08.10.2020 par YR
num.303 novembre 2020 p.03
Édito politique : Huis-clos, transparence, et nouveau règlement du Conseil municipal

À Versoix, les commissions du Conseil municipal — là où le gros du travail législatif a lieu — ne sont pas publiques. Ni les citoyens, ni les journalistes ne peuvent rendre compte de ce qui s'y passe. Une situation qui n'est pas unique dans le canton de Genève, mais soulève tout de même des questions sur la transparence quant au travail des élus du municipal.

Les bases légales

La LAC, ou « Loi sur l'Administration des Communes », prévoit dans son article 10 que « sauf disposition contraire, les séances des commissions ne sont pas publiques. Elles ont lieu à huis clos pour l’examen des objets à traiter à huis clos devant le conseil municipal ». En complément, la LAC précise également que « Les procès-verbaux des séances de commissions ne sont pas publics ».

Ainsi, par défaut, les conseils municipaux des communes genevoises appliquent le huis-clos. C'est le cas à Versoix où, à notre connaissance, aucune séance de commission n'a été rendue publique en plus de cinq ans. Pas l'ombre d'une « disposition contraire » dans le rétroviseur !

Le huis clos en questions

À la lecture de leurs PV de séances plénières mensuelles, l'on découvre rapidement que les conseils municipaux d'autres communes de la rive droite reflètent plus ouvertement les débats ayant lieu lors de leurs commissions. Sans dévier du huis clos, elles font preuve d'une plus grande transparence sur le contenu des débats, dépassant le simple résultat de vote de préavis donné par les présidents de commissions, ici à Versoix. Tout au plus, les préavis sont parfois accompagnés de brefs commentaires sur le rythme de travail (utile pour tancer le Conseil administratif ou l'administration desquels le CM reçoit la "patate chaude") et d'une précision sur la date des séances concernées.

Ceci étant, il est fair play d'indiquer que les président-e-s de commissions ne rechignent pas à répondre avec un certain niveau de détail lorsqu'ils sont sollicités par la presse.

Ces derniers mois, toujours à Versoix, certain-e-s élu-e-s insatisfait-e-s avec les compromis trouvés en commissions ont brisé le huis clos de ces réunions en relatant, en plénière, les opinions tenues par les uns et les autres — sans que ces propos rapportés ne puissent être vérifiés de première main : cela pose un défi pour les journalistes et, en bout de chaîne, pour les citoyennes et citoyen.

Considérant la situation dans son ensemble, il apparaît intéressant de soulever la question du dosage entre huis clos systématique et transparence, et de l'utilité apportée par cette opacité. Est-il correct d'affirmer que la totalité des objets examinés par les commissions méritent d'être traités à huis-clos ? Une plus grande transparence est-elle possible ?

Le Bureau défend le seul rampart garantissant « une totale liberté de parole » des élus

Avec ces questions en tête, nous avons interrogé le premier intéressé quant à l'organisation de l'organe législatif versoisien : le bureau du Conseil municipal. Son président, Yves Richard (Verts), nous a fait parvenir au début du mois de septembre 2020 la position du Bureau quant aux questions soulevées par le huis clos. Cette déclaration est présentée ici dans son intégralité :

« Les séances de commission ne sont pas publiques. Les procès-verbaux de commissions non plus. Ces principes sont prévus par le droit cantonal (loi sur l'administration des communes). Ils existent donc dans toutes les communes genevoises, qui sont tenues de s'y conformer. Le secret de commission est d'ailleurs un principe général du droit parlementaire en Suisse: on le retrouve à tous les niveaux de collectivités.

Cette règle a un but très simple : elle vise à permettre une totale liberté de parole en commission, dans le but de trouver des solutions, sans pression extérieure. Elle est donc essentielle au fonctionnement des parlements et, en définitive, de notre démocratie.

Par ailleurs, des informations confidentielles peuvent être données aux commissaires par l'exécutif, lesquelles sont couvertes par le secret de fonction des conseillers municipaux.

Le bureau du Conseil municipal mène actuellement des travaux de révision totale du règlement du Conseil municipal. En l’état de ces travaux, qui visent à moderniser et à renforcer le Conseil municipal, il est notamment prévu que pour chaque projet, un ou des rapporteurs résument dans les grandes lignes les travaux des commissions concernées lors de la séance plénière du Conseil municipal.

Le règlement actuel permet déjà de présenter la substance des travaux de commission lors de la séance plénière, mais il s’agit d’une faculté et non d’une obligation. Depuis quelque temps, certains présidents de commissions font usage de cette possibilité lorsqu’ils communiquent les préavis, en ajoutant quelques mots d’explications, soit un bref rapport, en d’autres termes.

Cette pratique encouragée par le bureau va dans le sens de l’évolution souhaitée dans le cadre de la révision en cours du règlement. »

À suivre au prochain... règlement !

Développée et pondérée, la réponse du Bureau du Conseil municipal laisse entrevoir, à travers cette nouvelle version du règlement en travaux, une plus grande transparence sur les travaux des commissions et des débats qui s'y tiennent.

Cette perspective d'un nouveau règlement donne également de quoi alimenter l'idée que ce travail législatif souffrait bien d'un trop-plein d'opacité; en espérant que les dispositions nouvelles permettront d'en savoir désormais le maximum, tout en garantissant le secret de fonction que les responsabilités que les élus exercent nécessite.

Article et photo : Yann Rieder

auteur : Yann Rieder

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