19.08.2024 par PL
num.341 septembre 2024 p.09

Une araignée-violoniste tue un jeune de 23 ans, vraiment ?

Peur des araignées ? Et les articles de la presse actuelle ne font que renforcer cette peur ? Laissez-moi rétablir la vérité sur cette histoire.

Vous l'aurez très probablement vu dans l'actualité : "un jeune de 23 ans meurt suite à une morsure d'une araignée-violoniste".

Qu'est-ce qu'une araignée-violoniste ? Est-ce que cette actualité est vraie ? Est-ce que c'est une espèce mortelle ?

Les araignées-violonistes, ou recluses, sont des araignées du genre cosmopolite Loxosceles, mais on les trouve surtout dans l'hémisphère sud. Ce sont des araignées nocturnes qui chassent en approchant leurs proies sans utiliser de toile. Elles sont grisâtres ou brunâtres, sans motif sur l'abdomen, dépourvues d'épines visibles sur les pattes. Elles ont six yeux et portent parfois un dessin en forme de violon sur le céphalothorax, d'où leur nom. Cette description ne suffit souvent pas pour une identification précise, surtout pour un néophyte ou un logiciel de reconnaissance visuelle. Sur le web, des centaines de personnes pensent avoir trouvé une recluse, mais la plupart du temps, il s'agit d'autres araignées nettement plus communes. En Europe, nous avons une espèce indigène, Loxosceles rufescens, qui vit dans le pourtour méditerranéen, par exemple dans le sud de la France et en Italie.
L'actualité qui parle de cette mort causé par le venin de l'araignée est bien évidemment fausse. La plupart des médias francophones qui relaient les médias originaux italiens ne font pas l'effort d'enquêter ou de consulter des spécialistes. Pourtant, dans l'article, on retrouve une vidéo d'une interview d'un expert toxicologue qui réfute l'hypothèse de la mort comme conséquence directe de la morsure de Loxosceles rufescens.
De plus, l'article commence par : "Le garçon a d'abord pensé que c'était la piqûre d'un moustique". Donc, il n'a pas vu l'araignée le mordre (et le policier décédé dans un article antérieur non plus). Une lésion de ce type et les symptômes rappelent plutôt une infection bacteriologique qui ont pu être causé par n'importe quelle blessure, un bout de métal rouillé, un bouton de moustique gratté avec des ongles sales, une piqûre d’abeille, une griffure de chat... En bref, c'est un choc septique causé par une infection bactérienne de n'importe quelle origine. Il est important de garder en tête qu'une morsure d'araignée ne peut pas être diagnostiquée sans avoir vu l'araignée mordre, même pas par un médecin ou un arachnologue.
Pourquoi l'araignée est-elle mise en cause à tort ? Parce que c'est mieux que de dire "on ne sait pas", mais "il existe d'autres cas" (pas confirmés) et le biais de confirmation par le phénomène de "cascade de disponiblité" continue... Pour remettre les choses au clair, il n'existe aucun cas vérifié de décès causé par cette espèce, mais ce n'est pas la première fois que cette araignée est accusée à tort, mais pourquoi ? Loxosceles rufescens a un venin cytotoxique qui peut causer des nécroses cutanées. Cependant, cela arrive rarement. D'autres espèces de Loxosceles, dont les venins sont légèrement différents, peuvent très rarement causer des symptômes systémiques et parfois la mort. Ce qui arrange bien souvent le diagnostic de certains médecins. Cependant, dans notre cas, les symptômes décrits chez le jeune homme de 23 ans sont différents et sont arrivé plus longtemps après.

De plus, on retrouve tant d'erreurs sans investigation de cas. D'ailleurs, une étude aux États-Unis a démontré que sur 64 morsures attribuées à une araignée du genre Loxosceles, seules 6 étaient effectivement des morsures vérifiées, les autres étant très probablement des erreurs. Une autre enquête a montré qu'il existe de nombreux médecins qui accusent cette araignée sans que celle-ci ne soit présente dans la région ! Les articles des médias qui traitent de morsures prétendument causées par des araignées-violonistes sont légion, mais ne reposent jamais sur des cas vérifiés, et l'emballement médiatique se poursuit. Les articles qui font peur sont vendeurs, peu importe s'ils sont vrais. Ainsi, l'arachnophobie mondiale continue de se propager.

auteur : Pierre Loria