interviennent directement auprès d’un jeune ou d’un groupe que sur demande de celui-ci ou de ses parents, ou suite à une plainte de la population ou des autorités locales. Pour David Crotti, ses six ans passés à Versoix montrent que dans ce dernier cas de figure, le problème relève simplement d’un manque de communication, et que l’instauration d’un dialogue entre les deux partis permet bien souvent de résoudre le conflit. Il nous livre un épisode marquant de son expérience.
Il y a quelques temps, il a été appelé par une habitante d’un appartement situé au rez-de-chaussée d’un immeuble, devant lequel des jeunes traînaient beaucoup et jouaient au ballon. La dame déjà âgée se plaignait de l’insécurité qu’elle ressentait et du fait que ces jeunes lançaient toujours le ballon dans son jardin, puis s’approchaient trop près de chez elle pour le récupérer. Après une période d’observation de la situation, David proposa à ces jeunes d’aller se présenter à la plaignante. Une fois le contact établit et la méfiance brisée, une toute autre relation a pu naître. David nous confie que la dame fait aujourd’hui appel à ces mêmes jeunes pour s’occuper de son jardin.

Des ateliers et des activités variés
Les TSHM sont également présents lors d’une grande partie des manifestations communales, pendant lesquelles ils encouragent la participation civique des jeunes. Ils collaborent étroitement avec le RADO dans l’encadrement et l’accompagnement de certains jeunes en ayant manifesté le besoin, ainsi que dans l’organisation d’animations diverses. Ils coordonnent également des ateliers proposés par les habitants pour les habitants, comme par exemple des cours de cuisine. Et les vendredis soir, dans les salles de sport du cycle des Colombières, ils proposent une activité « sport pour tous ».
Dans une ville-dortoir comme Versoix, le manque d’espaces de socialisation, ouverts notamment jusqu’à tard le soir, est un réel problème qui amène les jeunes à traîner dehors, ce qui entraîne parfois des conflits avec les autres habitants. Comme l’ont montré d’innombrables recherches en sciences sociales, l’ennui pousse à la déviance. Les THSM en sont conscients et tentent tant bien que mal de pallier le manque d’activités récréatives offertes aux jeunes gens de la commune. Ils offrent aussi une aide à l’insertion professionnelle, en partenariat avec la Forge. L’autonomisation des jeunes est un des objectifs premiers des TSHM et se traduit par une orientation et un accompagnement dans des démarches administratives, ainsi que de l’aide au développement de compétences.

Un trait d’union intergénérationnel
Pour David, la fonction de son travail est celle d’un «trait d’union» entre les jeunes citoyens et le reste de la population. Les TSHM aident ces jeunes à mieux comprendre certaines réalités politiques, institutionnelles et sociales; et à entrer en relation avec différentes institutions et autorités locales, à apprendre leurs codes et à leur faire confiance. Parallèlement, ils œuvrent à déconstruire les «quiproquos sociaux» (dixit David Crotti) et les a priori négatifs à l’égard de jeunes, notamment en amenant différentes générations à travailler ensemble ou tout simplement à se côtoyer. Ainsi, ils favorisent le vivre-ensemble et le développement communautaire et agissent tant dans l’intérêt des jeunes que dans celle de la collectivité.

Un travail de prévention et de détection précoce
Mais les travailleurs sociaux hors-murs font aussi un énorme travail de prévention éducative et sanitaire. En partenariat avec les APM (les Agents de Police Municipale) et les conseillers sociaux du CO des Colombières, ils proposent des ateliers de prévention aux classes de 8P et de 9P – respectivement dernière classe d’école primaire et première année de cycle, correspondant à l’âge d’entrée dans l’adolescence -, pendant lesquels ils présentent leurs services et fournissent quelques outils pour préparer ces jeunes à affronter toutes sortes de situations propres à l’adolescence. Ces interventions préventives sont très utiles puisque nombreux sont ceux qui, suite à ces ateliers, font appel aux TSHM et évitent ainsi peut-être la rupture sociale. Si les médias aiment à montrer une jeunesse en déchéance et toujours moins active, la réalité versoisienne est que seule une très petite minorité de jeunes entre 12 et 25 ans souffre d’exclusion sociale et nécessite la prise en charge des TSHM (seule une trentaine de jeunes sur près de 3000 à Versoix pour l’année en cours). Un bilan très positif qui ne fait que valoriser le travail réalisé par les TSHM !

 


Texte : Carla da Silva


 

auteur : Carla Da Silva

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