C’était un après-midi d’été. Il faisait chaud. Le petit Joé (5 ans) joli blondinet aux cheveux frisés mi-courts rêvait de découvrir le monde. Dans la ferme familiale, veaux, vaches, cochons, couvées, lapins, poules et poussins, chiens et chats, l’espace du pré et du jardin ne lui suffisaient plus.
Profitant que le portail était entrouvert, il enjamba son tricycle et sortit sur la grand’ route, croisant un chemin qui partait à travers champs. C’est celui-ci qu’il préféra évitant ainsi toute rencontre inopportune. Pendant cela, les parents de Joé discutaient longuement avec leur visite pas venue depuis longtemps.
Joé pédalait le plus vite possible, pour aller le plus loin possible, à travers champs, jardins, maisons, vergers, etc. Pas âme qui vive sur le chemin ! Lui transpirait déjà à grosses gouttes, mais peu lui importait. Il découvrait le monde à sa façon. Il traversa le village et à sa sortie découvrit une fontaine ! Quel bonheur ! Il se frotta les mains, les bras, les jambes avec l’eau claire ; il s’arrosa la tête et le visage en la passant sous le robinet, bu d’amples gorgées et rassasié, mais surtout bien rafraîchi, il continua sa route avec son tricycle. La chaleur se faisait quand même sentir. Il pédala moins vite, et tout en roulant, observant le champ de tournesols majestueux sur leur longue tige, la fleur au cœur brun bordé de pétales jaunes. Il trouva cela beau, mais ne put la cueillir, sa petitesse et sa frêle corpulence n’aurait rien changé. De l’autre côté de la route, il admira le champ de blé dont les épis aux petites « plumes » fines finissaient de mûrir. Encore quelques coups de pédales, et il atteindrait la forêt. Non, il ne voulait pas aller jusque-là, ne sachant trop ce que réserve cette multitude d’arbres serrés les uns contre les autres. Suivant le champ de blé, un bout de pré d’herbe fraîche, car le soleil avait passé derrière la forêt. Il quitta son vélo, s’assit, regarda de part et d’autre, s’allongea et s’assoupit. L’horloge tournait, mais Joé ne s’en rendit pas compte, puisque l’église du village n’avait pas encore sonné ses six coups. Ce fut la fraîcheur de la soirée qui le réveilla. Où était-il, que faisait-il là ? Heureusement son tricycle est toujours à côté de lui ! Sentant quelques frissons, il se décida de rentrer. Pour ne point se perdre, il n’avait pas d’autre choix que de retourner par le même chemin. Gage de sécurité ! Il redoubla de vitesse, car il fallait être rentré avant que le soleil se couche et que la nuit vienne. Il pédalait, il pédalait de toute sa force, ne sachant si ses parents s’inquiétaient ou pas de son absence. Il arriva dans le village, vit que les candélabres n’étaient pas encore allumés, néanmoins le soleil se couchait gentiment. Soudain, il entendit au loin des voix qui appelaient. Sur le moment, il ne fit guère attention. Puis à mesure qu’il pédalait, tout en regardant ce qu’il y avait d’intéressant à regarder, admirer, cueillir peut-être 2-3 coquelicots en bordure de chemin, les voix se précisèrent. Il y avait encore beaucoup de parcours jusqu’à la maison ! Même s’il pédalait encore vite, le même entrain s’estompait.
Sa mère s’était rendue sur la route vers les champs, alors que son père le cherchait sur la grand-route, à l’opposé de la ferme. Joé, Joé, Joé où es-tu ? Joé, réponds-nous. Mais Joé n’entendait pas, préoccupé à pédaler et à rentrer le plus vite possible. Parfois, il entendait la voix en sourdine, parfois, il ne l’entendait pas, suivant la direction du vent. Au bout de quelques instants, il s’arrêta, fatigué. Assis sur son tricycle, il écoutait le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles, le chien qui aboyait, un papillon qui voletait. Il était content cela l’émerveillait, l’encourageait et au bout d’un certain temps, se sentant récupéré, il repartit de plus belle. C’est là qu’il commença à entendre des voix qui se rapprochaient. Joé, Joé, Joé, où es-tu ? L’écho répondait Joé … Joé … Joé … où es-tu … ?
Il pédala encore plus vite, car cette fois-ci c’est la voix de sa mère qu’il reconnut. Il avait peur d’être grondé, puni parce qu’il avait fui ! Ce fut son angoisse, de penser aussi que le portail serait fermé. La fraîcheur du soir commençait à être tenace, et Joé avait froid, malgré qu’il pédalât vite. Il vit un coin de la ferme, ce qui le rassura. Mais au bout du chemin, sa mère l’attendait. Elle l’appela : Joé, rentre vite, il fait froid maintenant et le soleil est couché. J’annonce à ton père que tu es rentré, car il te cherche encore.
Sans mot dire, l’enfant précéda sa mère, vit le portail ouvert, déposa son tricycle et fila se coucher dans sa chambre. Les parents rentrèrent, fermèrent le portail à double tours, montèrent dans la chambre de Joé et virent qu’il était profondément endormi. Ils l’embrassèrent, redescendirent et allèrent eux aussi se coucher, après tant d’émotions, remettant la fin de l’histoire, ou du moins les explications au lendemain. Pour Joé, la nuit fut certainement pleine de rêves et de joyeux souvenirs.
Lucette Robyr
15.9.25