26.11.2017 par PAD
num.274 déc.2017-janv.2018 p.03
PSIA : Perspectives 2030 : quel avenir pour les riverains de l'aéroport ?

PSIA - Plan sectoriel d'infrastructure aéronautique - pour l'Aéroport de Genève

Le 15 novembre 2017, l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC) a publié son projet de fiche appelée PSIA. Il s'agit du cadre légal dans lequel l'Aéroport devra opérer ces prochaines années jusqu'à l'horizon 2030. En ce qui concerne l'aménagement du territoire, le Plan directeur cantonal (PDCn 2030) devra être adapté à ce PSIA.
Le "Credo" imposé par l'OFAC est que l'Aéroport de Genève (AG), créé en 1920, est un aéroport national, comme celui Zürich ou de Bâle-Mulhouse, voué principalement au trafic aérien européen et aux vols intercontinentaux répondant aux nécessités régionales. ... Il doit répondre à la demande et se développer à cette fin dans le respect des principes du développement durable. Sa première priorité revient au trafic de ligne.
Les dispositions de cette fiche sont décrites dans une quarantaine de pages comprenant trois plans : plan du territoire exposé au bruit (valeur de planification degré de sensibilité II) affectant le quart du canton, plan du territoire avec limitation d'obstacles et plan définissant le périmètre de l'Aéroport. Ils auront un impact sur l'aménagement du canton !
Vous trouverez le texte complet de cette fiche sur le lien https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/50349.pdf


Partie 1 : PSIA - Survol des chapitres ... dans le texte - répartis en Décisions, Explications et Cartes.
Conditions d'exploitation ... La capacité actuelle de la piste revêtue est de 40 mouvements (mvts) par heure. Objectif évalués par les experts et Skyguide : viser 47 mouvements par heure en 2030. ... soit un mouvement chaque 76 secondes !
Durant les heures de nuit (22h00-24h00), une redevance additionnelle incitative est perçue par l'aéroport et les nouveaux vols long-courriers devront être exploités par les avions les plus performants au niveau acoustiques. (ndlr : on s'en réjouit !).
Les procédures de vol aux instruments (IFR) de départ et d'approche sont appliquées. La procédure KONIL (départ en piste 23 avec virage à droite longeant le Jura) est interdite aux avions plus bruyants (classe 1 à 3). L'exploitant et l'OFAC veulent favoriser les procédures de descente continue (CDO), toutefois des optimisations sont envisageables avec l'évolution technologiques notamment en termes de sécurité et d'environnement.

Courbe de bruit : celle de la carte 1 "à moyen terme" est contraignante.
Elle est fondée sur un potentiel de 199'000 mouvements (546 mvts/jour) dont 10% de petits avions et pour les grands avions 168`400 mouvements diurnes (6h00-22h00) (soit 29 mvts/heure); et, pour les mouvements nocturnes 7'600 mvts la 1ère heure (22h00-23h00) (soit 21 mvts/h) et 3'800 mvts la 2e heure (23h00-24h00) (10,4 mvts/h).
La courbe "à long terme" (2030) elle, n'est pas contraignante. Un peu plus étroite en raison du renouvellement de la flotte malgré le fait qu'elle repose sur davantage de mouvements, au total : 236'000 mvts, respectivement 205'000 mvts diurnes, 8'300 mvts nocturnes-1ère heure et 3'300 mvts nocturnes-2e heure),
Ces courbes paraissent beaucoup plus étendues que l'actuelle (2004 ?) puisqu'elles s'étendent de Chancy à Nernier. Elles recouvrent environ le quart de la surface terrestre du canton.
Le bruit admissible dans ce périmètre sera fixé par une procédure administrative qui définira ensuite un nouveau cadastre d'exposition au bruit. A quelle sauce sera-t-on mangé ?
Une phrase notée en page 20 : Les mécanismes cantonaux de surveillance de l'exposition au bruit servent à alimenter les débats au niveau cantonal et ne lient pas la Confédération. !

Aire de limitation d'obstacles : ... les objets (votre habitat !) qui s'y trouvent ne peuvent dépasser une certaine hauteur. De nouvelles communes sont touchées. Les cantons et les communes en tiennent compte dans leur aménagement du territoire. Le canton veille à ce que les plans de zone soient réexaminés. On lit : Le plan de zone de sécurité garantit que les couloirs d'approche et de départ soient dégagés d'obstacles. Il se base sur les normes internationales en vigueur (CE n°139/2014). Il est contraignant pour les propriétaires de biens-fonds. Le plan de la zone de sécurité acquiert force obligatoire par sa publication dans la feuille d'avis officielle cantonale.

Périmètre de l'aéroport : suppression de la piste en herbe au profit d'aire de trafic et nouveaux satellites, projets hôteliers et/ou commerciaux au sud-ouest, construction de bassins de rétention. Le Canton reprend le périmètre d'aérodrome dans ses instruments d'aménagement du territoire. Les conditions d'utilisation du sol qui entrent en contradiction avec le développement de l'aéroport ne sont pas permises. En résumé : le beurre et l'argent du beurre !

Protection de la nature et du paysage : les surfaces inutilisées dans le périmètre doivent être valorisées écologiquement, ici ou ailleurs, afin de répondre aux objectifs de la compensation écologique. Ce discours de compensation écologique ne touche que les surfaces utilisées par l'aéroport et non pas l'impact écologique autrement plus important dû au trafic aérien et à sa croissance !

Protection des eaux : évacuation, pompage et déverglaçage respectant les normes.

Accessibilité terrestre de l'aéroport : réduction de la part des déplacements par moyen de transports individuels pour atteindre à l'horizon 2030 : 58% des passagers et 44% des employés utilisant des transports publics ou les modes doux. La Confédération soutient les objectifs de desserte de l'aéroport en étoffant le réseau ferroviaire et routier. Amélioration de l'autoroute A1 entre Perly et Nyon. Modification des accès autoroutiers dans le secteur de l'aéroport.

Protection de l'air : C'est sans doute le chapitre le plus rassurant de cette fiche pourtant inquiétante : Ce chapitre rappelle le principe 6 du PSIA (2013) : les aéroports nationaux doivent être développés pour répondre à la demande, pour autant que ce développement soit en accord avec les principes de développement durable, même lorsque les dimensions économiques et sociales de la mobilité impliquent qu'aux environs de l'aéroport certains polluants (NOx et particules fines) interviennent significativement dans la pollution atmosphérique. Cependant, le principe 7, précise qu'une pollution de l'air excessive, cogénérée par l'exploitation aéroportuaire, doit être tolérée à moyen terme dans le périmètre et les zones voisines !

Partie 2 : PSIA - Approche des conséquences - Commentaires

L'Office fédéral de l'Aviation Civile, l'Aéroport de Genève, avec le soutien du Conseil d'Etat, nous annoncent, une croissance de l'aéroport de 50% durant les 12 prochaines années et cela en toute bonhommie : plus de trafic de passagers, plus de mouvements, mais moins de pollution nous dit-on. Et pas de trafic entre 5h et 6h du matin ! Voilà un ton très rassurant.

Est-ce bien vrai ?
A l'horizon 2030 : 236'000 mvts /an soit en moyenne 38,5 mvts/h (donc un mouvement chaque 90 secondes) entre 6h00 et 22h00, 24 mouvements entre 22h et 23h, 9 seulement (!) entre 23h et minuit !


• Que deviendra notre qualité de vie avec cette cadence, ou alors isolés dans un bocal insonorisé ?
• Que deviendra votre habitat et sa valeur, quand les courbes (non pas mesurées mais calculées par des ordinateurs) décideront de votre déménagement, changement de zone ou de votre expropriation ?
• Cette fuite en avant est estimée par Noe21 à 202 millions de francs annuels pour le coût climatique, en grande partie supportés par nos impôts. Rien qu'à Versoix, la perte sur la valeur des biens immobiliers est déjà estimée à 325 millions de francs. Et à Genthod ? et à Bellevue ? et à Vernier, Satigny, Cartigny, etc. ? Les communes riveraines sont alertées et entendent ... se faire entendre. Le pourront-elles ? Une motion du Conseil municipal de Versoix a été déposée dans ce sens, lors de sa séance du 20 novembre.

• Des indemnités du pollueur-payeur ... il n'en est pas question dans la fiche du PSIA !
• Ni des priorités ou proportions de trafic long-courrier, affaire, low-cost.
• Ni des études de solutions visant à réduire le bruit par modification des trajectoires, si ce n'est une légère ouverture. Il est bien question des virages effectués à basse altitude (trajectoire KONIL) qui économisent un peu de carburant mais qui font que l'on entend deux fois le bruit, avant et après le virage, au-dessus de Satigny ou de Ferney.
• Pas de mention que l'aéroport de Genève est un aéroport urbain (à 3 km de centre-ville) et qu'à ce titre on pourrait au moins exiger que le trafic aérien cesse dès 22heures, au pire, dès 23 heures, comme les Zurichois l'ont obtenu.
• Pas de mention, ni de justification, que la croissance de l'aéroport de Genève n'est plus liée à la croissance économique. Depuis 2006, les courbes Passagers (+52%) et PIB (+17%) ne sont plus parallèles. Bien sûr l'aéroport rapporte une quarantaine de millions au canton (env. 80.-/habitant). Mais combien coûte-t-il en nuisances sonores, infrastructures routières, bouchons et autres ?

Les "inquiets" ne remettent pas en cause l'existence de l'Aéroport mais seulement sa croissance insensée et l'absence de décision politique pourtant simple, logique et ... constitutionnelle : limitation d'horaires pour un aéroport urbain et limitation du nombre de mouvements pour des raisons climatiques et de nuisances sonores, alors que tous les autres secteurs de l'économie et les habitants (énergie, pollutions) font des efforts à Genève ... annulés par l'expansion de l'aéroport.

Dans le PSIA le seul critère limitatif retenu est celui de la capacité de la piste après aménagement de celle-ci !
Est-ce que notre qualité de vie doit vraiment dépendre de cela ?
La démarche du PSIA se comporte dans les faits, comme une "OPA" sur la démocratie ! La preuve, cette phrase en page 39 : une fois adoptée par le Conseil fédéral la partie "Décisions" cette fiche est contraignante pour les autorités, quel que soit leur échelon.

C'est dire que, à travers ce projet de fiche PSIA, la croissance importante de l'Aéroport de Genève va conditionner une large partie du territoire genevois et la qualité de vie de ses habitants, et que ceux-ci, et leurs autorités n'auront plus rien à dire, au moins jusqu'en 2030 !
Dans la vraie vie lorsqu'une activité économique génère autant d'impacts négatifs sur la santé et le climat, bruit et pollution, on cherche plutôt à limiter son développement qu'à se lancer dans une fuite en avant.

Par ailleurs, l'article 157 de la nouvelle Constitution genevoise prévoit que :
1/ l'Etat protège les êtres humains et leur environnement.
2/ Il lutte contre toute forme de pollution et met en oeuvre les principes de prévention, de précaution et l'imputation des coûts aux pollueurs.
3/ L'exploitation des ressources naturelles, l'eau, l'air, ... , doit être compatible avec leur durabilité.

Et c'est dans ce contexte que la Confédération donnera les pleins pouvoirs au développement "no limit" de l'Aéroport de Genève. Il est grand temps de redonner un peu de ce pouvoir au Canton et à ses citoyens.
L'initiative CARPE (coordination pour un aéroport respectueux de la population et de l'environnement) a été lancée dans ce but, elle ne veut pas rester muette ! Ni vous non plus ! Après, il sera trop tard.

Vous pouvez encore réagir, jusqu'au 8 janvier, en envoyant vos remarques ou prises de position sur le PSIA à l'OFAC - Case postale - 3003 Berne. Il est recommandé d'envoyer une copie à Genève Aéroport - case postale 100 - 1215 Genève 15; à l'Etat de Genève et à votre Mairie.
N'hésitez pas à vous faire entendre, histoire de ne pas se faire ... sur-voler !

Cartes du PSIA en annexe :

auteur : Pierre Dupanloup

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