16.06.2021 par PAD
num.310 juillet-août 2021 p.08
Route de Suisse : Cinquante deux secousses pour traverser Versoix !

Route de Suisse : Cinquante deux secousses pour traverser Versoix !
La route de Suisse a retrouvé enfin sa fonction première depuis le 6 mai 2021 : celle de relier Genève au reste de la Suisse. Hormis les voies aériennes et lacustres, elle est en effet, après l'autoroute et avant la route de l'Etraz, l'une des trois seules artères à remplir cette fonction ! Elle sera inaugurée officiellement le 4 septembre prochain. On se réjouit !
Après 5 ans de travaux le résultat est plaisant, minéral à souhait, les arbres vont pousser sur les larges trottoirs aux angles affûtés. Les pistes cyclables sont variées, parfois acrobatiques, parfois marquées, parfois non, pour les adeptes de la petite reine elles font penser à un gymkhana, partagées par endroits avec le flux intense des piétons, distinctes ailleurs pour les vélos lents et les vélos rapides ! Des possibilités de slalom sont offertes ça et là avec les piétons, les arbres, les « épingles à vélos » ou autres poteaux. Le revêtement de ces parties piétonnes ou cyclables est fait de béton désactivé, antidérapant et rugueux à souhait qui ne fait pas que des heureux.
Sur la chaussée (partie réservée aux véhicules) de la route de Suisse - bien nommée comme rappelé en introduction - on se réjouit de la couche confortable et lisse en matériaux phono absorbants. On s’étonne presque que les arbres n’aient pas été plantés au milieu, entre les deux sens, pour modérer les effets du soleil sur cette matière sombre. On s’étonne aussi qu’elle ne comporte que deux voies, une seule dans chaque sens, avec de rares et courtes parties pour les présélections aux embranchements qui, assurément, ne régleront pas le goût de bouchons de la version précédente.
Ce qui frappe c’est que cette artère nationale soit limitée à 30km/h sur un bon kilomètre.
Mais ce qui frappe davantage encore (au niveau du dos) le scootériste que je suis, c’est que les fameux « nids de poule » de la version 1.0 que l’on pensait inutiles, dangereux et pervers ont été remplacés esthétiquement par 13 « gendarmes couchés » (à chaque passage pour piétons) générant 52 chocs (2 par obstacle et par roue !) au niveau de la colonne vertébrale des conductrices et conducteurs de scooter, et ceci, même lorsque les limitations de vitesse sont respectées. Ainsi, cette traversée de Versoix devient pour les « vespasiens et vespasiennes » un véritable « parcours du combattant » injustifiable sur une route pourtant nationale et toute neuve !
Il s’agit presque d’une atteinte à l’intégrité corporelle des conducteurs qui mériterait de porter plainte juridiquement, en plus des plaintes émises naturellement à chaque choc ! Les freinages et redémarrages successifs de l’ensemble des véhicules provoquent des suppléments d’émissions de particules fines, de gaz d’échappement et de bruit. De plus les pentes de ces gendarmes couchés sont très inégales et dangereuses en scooter en cas de mauvais temps. Les camions et leur chargement en souffrent également en émettant parfois des cris d’armes à feu. Nulle part ailleurs on ne voit une telle pléthore de gendarmes couchés, de Genève à Lausanne, en traversant Bellevue, Coppet, Nyon, Rolle, Morges ! Pourquoi à Versoix cède-t-on si facilement à cette mode, brutale et cantonale, qui s’acharne sur la santé des gens qui ne font pas de vélo ?
Il est donc nécessaire d’adoucir sérieusement et d’unifier la pente de ces gendarmes couchés. Le mieux étant de les supprimer tous, pour les affecter à d’autres tâches plus utiles à la société et de les remplacer en guise d’alerte (si vraiment nécessaire à 30 km/h ?) par de simples bandes rugueuses transversales et cela, uniquement sur la voie précédant un passage pour piéton. Cela réduirait déjà le problème de moitié !
Sur la plupart du parcours de 2,4 km, la chaussée ne dépasse pas 7 mètres de la largeur (3,50m par sens) pour tout le trafic des véhicules lourds (scooter, motos, voitures, camionnettes, camions, ambulances, bus et leurs arrêts) sur une voie unique alors que la largeur destinée aux trottoirs et pistes cyclables mesure jusqu’à 12 mètres ! Quels sont les flux respectifs par jour et par heure ? Il faudra toujours transporter, livrer, véhiculer les enfants et tous ceux, habitant loin des centres urbains ou dont l’état de santé ne leur permet plus de jouer à vélo, déguisés en « palymobil » casqués, affublés de gilets jaune ou autre couleur et de molets galbés. Par ailleurs, les véhicules seront bientôt électriques, pour la plupart !
Qu’en pense le TCS qui semble bien silencieux et discret sur la circulation des scooters, motos ou autres trottinettes qui ont pourtant le vent en poupe ? Ces véhicules auront-ils bientôt aussi leurs couloirs réservés ? Faut-il lancer une pétition pour faire entendre ce problème ?
On ne sait pas encore si les génies de la mobilité genevoise prétendue "équilibrée" auront atteint leur but à Versoix, ni quel est ce but ? Celui d’asphyxier le trafic routier ou celui de fluidifier la circulation avec le moins possible de bouchons pour ne pas faire perdre inutilement le temps des usagers de la route, professionnels ou privés, avec le plus de confort et de sécurité pour tous les usagers et leur chargement, et le moins de pollution sonore et chimique pour nos oreilles et nos poumons, sachant qu'à notre époque tout ne peut pas être effectué uniquement à pied ou à vélo.
Cela étant dit, il faut quand-même reconnaître que cette version 2.0 de la route de Suisse a visuellement «fière allure » (mais pas en terme de vitesse) et nous espérons vivement qu’elle pourra bientôt remplir aussi sa mission première, avec une mobilité plus équilibrée et moins équilibriste !

auteur : Pierre Dupanloup

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