20.06.2013 par TM
num.230 juillet 2013 p.12
Jeunesse pour tous!

De Paris à Genève, une longue histoire commune. Ville de d'exil, ville de convoitise et ville concurrente, il en résulte une langue et une culture au socle commun. Les traces en sont encore présentes, de l'Histoire de France enseignée dans le Bassin Lémanique, de sa littérature, de sa philosophie à une tradition d'avocats verbeux. Ce n'est qu'en comprenant ceci que l'on peut percevoir ce que l'avenir pourrait bien réserver à la Suisse, au Canton et à sa jeunesse.

Symptomatique d'une époque d'errance, on entendait encore hier des jeunes inquiets crier dans les rues de la capitale de l'Hexagone: "on veut du boulot, pas du mariage homo!" Ceci contraste bien avec les ex-soixante-huitards qui font aujourd'hui la morale à des jeunes révoltés: "qui n'est pas révolutionnaire à vingt ans?" Le dialogue entre les générations est une question récurrente, car le Monde et la donne changent constamment. Pourtant, quand la déchirure est telle, c'est le signe d'une décadence, d'une absence de continuité culturelle qui signe la destruction des acquis.

Et pour cause, alors que Mai '68 voyait des jeunes bénéficiant encore du plein emploi manifester contre toute règle ou pour un code vestimentaire plus dénudé, les protestataires d'aujourd'hui rejettent un modernisme qui ne tient pas compte des réalités fondatrices des société humaines, accessoirement occidentales, et se demandent simplement ce qu'ils vont manger demain. Ils ne sont pas tous traditionalistes, mais ils se rendent compte d'un changement et ils en indentifient les causes en amont.

Certains rêvent, peut-être, d'un monde idéal, mais la plupart a une attache particulière aux réalités écologiques, une crainte de la menace nucléaire qui pèse sur le Monde, et un effarement face aux contradictions socio-économiques et à l'absence de projet palliant les problèmes concrets qui se profilent.

Avant la dénaturation de l'union sacrée comme souci de société, Genève a d'autres soucis, notamment la longue liste des schémas de développement (PDCn 2030, PSD…) qui pose toujours la même question: doit-on attendre que Genève soit New Delhi pour s'apercevoir que l'on devrait changer de voie? Les jeunes sont tiraillés entre ceux qui leur présentent l'utopie d'une gestion mondiale sous l'égide d'un gouvernement unifié, parmi lesquels le moderniste Jacques Attali, qui voit déjà Jérusalem, capitale du Monde, et des mouvements de réaction plus terre à terre, dont tous s'accordent au moins pour dire que cela suffit. Qui croit encore que les logements prévus à Versoix seront réellement habités par les enfants de la ville aux vaguelettes?

De même, et cela semble être le souci des Verts, ceux qui se posent la question de l'alimentation ne voteront jamais pour une destruction des parcelles agricoles. Pour changer de voie, il faut dire stop à tout, construire selon un besoin présent et non un besoin futur et spéculé.

Les retraites, que les jeunes ne seront pas certains de toucher, nous renvoient à une autre impasse. L'Etat, quand il organise la gestion de la population ancienne est forcé d'observer la démographie toute entière. Avec une natalité autour de 1.4, le champs était assez libre. Seulement, il a été trop gourmand et les copains sont souvent passés avant l'intérêt des Genevois. L'immigration pour dynamiser l'économie est un sujet tabou, alors certains s'attardent sur les frontaliers sans s'interroger sur qui ils sont, c'est à dire des locaux qui ne demandent qu'à résister à ce rouleau compresseur, qui n'a d'autre but que la compression et qui nous rappelle que les contraintes écologico-énergétiques sont connues depuis les années '70: l'enjeu des grands groupes est le contrôle de la répartition des ressources, dont ils connaissent déjà la limite. Ils sont dans le réel ; ce sont les politiciens qui sont souvent largués.

Il serait trop facile de leur en faire le reproche, mais ils devraient voir cela comme un avertissement, car que croyez-vous que la jeunesse fera, une fois seule avec ses vieux sur les bras, dont elle sera totalement déconnectée et qui ne lui auront laissé aucun système social performant? Savez-vous que le même M. Attali propose l'euthanasie pour ces derniers? Oh, ne désespérons pas pour autant, car si aucune solution aisée n'existe, la transition se fera naturellement, restant à savoir si ce sera dans la sérénité ou dans le chaos.

Les idéalistes ont toujours des bonnes solutions, mais vous avez raison de vous en méfier. Le revenu de base, par exemple, si l'idée semble prompte à engendrer un changement salutaire, elle a aussi un autre tranchant: c'est un risque qui, pris trop tôt, pourrait précipiter notre chute. Pour mémoire, la réforme Hartz IV en Allemagne, destinée à résoudre un problème de chômage trop important, a généré une paupérisation de l'ensemble de la population. Quand on place toute sa confiance en l'Etat, il ne faut pas oublier qu'il devra gérer chaque aspect de manière parfaite pour son bon fonctionnement. Or, plutôt que d'admettre les contreparties, on a tendance à voir les erreurs affublées d'un masque pour faire bonne figure, à reporter l'échéance jusqu'à se retrouver en Inde! Les valeurs ancestrales, les anciennes religions, toutes avaient pour principe de placer l'ordre naturel au centre et de favoriser l'harmonie sur l'excès, de se façonner autour de la réalité des choses, plutôt que de la dicter. C'était l'inverse de idéalisme, qui vise à sa propre construction, coûte que coûte, sans tenir compte des réalités humaines.

Le modernisme, une sorte de religion du progrès, un concept dogmatique "New Age", s'adapte aux fantasmes plutôt qu'au réel, laissant pour compte le prix de la misère humaine. Quand les manifestants de Paris évoquent le retour aux valeurs anciennes, c'est le signe d'un réveil, d'un peuple qui respire et dont l'Etat a pour seule fonction d'être le garant de la cohésion. Quand la réalité des Hommes refait surface et qu'ils recommencent à s'organiser en familles en vue d'un avenir lointain, la déchirure se répare et le bon sens refait surface!

auteur : Thomas Mazzone

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