09.11.2019 par ALBB
num.294 déc.2019-janv.2020 p.11
Le canal de Choiseul : une longue histoire

 L'histoire de notre commune est intimement liée à l'eau. Ce n'est pas un hasard qu'elle porte le même nom que sa rivière, puisque les activités humaines se sont développées autour d'elle. De la source d'Ecogia utilisée par les Romains aux forces de la Versoix qui animaient les moulins, l'eau a dicté son rythme à la vie de la région depuis la nuit des temps.

Quant au canal de Versoix, il doit son existence au projet (non abouti) de Versoix-la-Ville, dans la deuxième partie du 18ème siècle.

Versoix a été française, partie du Pays de Gex, entre autres, avant de rejoindre le canton de Genève en 1816. Le Royaume de France possédait les terres entre Genthod et Mies, soit le bourg de Versoix et l'espace non construit jusqu'à Montfleury.

La Ville de Genève, en ce temps-là, comptait 20'000 habitants environ et était une concurrence sérieuse à la France. Son industrie horlogère était en plein développement, avec, par exemple, la fondation de Vacheron & Constantin en 1755. De l'autre côté, la Savoie était un duché indépendant, rattaché à la France en 1792 seulement. Autant dire que les frontières étaient nombreuses dans la région, source de conflits larvés.

Inspiré par Voltaire, fâché avec la République de Genève, le Duc de Choiseul, ministre de Louis XV, voulut créer une ville nouvelle au bord du Léman pour affaiblir Genève et rendre le Royaume de France incontournable dans la région lémanique. Pour ce faire, il avait prévu des plans avec l'ingénieur Bourcet vers 1760, d'une ville fortifiée qui aurait été développée autour d'un port, celui qu'on appelle aujourd'hui le Port-Choiseul. Certaines maisons de cette époque existent encore aujourd'hui près du lac, mais aussi l'Ancienne Préfecture récemment rénovée par notre ville. On peut constater à cet endroit qu'une place ronde avait été prévue : preuve en sont les façades et murs concaves.

Une ville sans eau potable ? Impossible ! C'est à cette fin que le canal de Choiseul a été creusé de la Bâtie au nant de Braille, avec des biefs pour alimenter les riverains. Les travaux ont duré une quinzaine d'années et le canal d'une longueur de quatre kilomètres a été inauguré en 1785, juste avant la révolution française.

Ami Argand, l'inventeur de la lampe à huile à double flux habitait la maison à côté de l'école qui porte son nom. Son invention géniale lui apporta à la fois son succès ... et sa ruine. Il aurait utilisé la force hydraulique du canal Choiseul si sa manufacture avait pu se développer.

Notons encore que la ville prévue par le Duc de Choiseul aurait dû abriter 15'000 habitants, soit bien plus que les 13'450 recensés récemment à Versoix. Autant dire que ce projet était d'importance nationale, puisque ce port aurait été l'unique accès au Léman pour la France !

La disgrâce de Choiseul, puis l'arrivée de Necker comme ministre des finances du nouveau roi Louis XVI ont fait tomber le projet de Bourcet dans l'oubli. Peu avant la révolution française, un projet plus modeste a été confié à l'architecte Jean Querret, réalisé en partie par Nicolas Céard. Une partie seulement du projet dit de "Versoix-la-Ville" se réalisera.

La partie la plus aboutie de cet énorme projet est le canal Choiseul que les Versoisiens apprécient tant aujourd'hui. Lieu de détente, de balade, où les gens se saluent lorsqu'ils se croisent, tant l'atmosphère y est conviviale. Les plus curieux iront regarder les belles maisons anciennes autour de Port-Choiseul et les anciens bâtiments qui subsistent en bas au croisement des routes Suisse et de Sauverny. Ils réaliseront à quel point notre région a été le carrefour de différentes civilisations au cours des siècles.

Merci à Yves Richard pour sa précieuse relecture !

Photo Albb : promenade du canal

auteur : Anne Lise Berger-Bapst

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