09.08.2017 par ALBB
num.271 septembre 2017 p.17
Lisa Mazzone : de retour à Versoix !

Chère Lisa,

Le hasard du chemin de la vie a fait que nous nous sommes régulièrement croisées, quand bien même nous ne sommes pas contemporaines, bien au contraire, puisque tu as partagé les bancs d'école avec mon fils. Ecrire un article à ton propos m'est donc assez facile, je connais le sujet, non pas par coeur, mais de coeur.

Tu as grandi à Versoix dans une famille engagée. Je me rappelle parfaitement à quel point tes parents se dévouaient pour permettre à ta classe - et celles de ton frère et ta soeur - d'avoir des activités hors-murs : ils accompagnaient volontiers lors de sorties et en proposaient même. Pas étonnant que tu t'investisses ainsi pour le bien de la communauté avec un tel exemple !

Après le cycle, tu t'es rendue compte qu'il ne se passait pas grand chose pour les jeunes à Versoix et que, en plus, il était difficile de se rendre à Genève en soirée avec les transports publics. Alors, avec des camarades, tu as fait renaître de ses cendres le parlement des jeunes et obtenu la prolongation de la ligne de noctambus à travers la commune. Aujourd'hui, grâce à cette spontanéité, la population bénéficie de deux lignes qui traversent Versoix, l'une se rend à Divonne et l'autre à Gland les weekends très tard, ou tôt le matin, c'est selon. Les utilisateurs actuels n'ont probablement aucune idée de l'énergie dépensée pour avoir un tel service qu'ils considèrent certainement comme "dû".

Certains lecteurs de ce journal doivent s'en souvenir : tu as écrit de nombreux articles dans le Versoix-Région entre 2007 et 2011. Une manière de découvrir les enjeux de la politique locale et de comprendre comment fonctionne notre démocratie. Tu apportais ta fraîcheur au comité de rédaction et on n'a pu que regretter ton départ vers d'autres engagements, ce d'autant plus que tes papiers étaient bien appréciés.

Le vent t'a poussé plus loin, mais pas trop ! C'est à Grand-Saconnex que tu t'es fait élire la première fois. Tu as été conseillère municipale en 2011. Puis, comme tu le dis avec humour, tu as juste saisi des opportunités et, chaque fois, la population t'a choisie : Grand-Conseil en 2013 et Assemblée Fédérale en 2015. Tu avais 27 ans ! Toi qui ne circules qu'en vélo ou transports publics, ton ascension s'est faite à la vitesse du son !

Ce mandat, tu t'y consacres à 100%, voire plus. De Genève à Berne, en passant par tous les recoins de la Suisse, tu jongles avec les horaires de trains et ton vélo. Que de rencontres !

Ton parti, les Verts, est une minorité. Tu es une jeune femme. Autant dire que faire ta place n'est pas simple. Ta chance a été d'être la benjamine de l'Assemblée Fédérale et, ainsi, avoir l'honneur d'ouvrir la législature avec le discours inaugural. Les commissions qui t'ont été attribuées sont celles des affaires juridiques et de la sécurité. Tu essaies, par exemple, de faire comprendre que l'armée n'est pas la solution contre l’un des plus grands dangers que notre pays court aujourd'hui : la cybercriminalité. Tu voudrais aussi que le service civil soit développé. Autant dire que tes idées ne sont pas partagées par la majorité... Il te faut du cran pour les défendre.

Comme la plupart des genevois, tu avais occulté l'allemand lorsque tu étais au collège. Te voilà donc à le réapprendre au plus vite ! Lire les journaux d'Outre-Sarine pour mieux appréhender comment nos compatriotes pensent. Leur mentalité est effectivement différente de la nôtre et la place de l'Etat y est moins importante. Aujourd'hui, tu comprends tout, mais comme la règle est de parler dans sa langue, tu peaufines encore ton oral faute de pouvoir l'utiliser régulièrement.

Tes sujets de prédilection n'ont pas changé : tu promeus toujours les transports publics. Tu es même inquiète par l'impact que les suppressions de train à cause des travaux peut avoir sur la fréquentation à long terme. T'as sacrément bien fait de revenir à Versoix en juillet, juste au moment où on en a totalement été privé ! Tu sauras sûrement en parler à un autre niveau que n'importe lequel d'entre-nous.

Soucieuse de l'éthique, tu te demandes pourquoi les entreprises de notre pays respectent ici scrupuleusement des règles de sécurité et conventions sociales qu'elles les oublient ailleurs dans le monde ? Quel impact pour la réputation de notre pays ?

Tu as un sens de la justice sociale et seras toujours prête à défendre les plus faibles, quelles que soient leurs nationalités ou conditions. A tes yeux, l'être humain est prioritaire.

Et il y a aussi la circulation aérienne, le développement durable, les panneaux solaires et mille autres sujets qui te préoccupent. Tu as vite compris qu'il fallait concentrer ton énergie sur ceux qui avaient une chance d'évoluer dans le sens que tu désires plutôt que de la gaspiller, sans oublier pour autant des causes qui prendront plus de temps à avancer, même si cela peut déplaire à certains de tes soutiens.

Te voilà de retour à Versoix, ce village où tu as grandi, qui est devenu une vraie ville entre-temps. Tu as déjà constaté que, en quelques années, elle s'est métamorphosée architecturalement parlant. La population bénéficie de plus de prestations qu'il y a peu et tu t'en réjouis, même s'il reste encore beaucoup à faire...

Lorsque Versoix est devenu ville, son rang dans classement suisse était mauvais. Carrément en queue de peloton. Jusqu'au jour où le critère de la pyramide des âges a été introduit et, là, elle est remontée. En effet, il y a une dizaine d'années, un quart de la population de la commune avait moins de 25 ans. Que la benjamine du parlement fédéral vienne de Versoix n'est donc pas le fruit du hasard !

Il semblerait qu'il n'y ait plus eu de représentant de Versoix à Berne depuis Adrien Lachenal qui fut même Conseiller Fédéral entre 1893 et 1900 ... avant de retourner à l'Assemblée Fédérale jusqu'en 1918. Il y a un siècle ! En tout cas, l'Association du Patrimoine, source fiable de notre histoire, n'en connait pas d'autre. Faudra ajouter une rubrique pour toi !

Tu dis que tu n'as pas de plan de carrière, mais des convictions et une détermination certaine, que tu as simplement gagné au concours de circonstances et que ton activité te passionne. Tu te représenteras dans quatre ans, mais que tu sauras rebondir si d'aventure tu n'étais pas réélue. Notre pays a de la chance d'avoir des parlementaires atypiques qui osent proposer des idées différentes pour avancer le débat. C'est cela la démocratie !

Bonne chance et quels que soient les concours de circonstances, j'espère encore avoir souvent l'occasion de croiser ton sourire.

Anne Lise

Photo : Greg Clément

auteur : Anne Lise Berger-Bapst

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