16.05.2025 par MAF
num.349 juin 2025 p.14 The Great New York
Au cours de mes dernières vacances, je me suis rendue à New York. Je tenais à découvrir cette ville précédée par sa réputation que les images des films de Woody Allen, entre autres, magnifient. Hélas, j’ai terriblement déchanté. Louis-Ferdinand Céline a écrit en 1932 : « New York, c’est une ville debout ». Près d’un siècle plus tard, mon constat est sans appel : New York est désormais à genoux et je pense que le dernier acte du monde occidental se joue en son cœur. Dès mon arrivée, j’ai été sidérée par le gigantisme omniprésent mais qui très vite sonne creux et paraît insensé. La véritable grandeur ne se mesure pas à la hauteur des buildings, à la largeur des routes ou aux gabarits des voitures. Non, la véritable grandeur, a écrit Platon, c’est le dédain des choses d’ici-bas. Sous cet angle, New York et Manhattan sont minuscules. Je crois n’avoir jamais vu, autant qu’à Times Square, de publicités projetées sur des écrans lumineux ou des panneaux colossaux, appelant à la consommation insipide de myriades d’objets inutiles. J’ai trouvé les New Yorkais pressés, affairés, nerveux, assez sombres. Et je les comprends. Comment se sentir paisible, lorsque l’on croise à tous les coins de rue, dans chaque métro, à toute heure, des clochards suppliants, des drogués agonisants et un nombre incalculable de fous. Des hommes et des femmes aux yeux vides qui parlent seuls, trébuchent sans arrêt, se relèvent difficilement et errent, l’air hagard – tels des morts-vivants – sous les regards impassibles des derniers rescapés. A New York, c’est chacun pour soi. La richesse toise la misère et l’indifférence feint la tolérance. Bien sûr, je pourrais raconter les montagnes de déchets, les klaxons incessants, les arbres jonchés de sacs plastiques, la saleté considérable ou encore l’odeur des égouts. Il paraît aujourd’hui inconcevable de continuer de faire comme si les ressources de notre planète étaient illimitées et les injustices sociales accessoires. Combien de temps cette ville va-t-elle encore gonfler, négliger, piétiner ? The Great New York est fascinante, évidemment et recèle une beauté indéniable mais une beauté à bout de souffle. Elle transpire les élans effrénés qui précipitent le désastre. D’ailleurs, les derniers mots de l’œuvre de Fitzgerald sont les suivants : « Gatsby croyait en la lumière verte, l’extatique avenir qui d’année en année, recule devant nous. Il nous a échappé ? Qu’importe ! Demain, nous courrons plus vite, nos bras s’étendront plus loin... Mais, un beau matin... » Manon auteur : Manon Frésard
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