02.08.2023 par SSP
num.331 septembre 2023 p.11
La recette du 1er août de Versoix

Alors que cette année la pluie avait fait planer un certain doute sur le tour que prendraient les festivités, pour Versoix les nuages se sont éloignés : la fête nationale a bien eu lieu et la population était amplement présente sur ses quais. Peut-être aura-t-elle suivi de loin la discussion suscitée par l’affiche d’Emmanuelle Houdart et sa déesse du 1er août pour la Ville de Genève ? Sans doute aura-t-elle connu le lendemain les frasques téméraires de quelques provocateurs qui n’ont heureusement pas eu de conséquence grave. Ces petits remous posent la grande question de la recette de la fête nationale. A Versoix, quels en sont les ingrédients essentiels et les épices recherchées qui satisfont le public ?

A l’heure où notre Assemblée Fédérale discute d’introduire un nouveau jour férié le 12 septembre pour célébrer l’adoption de la première Constitution fédérale en 1848 - la véritable naissance de l’état helvétique moderne - quel sens donner à ce 1er août ? En effet, les liens de la fête avec le pacte de 1291 - expédient choisi en 1891 pour ancrer la nation dans une permanence historique rassurante - sont de moins en moins consistants, surtout pour un canton qui rejoint la Confédération en 1816. Le 1er août, devait alors servir à donner une assise culturelle à un pouvoir fédéral peu concret, peu populaire : on était alors membre d’un village, d’une ville : le canton passait encore, mais alors la Suisse… c’était un peu beaucoup demander. Depuis ce temps les autorités organisent une fête - politique et populaire - une fête pour les familles et les amis, pour se rassembler, pour brandir la permanence de très anciennes valeurs communes comme l’union et l’indépendance.

A Versoix aujourd'hui, c’est le cortège aux lampions des petits : une fête sans enfants c’est une fête qui ne prépare pas son avenir. C’est aussi admirer les feux d’artifices et le feu de joie, et guetter du bord du lac ceux des communes environnantes; voir les feux s’allumer partout c’est aussi le signe de la communauté. C’est toujours aussi écouter les élus parler de leur mission et de la dimension démocratique de la Suisse, qui appelle la participation de la population à la fête, mais aussi à l’organisation du pays. C’est boire un verre et partager un repas simple en manches courtes, dans la douceur d’un soir d’été.

Au milieu de tout cela, quelle importance accorder au drapeau, à la quantité de saucisses, aux feux d’artifices ? Porter des sous-vêtements rouges à la nouvelle année porte bonheur dit-on, et le rouge est rarement à l’honneur dans les penderies, alors une fois par année pourquoi pas ? Mais le drapeau - les saucisses - les feux d’artifice, sans la joie des enfants, sans les agapes, sans les discours et sans le rassemblement, ne seraient pas conviés. Ces éléments ce sont les épices, chacun en voudra un peu plus ou un peu moins; certains palais se méfieront des brûlures d’estomacs et préféreront les saveurs de base des ingrédients, là où d’autres en rajouteront de grande quantité, sinon ils ne ressentiront pas assez les saveurs du plat. Quoi qu’il en soit, les épices on peut les transporter avec soi (enfin … quand c’est autorisé pour ce qui est des feux), et se contenter d’une pincée ne signifie pas non plus que l’on boude le repas.

Ce 1er août à Versoix, on pouvait observer tous ces palais, des plus neutres aux plus épicés. L’esprit de la fête était bien là, dans les reflets des lumières sur l’eau, dans le jaillissement d’un moment partagé et la satisfaction que même si tout change, il y a des choses sur lesquelles on peut toujours compter, comme le besoin de sortir faire la fête et de se rassembler.

auteur : Sarah Schmid-Perez

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