18.06.2021 par MG
num.310 juillet-août 2021 p.09
Analyse des mouvements - aviation de ligne – 2017-2021

Mesdames, Messieurs de la Commission d’Économie, bonjour.
Quand on essaie de prédire l’avenir, il est essentiel d’examiner la situation actuelle et comprendre comment nous y sommes arrivés.
En avril 2019, à mes questions sur les mouvements des avions de ligne, Monsieur Serge Dal Busco, conseiller d’État et ministre de tutelle de l’aéroport de Genève a donné les réponses suivantes qui m’ont faire réfléchir, en particulier au sujet des mouvements nocturnes.
1. « L’AIG a la volonté d’augmenter la part des atterrissages nocturnes avec des avions de la meilleure classe de bruit (classe V). Cette proportion est actuellement d’environ 20%. ».
En date d’avril 2019, ce chiffre de 20% était parfaitement correct. Cela étant, pour creuser le sujet, j’ai étudié en détail tous les atterrissages nocturnes des cinq premiers mois de chaque année entre 2017 et 2021, en divisant ces mouvements en trois catégories : easyJet, Swiss et toutes les autres compagnies d’aviation de ligne. Cette analyse montre que, comme souvent, « le diable se cache dans les détails ».
Entre janvier et mai 2019 il y a eu 675 atterrissages nocturnes d’avions de classe V, sur un total de 3'250 atterrissages nocturnes – soit un ratio effectivement de 20,8%. Mais parmi ces 675 atterrissages nocturnes d’avions de classe V, 644 étaient le fait de la compagnie Swiss, 13 de la compagnie easyJet et 18 d’autres compagnies d’aviation de ligne. Autrement dit, le ratio de 20,8% se décompose en 19,8% Swiss, 0,4% easyJet et 0,6 % autres compagnies.
Par ailleurs, si l’on compare le nombre d’atterrissages nocturnes d’avions de classe V au total des atterrissages nocturnes, on obtient un ratio de 97,9% pour Swiss (644 sur un total de 658), 0,8% pour easyJet (13 sur 1'641) et 1,9% (18 sur 951) pour les autres compagnies.
Les statistiques pour l’année entière sont assez similaires.
L’explication est très simple : entre 2017 et 2019 la compagnie Swiss a complètement renouvelé sa flotte courte et moyenne distance en achetant non seulement des Bombardier CS 100 et CS 300 (BCS1 et BCS3), mais aussi des Airbus A320 NEO en remplacement de ses Airbus A320 classiques. Par contre, easyJet Suisse, tout comme easyJet Europe, est restée avec des A319 et A320 classiques, obtenus deuxième main de la compagnie easyJet UK.
La situation pour les premiers 5 mois de cette année 2021, avec une lente reprise du trafic aérien, montre que seuls 81 des 587 atterrissages nocturnes étaient des avions de classe V – et qu’ils appartenaient en totalité à Swiss. En d’autres termes, et sachant plusieurs compagnies d’aviation ont aussi acheté des Airbus NEO (A20N et A21N), cela veut dire que toutes les autres compagnies réservent leurs avions les moins bruyants et les moins polluants à d’autres aéroports.
Revenons aux réponses qui m’avaient été données par Monsieur Dal Busco.
2. « Sur les moyens d’y parvenir [la volonté d’augmenter la part des atterrissages nocturnes avec des avions de la meilleure classe de bruit (classe V)], l’introduction d’une redevance ‘bruit’ additionnelle pour les atterrissages nocturnes avait déjà été discutée en son temps, au moment de l’introduction de la redevance ‘bruit’ additionnelle pour les décollages nocturnes. Compte tenu l’arrivée à Genève des vols en provenance des plateformes d’échange le soir (defeeding), il n’avait pas été jugé opportun d’introduire une redevance additionnelle pour les atterrissages après 22h. ».
Sachant que « defeeding » veut dire accepter les atterrissages d’avions en provenance des grands hubs (Zurich, Paris, Londres, Frankfurt, etc.) avec des passagers qui n’y avaient fait que transiter, cela revient aussi à accepter un grand nombre d’atterrissages nocturnes venant eux de destinations de loisirs.
Il est évident aujourd’hui que notre compagnie nationale veut offrir les vols de type « low cost » . Or, comment une compagnie qui doit amortir ses achats d’avions plus silencieux et moins polluants peut-elle concurrencer une autre compagnie qui n’achète aucun nouvel avion et qui profite de la décision de notre aéroport de maintenir à 40 Fr la taxe pour atterrissage nocturne d’avions qui ne sont pas en classe de bruit V.
La conclusion est très claire : par sa politique l’aéroport de Genève favorise easyJet et défavorise Swiss et les autres compagnies ayant investi dans des avions moins bruyants et moins polluants.

auteur : Mike Gérard

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