Thorgal Saga Shaïgan BD d’Heroic Fantasy de Yann (scénario) et de Roman Surzhenko (dessins) chez Le Lombard, 88 pages
Grossir le ciel Roman graphique policier de Franck Bouysse (scénario) et Borris (dessin et couleurs) chez Delcourt/Mirages, 120 pages.
30.08.2024 par AB
num.341 septembre 2024 p.19
Les BD Coups de coeur du mois : Thorgal et Grossir le ciel

Le dessinateur russe Roman Surzhenko (1972) est le stakhanoviste de la BD. A peine vient-il de publier le dernier épisode de la jeunesse de Durango, qu’il nous livre un récit de 88 pages de la série « Thorgal Saga » peu après les séries parallèles des mondes de Thorgal "La Jeunesse" et "Louve", où tout son talent est mis en valeur par les scénarios sublimes de son scénariste habituel Yann.

L’histoire se déroule entre l’album 19 « La Forteresse invisible » et l’album 28 de la série originale des aventures de Thorgal contées par Van Hamme et Rosinski, où le héros perd la mémoire. Rappelez-vous : la cruelle, perfide et narcissique Kriss de Valnor a profité de l'amnésie du valeureux Thorgal pour le remodeler à sa guise. Elle lui fait croire qu'il s'appelle Shaïgan- sans-merci et qu'elle est sa femme. Thorgal-Shaïgan, devenu pirate, devient un nom qui inspire la terreur sur toutes les mers du Nord... sauf au sein de son propre équipage. Malgré son prestige, le roi des pillards est en proie au doute. Écoeuré par les outrances de sa vipère de femme, assailli de visions d’un passé dont il n’a aucun souvenir, Shaïgan souffre de mélancolie, un mal incompatible avec son sanguinaire statut. Mais, alors qu’il contemple l’abîme qui semble l’appeler dans le royaume de Hel, un étrange présage lui redonne une raison de vivre : retrouver son véritable nom, et avec lui la vérité que Kriss lui cache. A l'insu de cette dernière, il conclut un marché avec un puissant devin ; la vérité sur sa véritable identité, en échange d'une arme légendaire dissimulée dans un tombeau quasi inaccessible.
Avec ce scénario très inspiré de Yann, Thorgal reste Thorgal, ce combattant aussi redoutable qu’humain et perpétuellement en quête de son identité. On est loin du héros sans peur et sans reproche et c’est tant mieux. Ce spin-off ravira tout à la fois les inconditionnels de Thorgal et les nouveaux lecteurs de la saga.

« Grossir le ciel » est un récit noir et poignant adapté du polar à succès de Franck Bouysse publié en 2014 et mis en images par Boris Joly-Erard alias Borris (1973), le dessinateur de « Albert Londres doit disparaître » ainsi que coscénariste et dessinateur de « Charogne », thriller publié dans la collection « Treize étrange » (Glénat) et récompensé par le prix polar au festival de Cognac en 2018 et le prix Quai du polar à Lyon en 2019.
Gus est un éleveur solitaire et taiseux qui vit aux Doges, un hameau perdu au cœur des Hautes Cévennes. Il passe ses journées dans les champs avec ses vaches. Il coupe le bois, effectue toutes sortes de travaux ardus, rythmés par les conditions météorologiques. Ce paysan mène une vie solitaire en compagnie de son chien Mars, son seul réconfort avec son voisin, le vieil Abel, dont la ferme est éloignée de quelques centaines de mètres et devenu ami de circonstance.
Ce quotidien bien rythmé se trouve bouleversé quand des visiteurs inopportuns arrivent au village et que Gus découvre des traces de sang dans la neige menant à la ferme d'Abel. Le jour où la mort de l'Abbé Pierre est annoncée au JT du soir, tout a basculé : Abel change, des événements inhabituels se produisent. On devine qu'il y a des secrets de famille lourds derrière tout ceci.
Un huis-clos rural surprenant sur l'isolement, la folie et le besoin de rédemption. Un livre sombre, poignant, envoûtant, servi par une écriture poétique d'une simplicité brute.
Le graphisme en noir et blanc rehaussé par des passages en couleur rouge- sépia renforce le caractère à la fois intime et ténébreux des événements, aussi durs soient-ils. Une réussite à lire d’une traite.

auteur : Alexis Berset

<< retour