15.05.2011 par GS
num.210 juil.2011 p.14 Le domaine Sans-Souci
Petite histoire d'un domaine qui aurait pu changer la vie économique de Versoix. A l’origine, ces terres faisaient partie du domaine Saladin. C’est en effet à partir de l’année 1725 et jusqu’en 1758, que Jean-Louis Saladin, conjointement avec ses deux frères, acheta peu à peu toutes les petites propriétés qui composaient le hameau de Malagny afin de les grouper en un seul tenant. Jean-Louis Saladin fit des études de théologie mais termina ses études bien avant l’âge prescrit. N'obtenant pas de dispense, il se vit obligé de renoncer au ministère ecclésiastique. Cet homme de très grande qualité se fit remarquer à la cour de France et d’Angleterre. Il occupa de hautes fonctions: le roi George II le nomma son résident à la cour de France. En 1753, il reprit à son compte toutes les acquisitions et entreprit la construction de sa maison et l’aménagement des jardins. Les travaux durèrent quatre ans. La maison Saladin qui se trouve à quelques centaines de mètres plus haut que la route de Lausanne est un beau spécimen des constructions genevoises de cette époque. Guy de Pourtalès en a tracé un tableau charmant dans son roman « Marins d’eau douce » Il y fait construire une maison, une ferme et une serre.
Le château Sans-Souci a été construit en 1882-84 pour Charles Bartholoni. La famille des banquiers Bartholoni était très active dans le financement des lignes de chemins-de fer qui se développaient dans la deuxième moitié du XIXème siècle (Paris-Orléans, Paris-Lyon-Marseille.)
L’avenir de cette magnifique demeure aurait pu changer lorsque Genève posa sa candidature pour abriter la Société des Nations. On sait que désignant Genève comme siège de cette société, les dirigeants de la conférence mettaient comme condition à ce choix la mise à disposition de la ligue d’un bord du lac de 1500 mètres de longueur avec port pour les hydravions et d’un domaine vaste et d’un seul tenant ayant des voies d’accès faciles par terre, par eau et par air. Le Conseil d’Etat se mit aussitôt en campagne pour trouver le terrain demandé et pour cela il dut aller jusqu’à 7 kilomètres de la ville, dans les communes de Genthod et de Versoix où se rencontrait l’emplacement rêvé. Il existait à cet endroit un groupe de maisons privées dont les domaines étaient contigus et qui formaient un merveilleux ensemble, ces quatre propriétés formaient un tout grandiose avec port au Creux-de-Genthod et le terrain nécessaire pour tous les services que nécessiterait l’administration de la Société des Nations. La voie ferrée les traversait, les hydravions pouvaient trouver place sur le lac et les futurs champs d’aviation de Collex-Bossy étaient à moins de 2 kilomètres.
Les héritiers de Charles Bartholoni vendent leur domaine à Jacques-Arnold Amstutz le 1er mars 1926 ; ce dernier le revend le 20 mai à la S.I. Sans-Souci. Le domaine est morcelé, une parcelle est achetée par Marc Birkigt, fondateur de la société Hispano-Suiza. La parcelle de l’embouchure de la Versoix, qui possède un moulin, est aménagée par Adrien Lachenal fils qui en transforme le pavillon, élève une digue et construit un port. C’est aujourd’hui l’Institut Forel qui l’occupe.
Il a failli devenir un centre cinématographique qui ne vit jamais le jour pour des raisons financières. Vers la fin des années cinquante, cela faisait déjà bien des années qu’on cherchait preneur pour le château « Sans-Souci » alors qu’il en causait beaucoup au contraire à ceux qui en avaient la charge. De guerre lasse, ses propriétaires prirent la décision de démolir cette magnifique construction, dont personne ne semblait se soucier parmi les pouvoirs publics, et de morceler le terrain. Le géomètre avait déjà commencé son travail lorsque se présenta l’Emir de Qatar à qui nous devons d’avoir sauvé cet ensemble qu’il fit restaurer.
auteur : Georges Savary
|
<< retour |