04.03.2024 par LR
num.337 avril 2024 p.24
Le festin du petit cochon – Conte de Pâques

Parler d’un petit cochon à Pâques, c’est un peu farfelu ! On est au temps des lapins sous toutes les formes et les couleurs.
A vrai dire, Groingroin, notre animal tout rose à la queue en tire-bouchon, à la panse bien remplie, court sur ses pattes, ongulées, ses oreilles pointues à l’écoute, et ses yeux bleus écarquillés qui nous regardent d’un air angélique, se rendait sympathique à le voir trotter dans son carré de verdure.
Dans la ferme du Père Léonard, le cochon vivait une vie heureuse, bien soigné et nourri abondamment par ses maîtres. Dans sa pitance, à part l’herbe des prés, se trouvaient restes de repas, épluchures de légumes, salades brûlées, vieilles céréales, ou bricoles de viande desséchées, pelures de fruits et autant de pommes ratatinées. Il mangeait les trois-quarts de la journée et trottinait pour faciliter sa digestion. Il est vrai que dans le pré existaient aussi en sa compagnie, une vache, un mouton, deux-trois lapins et quelques poules.
Pâques sonnant ses cloches donna à Mme Léonard, la fermière, une idée saugrenue. En cette période – carême ou pas – tout le monde mange du chocolat. Qu’il soit noir, corsé, blanc, au lait, aux noisettes ou même à l’orange, la saveur du lapin de Pâques en est double. Sans compter les petits œufs en chocolat en plus ou sous forme de bonbons à sucer, à croquer, à avaler avec délectation. Les œufs des poules, c’est une chose ! Ils servent à être cuits durs, mollets, en omelette, ou au plat, mais surtout à être peints et décorés par et pour les enfants, pour mieux garnir les tables ou tout simplement, aller les découvrir dans les différentes cachettes du jardin.
                                 Ce jour-là, c’est la grande fête à la ferme.

Enfants, petits-enfants, amis, voisins, viennent à la fois faire leurs emplettes, mais surtout partager un grand repas communautaire. Différents plats de viande, de légumes, de fruits, de gâteaux, boissons à gogo et comme dessert, en plus, les lapins de Pâques en chocolat, de toute grandeur, forme et variétés succulentes, sans oublier celui tout d’or habillé avec sa petite clochette orné d’un ruban rouge autour du cou. On a pu donc se régaler toute la journée, sous l’œil hagard des animaux de la ferme.
Le soir venu, rangeant tous ces plats plus ou moins garnis, notre fermière n’eut qu’une idée : donner tout à Groingroin. La mangeoire fut bien vite remplie, au grand bonheur de notre petit cochon. Mais ce qu’il découvrit fut les restants de chocolat non mangés ou entamés avec des bribes de papier doré ou multicolore en alu fin. Tout y avait passé ! Groingroin n’a jamais goûté du chocolat. Quelle idée ! Mais dans l’effervescence de la fête et du nombre de personnes venues, on n’a pas trop regardé les détails, et surtout, heureux de tenir compagnie à Groingroin, de lui donner à manger, de le caresser et de lui raconter mille histoires. Notre petit cochon se laissait faire tranquillement, docilement, grognant de temps en temps de plaisir.
A son repas du soir, notre animal gavé de tous côtés, se réserva quelques bouchées supplémentaires. Il tomba sur les morceaux de chocolat, avec ou sans papier, s’en délecta à n’en plus pouvoir que son groin se trouva aussi noir qu’une bouillie de chocolat. Il ne manquait plus qu’un chapeau bleu ou vert sur la tête, et le clown aurait apparu dans toute sa splendeur !
Après un tel festin, il fallut se promener pour digérer. Le parcours ne fut pas long. Il s’affala au bout du pré, agita ses pattes un peu lourdes, regarda le ciel étoilé et s’endormit dans les plus beaux rêves de Pâques en chocolat, garnis de petits lapins blancs, roses, bleus, verts, jaunes, rouges et cie. La nuit n’en fut que plus douce ! et Groingroin fut aux anges, car son festin resta inoubliable dans sa mémoire de gentil cochon.
Lucette Robyr
 

auteur : Lucette Robyr

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