12.02.2024 par FIB
num.336 mars 2024 p.03
Menaçant projet de décharge polluée au bord de la Versoix

En allant vous promener tôt le matin ou à la tombée de la nuit sur le chemin longeant les marais de la Versoix entre le Pont de Grilly à Chavannes-des-Bois et la ferme de Péguey sur Chavannes-de-Bogis, il y a de grandes chances que vous y croisiez des cerfs, chevreuils, sangliers, renards, blaireaux, castors, batraciens ainsi que de nombreux oiseaux. Le site des Tattes-de-Bogis se trouve en effet sur un corridor biologique d’importance européenne, suprarégionale et nationale abritant notamment le point de passage pour les cerfs descendant du Jura en hiver, une zone de nidification d’espèces d’oiseaux prioritaires et une zone de reproduction et d’alimentation pour de nombreuses espèces animales.
Imaginez maintenant un changement de décor radical lorsqu’à la place des champs verdoyants au bord de la Versoix vous vous trouverez face à une vision cauchemardesque sur 2 kilomètres de long  : une décharge de matériaux d’excavation et de démolition, de 4 mètres de haut en moyenne pouvant aller jusqu’à 9 mètres, constituée de déchets de type A (non pollués, type gravats) et B (faiblement pollués, type amiante agglomérée, béton, goudron, etc.), sous le vrombissement incessant de 75 camions de 38 tonnes par jour livrant un total de 1.6 millions de m3 de déchets pour une durée de 10 ans minimum.
Ce scénario ahurissant représente pourtant bien une très sérieuse menace d’ici 2028 pour le patrimoine environnemental de notre région avec un projet de décharge initié en 2014 par le canton de Vaud et validé par des conventions signées à l’époque par la commune de Chavannes-des-Bois et par les propriétaires sur les territoires de Commugny et Chavannes-de-Bogis. Ceci sans consultation préalable ni des habitants de ces communes ni des autorités genevoises ou françaises en dépit de la reconnaissance européenne et transfrontalière de la très haute valeur naturelle de la Versoix et de ses marais environnants.
En dehors de l’énorme impact sur la biodiversité fragile de cette zone, déjà perturbée par le trafic de la route de la Branvaude, la suppression des 50 hectares de zones agricoles qui relient le cordon boisé de la Versoix au Bois de Portes aurait des conséquences dramatiques pour l’équilibre hydrologique de la région. Avec une déclivité du terrain entre 16 et 18 mètres, les eaux de ruissellement de l’ensemble de la zone de la décharge s’écouleraient en effet dans les marais de la Versoix et dans la rivière avec une forte probabilité de pollution chimique. Et lorsqu’on sait que les eaux de la Versoix débouchent sur le lac Léman dont l’eau coule dans nos robinets, cela fait froid dans le dos.
Du côté genevois, des oppositions au projet au niveau politique se sont élevées avec une proposition de motion du Grand Conseil « Sauvons la Versoix et ses rives » qui a été présentée au Conseil d’Etat en janvier 2023 et est toujours à l’étude en commission parlementaire. Quant à la Ville de Versoix, le Conseil municipal, sous l’impulsion des Verts, a transmis au Conseil administratif en février 2023 un projet de résolution soutenu par l’ensemble des partis, l’exhortant à interpeller les autorités cantonales genevoises afin de solliciter une concertation.
Malgré ces oppositions, le gouvernement vaudois a confirmé tout récemment vouloir aller de l’avant avec le projet, comme cela est ressorti en décembre 2023 dans les conseils communaux des trois communes concernées, en dépit du fait qu’un autre site à proximité, plus adapté et présentant moins d’atteintes aux valeurs écologiques et paysagères, figure dans le Plan cantonal des décharges contrôlées. Un court répit a heureusement été obtenu début février 2024 lorsque les députés du Grand Conseil vaudois ont renvoyé au Conseil d’Etat le projet de réfection de la route de Branvaude qui est un préalable à l’installation de la décharge aux Tattes-de-Bogis en raison du trafic des camions.
Au vu de la sérieuse menace de pollution environnementale que représente ce projet de décharge pour l’écosystème de notre région et par conséquent pour notre santé, il est important que nous nous mobilisions en parallèle avec les actions politiques. L’association EcoLaVersoix a été fondée en janvier 2024 à Chavannes-des-Bois par des citoyens bénévoles dans le but, entre autres, d'assurer la protection du site des Tattes-de-Bogis, de la Versoix, ainsi que de la nature et la faune entourant la zone. Son action principale est d’informer la population, en raison du manque de communication sur le projet, afin de mobiliser le maximum de personnes à agir dans l’intérêt de ce magnifique patrimoine.
Vous pouvez soutenir l’association en devenant membre et/ou en participant aux différentes actions à venir : www.ecolaversoix.ch. Et n’hésitez pas à leur écrire pour toute information complémentaire ou pour leur faire part de votre opposition au projet : ecolaversoix@protonmail.com.

Fiona Blum 

Texte sous la photo: Le site prévu pour la décharge se trouve à droite du chemin menant au Pont de Grilly

auteur : Fiona Blum

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