09.06.2018 par ALBB
num.279 juin 2018 p.15
Une soucoupe culturelle s'est posée au Rosey

Le Rosey ? Une école privée sise à Rolle de réputation internationale. Un internat original puisqu'il déménage à Gstaad tous les hivers. Quel rapport avec Versoix ? C'est une famille de notre ville qui dirige l'établissement.

Mais, tout d'abord, un peu d'histoire ! Remontons le temps jusqu'en 1880 lorsque, dans le Jura Bernois, l'allemand a été imposé à tous les enfants francophones comme langue principale scolaire dans cette période trouble appelée Kulturkampf (lutte des cultures en français). Paul Carnal, jeune instituteur jurassien n'accepte pas ce diktat et quitte sa région pour s'installer à Rolle. Il déniche un vieux château et son corps de ferme en mauvais état qu'il loue pour ouvrir une école destinée aux enfants de ses compatriotes voulant étudier en français. Quelques années après, il achète tout le domaine quand bien même les bâtiments lui auraient suffi. Une vision d'avenir malgré les dettes !

Il transmet l'école à son fils, Henri, en 1910. Le domaine permettra de développer un des plus beau campus de Suisse. En 1912, Henri prend une décision pour le moins originale : il choisit de déménager toute l'école pour la saison d'hiver à Gstaad où, petit à petit, il achète des chalets pour constituer un second campus. Le Rosey est l'unique école au monde qui, chaque année, déménage à deux reprises.

Henri sera encore à la tête de l'école durant la 2ème guerre mondiale durant laquelle les effectifs ne sont composés plus que d'une demi-douzaine d'élèves quasi prisonniers en Suisse puisqu'ils ne peuvent rentrer chez eux. Autant dire que leurs écolages ne peuvent que difficilement être réglés. Malgré tout, les professeurs ont des salaires suffisants pour subvenir aux besoins de leurs familles et le domaine se transforme en jardin potager afin de nourrir toute la communauté roséenne. Autant dire que la fortune d'Henri sera engloutie dans l'aventure. La pugnacité a payé puisqu'à la rentrée de 1944, Le Rosey est à nouveau quasi plein.

Louis Johannot et Helen Schaub reprennent l'établissement en 1946. Ce sont eux qui ouvrent l'école aux filles dès 1967 avec succès en construisant un bâtiment sur le domaine à leur intention, malgré le tollé des anciens. En 1975, les destins des deux écoles sont définitivement liés.

Anne et Philippe Gudin, versoisiens, reprennent l'école en 1980 pour la conduire vers le 2ème millénaire en modernisant les programmes et infrastructures. Leur fils, Christophe, a repris les rennes en 2015 et entend poursuivre cette voie.

Partant du constat que toutes les professions évoluent si vite que ceux qui les apprennent ont peu de chance de les pratiquer toute leur vie, un des principes de l’éducation d’aujourd’hui moins d’enseigner que de révéler. Révéler à chacun ses talents, notamment en développant créativité, ouverture d’esprit, souplesse mentale, toutes qualités liées aux compétences artistiques (musicales, théâtrales, graphiques…) pour être capable de s'adapter et de façonner l'avenir, sans négliger les bases académiques, bien sûr.

Pour ce faire, il fallait imaginer un lieu de culture, qui éveille la curiosité et soit également une ouverture au monde. En effet, l'école étant un internat, les élèves doivent avoir la chance de rencontrer des gens venus de l'extérieur. Un défi dans un lieu empreint d'une architecture des siècles derniers peu propice à l'originalité.

C'est l'architecte Bernard Tschumi qui a remporté le concours pour ce bâtiment rêvé et conçu en parfaite harmonie avec les utilisateurs. Une salle de concert bénéficiant des techniques les plus modernes, sertie dans une ruche composée de classes de musique et de créations graphiques, lieux de rencontres conviviaux, cuisine destinée à l'apprentissage de l'art culinaire. Le tout baignant dans la lumière. Bref un lieu de vie et d'harmonie dans lequel des jeunes ont tout loisir à développer leurs compétences innées, mais méconnues, de prendre confiance en eux-mêmes avant de se jeter dans leur vie d'adulte. Une soucoupe culturelle s'est posée au Rosey !

Une dizaine de concerts sont proposés durant l'année et les mélomanes de la région peuvent venir applaudir de grands orchestres ou musiciens réputés dans une ambiance conviviale, quasi familiale, puisque les élèves sont mis à contribution pour l'accueil et le support technique. Quelle belle expérience pour eux, mais aussi pour le public.

Cerise sur le gâteau, Le Rosey héberge sur son campus le chapiteau du Festival de Théâtre aux Jardins du Rosey du 4 au 9 juin. Encore une occasion de sortir dans un cadre agréable, près de Versoix, en évitant les bouchons ou la ville !

Plus d'infos : www.roseyconcerthall.ch - ticketcorner - www.theatreauxjardins.ch

Voir annonce dans le journal pour les programmes

auteur : Anne Lise Berger-Bapst

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