15.01.2023 par PAD
num.325 février 2023 p.09 Aéroport : les Communes et les riverains font recours au TAF
Dans la FAO Feuille d’Avis Officielle du 25 novembre 2022, le Conseil d'Etat publiait la Modification du règlement d'exploitation, la fixation du bruit admissible et approbation des plans du « Dossier après PSIA » pour l'Aéroport de Genève, adoptés par la Confédération et le DETEC (Département de l’Environnement, des Transports, de l’Energie et des Communications) le 17 novembre 2022. Cette décision peut faire l'objet d'un recours adressé au Tribunal administratif fédéral jusqu’au 10 janvier 2023. Cela mérite bien un recours ! L’ATCR-AIG (Association transfrontalière des communes riveraines de l’aéroport de Genève), l’ARAG (Association des riverains de l’aéroport de Genève), la CARPE (Coordination pour un Aéroport Respectueux de la Population et de l'Environnement) ainsi que de nombreuses associations et particuliers ont donc décidé de déposer un recours unique auprès du Tribunal Administratif Fédéral contre ces décisions. Ce qui fut fait le 10 janvier 2023. Pour informer le public plus largement sur ces rebondissements, une conférence de presse a été organisée le 16 janvier 2023 par la CARPE. Plusieurs interlocuteurs y participaient pour présenter ce recours aux journalistes et aux médias : Lisa Mazzone retrace l’historique du problème, depuis la conception du PSIA dès 2013 et sa première mouture en 2018 qui a recueilli 300 prises de positions. La publication en septembre 2019 a suscité 600 oppositions envoyées à l’OFAC en octobre 2019. Un mois plus tard, en novembre 2019, l’initiative IN 163 déposée en 2016, était acceptée par 56% des votants. Elle a permis d’ajouter un article sur l’aéroport dans la Constitution genevoise ainsi qu'un remaniement de certains règlements de l’aéroport. Pour Me Jean-Daniel Borgeaud, mandataire du recours, les courbes de bruit admissible approuvées dans la décision du DETEC, d’une part entérinent juridiquement un niveau d’immissions sonores totalement excessif issu d’une croissance débridée depuis 2001 du nombre de mouvements d’avions, qui ont plus que doublé et, d’autre part, permettent un développement quantitatif reposant sur la projection 2022 non avérée. Les conséquences sont multiples : Mathias Buschbeck, conseiller administratif de Vernier et président de l’ATCR-AIG, représente 29 communes riveraines de l’aéroport de Genève, 16 genevoises, 10 françaises et 3 vaudoises, soit environ 100'000 habitants. 24 d’entre elles participent au recours. Ce sont les communes d’Avusy, Avully, Bellevue, Cartigny, Chancy, Collex-Bossy, Dardagny, Genthod, Grand-Saconnex, Meyrin, Pregny Chambésy, Satigny, Versoix, Vernier, pour les vaudois Coppet et Mies, et pour la France Chens sur Léman, Divonne les Bains, Ferney-Voltaire, Nernier, Prévessin-Moens, Saint Genis-Pouilly et Messery. Ce PSIA prévoit un système abscond « d’enveloppantes de bruit autorisé » surdimensionnées, adaptées non pas aux limites du bien-être de la population urbaine subissant les nuisances, mais à la capacité maximale des décollages et atterrissages possibles sur l’unique piste. Ceux-ci pourraient passer de 40 à 47 mouvements par heure grâce à la construction d’une sortie rapide ! Cela de 6 heures du matin à 22h pour la période diurne. En période nocturne, de 22h à minuit, une modération est opérée mais 3 décollages de vols intercontinentaux supplémentaires sont autorisés dans le "package" des 11’000 mouvements nocturnes encore autorisés à terme. L'aéroport serait autorisé à appliquer un système de quotas très flou pour limiter les dépassements d’horaires dus aux retards dans la période nocturne, avant de percevoir des taxes dissuasives ! Il faut savoir que le trafic durant les périodes nocturnes est responsable, à lui seul, de la plupart des limitations à la construction de logements à l’intérieur des courbes enveloppantes. Ainsi, la CGI, Chambre genevoise immobilière, forte de 6600 membres, s’engage dans ce recours. Son secrétaire général Christophe Aumeunier rappelle que l’Aéroport est nécessaire à la prospérité genevoise mais que la proportionnalité, principe fondamental en droit, n’est pas respectée dans l’établissement du bruit admissible, par rapport à ses conséquences sur l’aménagement du territoire. Selon cette autorisation de faire du bruit, une surface de 30 km2 (3'000 ha, environ 10% des 282 km2 du territoire genevois), serait touchée et menacée par des atteintes à la propriété, par des valeurs fortement dégradées et des limitations de droits à bâtir des logements. Les valeurs du m2 de terrain pourraient passer de 1000.- (en zone villa), à 150.- (en cas d’affectation zone industrielle), voire à 5.- ou 8.- m2 (en zone agricole), alors que Genève se trouve en situation de pénurie de logements. Accroître encore l’activité de l’aéroport portera atteinte aux habitants et déroge au principe de proportionnalité entre les avantages pour l’un et les inconvénients pour les autres. A Genthod, la zone constructible deviendrait inconstructible à 80% nous dit le président de l’ARAG, Alain Rosset, qui recueille les plaintes, les interrogations sur la croissance du trafic aérien et les sentiments de colère, de résignation, venant de riverains attachés à leur territoire de Versoix à Chancy. Ils sont déçus que les 14'450 signatures déposées avec l‘initiative 163 en décembre 2016 ne soient pas suffisamment considérées par les autorités : on respire des particules fines, des écoles et un CO sont touchés. L’économie est encore déterminante au détriment des aspirations environnementales et humaines. Il est temps d’éviter les excès de ce modèle. Alors que, ces dernières années, tous les autres secteurs - chauffages, isolations, trafic automobile, énergies carbonées - doivent faire d’énormes sacrifices pour limiter les émissions de carbone et les impacts climatiques et énergétiques, les « Décisions après PSIA » de 2022 autorisent une croissance des vols de +27% par rapport à 2019 pour un aéroport urbain. De ce fait, les progrès réalisés d’un côté permettent la sacro-sainte croissance du trafic aérien low-cost (près de 50% du trafic actuel). De même, les progrès technologiques réalisés sur les émissions de bruit des nouvelles générations d’avions servent à augmenter le nombre mouvements - tout en restant, ou pas, dans les limites d’un bruit autorisé beaucoup trop largement estimé - au lieu d’améliorer le confort sonore et sanitaire des riverains. Dans le recours, les Avocats pour le climat (une centaine d’avocats), représentés par Me Léna Nussbaumer-Laghzaoui, dénoncent cette incohérence. Le développement prévu du trafic aérien de l’Aéroport urbain de Genève se comporte comme dans une culture hors-sol. Il ne mentionne pas les références à l’urgence climatique et contredit les objectifs et l’arsenal des engagements de la Suisse aux COP (Conference of the Parties) depuis 1993, aux accords de Paris signés en 2017 et aux engagements du Conseil fédéral qui reconnaît la neutralité carbone d’ici à 2050. Interrogé sur les chances de succès du recours auprès du Tribunal administratif fédéral, Me Jean-Daniel Borgeaud mandaté pour ce recours ne peut rien affirmer; il évoque cependant à trois jurisprudences relatives à l’Aéroport de Zurich en 2009, 2010 et 2021 qui sont encourageantes ! Voilà les raisons qui ont conduit 24 communes touchées (dont 15* des 45 communes genevoises), 34 associations et fondations tant écologiques qu’économiques, et 80 particuliers à recourir auprès du Tribunal administratif fédéral, contre les mesures de ce développement de l’Aéroport et du bruit autorisé, (re)présenté le 27 novembre, balayant dans les 115 pages des « Décisions 2022 après PSIA » les centaines d’oppositions déposées en octobre 2019. *Considérant que le tiers des communes genevoises se sont opposées aux décisions fédérales concernant l'Aéroport et participent actuellement au recours auprès du TAF, on peut s'étonner de l'optimisme béat affiché par les départements des Infrastrucutres et du Territoire, de MM. Serge Dal Busco et Antonio Hodgers, dans leur Communiqué de presse conjoint le 25 nov. 2022 ! C’est la dose qui fait le poison, ce principe reste valable dans tous les domaines. La nature nous le démontre une fois de plus ! Pierre Dupanloup QRCode (noir) pour partager cet l’article et vers les documents publiés. PETITION : Bruit et désastre climatique à l’aéroport : Stop ! Signez et partagez la pétition en ligne via ce lien QR Code (PETITION : Bruit et désastre climatique à l’aéroport : Stop ! Documents : FAO GE 25 nov 2022 : https://fao.ge.ch/avis-download/77d4d4c3-2c5c-4fb5-ba0c-ec29e022fb29 DETEC 25 nov.2022 : https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-91930.html Décision dossier après PSIA (115 pages) (PDF, 766 Ko) : Questions-réponses (5 pages) (PDF, 818 kB) Comm. Presse GE : DI et DT : 25 nov. 2022 https://www.ge.ch/document/plafonnement-du-bruit-aerien-approbation-federale-nouveau-cadre-reglementaire-aeroport-geneve Communiqué de presse : ATS : 22 nov.2022 : https://www.radiolac.ch/actualite/geneve/une-nouvelle-limite-de-bruit-admissible-pour-laeroport-de-geneve/ Communiqué de presse CARPE : 2 décembre 2022 : https://carpe.ch/2022/12/02/nouveau-bruit-admissible-autour-de-laeroport-de-geneve-letat-doit-revoir-sa-copie-pour-proteger-la-sante-de-la-population-communique-de-presse/
auteur : Pierre Dupanloup
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