28.02.2021 par ro
num.305 février 2021 p.07
L'Astronomie vue de Versoix

L’Astronomie vue de Versoix

Michel Mayor, professeur honoraire à la Faculté des Sciences et Didier Queloz, professeur au Département d’astronomie de l’Université de Genève, partagent le Prix Nobel de Physique 2019 qui leur a été leur attribué pour la découverte en 1995 de la première planète extrasolaire, 51Pegasi b.
À l’époque l’annonce a provoqué une véritable "révolution copernicienne” chez les astrophysiciens, reconnue dans la motivation du Comité du Prix Nobel : “La découverte de la planète 51 Pegasi b a changé la place de l’homme dans l’Univers”.

Versoix a l’honneur d’héberger l’Observatoire du Département d'Astronomie de l'Université de Genève, et dans l’euphorie générale  de l’annonce de l’attribution du Prix Nobel, l’idée de rebaptiser le chemin d’accès à l’Observatoire en chemin Pegasi a germé. La Direction du Territoire de la République et Canton de Genève a validé cette requête particulière déposée l’année passé par la Ville de Versoix.

Le Directeur de l’Observatoire Prof. Francesco Pepe nous a expliqué en détail l’importance de la découverte et les conséquences du Prix Nobel pour l’Observatoire, mais aussi pour les citoyens de Versoix.
“Comme la découverte de l’Amérique a fait sortir l’homme du Moyen Âge, celle de 51 Pegasi b a changé la place de l’homme dans l’Univers. On savait que derrière le vaste océan Atlantique une autre terre devait se cacher, mais il fallait le démontrer. Pareil pour l’Univers ! Il y a entre 100 - 200 milliard de galaxies et dans chacune d'elle, il y a un peu près 100 milliards des étoiles. Il était juste impossible d'imaginer qu'il n'y ait pas d’autres planètes! Cette découverte en a donc été la preuve scientifique. Grâce à leur technique et à leur travail de pionniers, un quart de siècle plus tard, on recense quelques 4000 exoplanètes!”

Comment les deux professeurs ont atteint ce résultat?

Le professeur Stéphane Udry, qui a précédé Francesco Pepe, le directeur de l’Observatoire, nous dit: “Il faut avoir trois qualités : l’enthousiasme, la cohérence et le respect. L'engouement de la recherche de Michel Mayor n'était pas motivé par l'envie de gagner le Prix Nobel. Il l’a fait parce qu’il était curieux, il avait l’enthousiasme! Il voulait connaître! La cohérence: à l’époque il n’y avait pas encore la technologie pour la recherche des exoplanètes. Michel Mayor n’a pas eu peur, même quand il a vu que le chemin était difficile ! Il n’a pas paniqué avec son étudiant de l’époque Didier Queloz. Ils ont relevé le défi ! Enfin le respect pour ce que les autres peuvent apporter. Francesco Pepe admet qu’il a été le premier à bénéficier de Michel Mayor comme collègue, parce qu'il savait utiliser les compétences des jeunes. Il faut construire un climat de confiance avec eux, ne pas les obliger à effectuer quelque chose qu’ils n'aiment pas ou ne savent pas. Il faut évaluer les différentes qualités et les coordonner pour que la recherche parvienne aux résultats voulus. En astronomie, il suffit parfois de montrer une jolie image d’une planète ou d’une galaxie pour que les jeunes soient fascinés, on les fait rêver! C’est merveilleux! Ces trois caractéristiques forment les qualités de base des physiciens et de mathématiciens !"

Après ce prix qu’est ce qui a changé à l’Observatoire?

Certains pensent que le Prix Nobel a des retombées financières et qu'on peut commencer à faire une recherche d’excellence. Ce n’est pas vrai ! En réalité rien n'a changé du point de vue scientifique : l’Observatoire était déjà un de centre de recherche de pointe dans le domaine de l’astrophysique international. Les projets de recherches des différents groupes montent toujours en puissance; les équipes sont engagées dans la construction d’instruments astronomique de pointe et les opérations de satellites ; les chercheuses/chercheurs sont dynamiques, disposent et exploitent des super-ordinateurs, des centres de données et d'infrastructures de recherches considérables. Ils bénéficient du soutien et de la confiance de la Faculté et de l'Université.
Grâce au Prix Nobel, c'est surtout la vision des autres à propos de l'Observatoire qui a changé. En fait Michel Mayor et Didier Quéloz sont devenus des personnages publics, très connus partout, donc ils sont écoutés par le Conseil Fédéral, le Conseil d’Etat ou encore par le Fonds National de la Recherche en Suisse. Grâce à ces ambassadeurs, l'Observatoire a la possibilité d’influencer la politique de la recherche au niveau national. Cette meilleure visibilité va être utilisée pour renforcer/consolider la recherche, l’enseignement au service de la cité.
Avant, on pensait que la recherche n’était pas pour tout le monde, parce qu'il n'y avait pas encore la culture de la communication. Aujourd’hui tout a changé et on le constate clairement dans la mission de l’Université partagée par l’Observatoire: recherche, enseignement et service à la cité. Il y a une volonté de transmettre le savoir, l’enthousiasme, la passion à partager avec un public plus large. Personne ne doit être contraint à s'intéresser au domaine, toutefois, l'Observatoire se doit d'offrir à tout un chacun qui le désire d'apprendre les secrets de l'univers. Il est réjouissant de voir le nouveau Master en Astrophysique, unique en Suisse, se développer et attirer des étudiant-es motivé-es du monde entier. Tout début décembre, de magnifiques livres ont été publiés par des collaboratrices et collaborateurs, certains d’entre eux étant en principe "à la retraite”. L'Observatoire de Genève organise un "Cours Grand Public" destiné aux nombreuses personnes intéressées par l’Astronomie. Chaque année un nouveau thème est abordé. Il y a aussi des soirées d’observations, visites virtuelles du ciel, conférences publiques et visites de l’institut attirant déjà des milliers de visiteurs par année. Des activités pour les écoles de Coppet, et à Versoix, en présence de Michel Mayor, ont été mises sur pied. Récemment, les relations avec les Autorités de Versoix et de Chavannes de Bois ont été intensifiées dans le but de proposer plus des activités.

Avec le Prix Nobel, on a défini un portfolio qu’on appelle “Valorisation du Prix Nobel” dans lequel il y a mon projet le plus important: essayer de créer un centre visiteurs à Versoix avec un musée virtuel, des projections 3D, activités pour les écoles, salle de conférences pour inviter des personnalités pour des débats. L'idée du centre visiteurs, à la fois ambitieux et enthousiasmant, est soutenu par nos amis Nobel Michel et Didier !”

L’enthousiasme de la connaissance de Michel Mayor et Didier Queloz a été le moteur de la découverte scientifique, qui a directement influencé certains développements scientifiques et technologiques. Après un quart de siècle, elle doit aussi influencer la vie quotidienne de la population de la région. Cela ne doit pas se limiter à la seule production de connaissances nouvelles, mais s'intégrer des activités sociales, le partage du savoir et la participation aux débats citoyens. La science représente la plus grande entreprise collective, qui nous permet surtout de nourrir notre esprit.

auteur : rédacteur occasionnel

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