25.06.2021 par ro
num.310 juillet-août 2021 p.24
La taxe sur le billet d’avion est une bonne idée

Dans vos colonnes, le directeur d’EasyJet a pris position contre le loi sur le CO2, sur laquelle nous sommes appelé à voter le 13 juin. L’industrie aérienne, qui contribue fortement au réchauffement du climat, n’apprécie pas d’être touchée par cette loi, elle qui avait réussi jusqu’à présent à bénéficier de passe-droits et de n’être concernée par aucun engagement pris dans l’Accord de Paris.
Pour atteindre la neutralité carbone, la compagnie mise sur des solutions non contraignantes : la compensation carbone et le développement de nouvelles technologies. Mais cette vision présente des failles importantes. Les compensations carbones sont régulièrement pointées du doigt pour leur inefficacité. Dernier exemple en date : une enquête du journal britannique Guardian remet en cause la quantité de CO2 réellement compensée par des projets de reforestation utilisés notamment par EasyJet. D’autre part, si les avancées technologiques font partie de la solution, il serait très dangereux de ne miser que sur elles. Dans une présentation organisée récemment par la compagnie à laquelle j’ai participé, un expert a estimé que les enjeux technologiques et les défis commerciaux sont très élevés. D’ici dix ans, on pourra peut-être compter sur des avions électriques, mais seulement pour une dizaine de passagers et sur de courts trajets – pour lesquels l’alternative du train existe déjà. Quant aux avions à hydrogène, le premier modèle n’est prévu avant 2035. De plus, ces solutions nécessitent des remplacer toute la flotte, ce qui prendra encore beaucoup plus de temps. Attendu depuis 2017, les premiers Airbus A320Neo (plus efficients) n’arriveront à à Genève et Bâle que cet automne. De même, les carburants alternatifs resteront plus chèrs que le kérosène un bon moment, ce qui freinera leur utilisation.
Hors ce temps nous ne l’avons pas. Genève s’est engagée à réduire de 60% des émissions d’ici 2030 et la Suisse à atteindre le zéro net d’ici 2050. Tout le monde devra participer à l’effort, y compris le transport aérien. Pour rappel ce secteur était à l’origine de 11% des émissions de CO2 de la Suisse en 2019, mais de 27% de son impact climatique si l’on inclut les autres composants émis par un avion. Ce qui en fait le secteur le plus polluant de la Suisse !

Agir ici face manque de volonté au niveau international
Evidemment une solution à l’échelle mondiale serait souhaitable. Mais le secteur fait depuis trop longtemps l’autruche et la solution proposée actuellement, le système CORSIA, reste lui aussi non contraignant et largement insuffisant dans ses objectifs. Il mise sur une croissance « neutre » des émissions du trafic aérien dès 2020, ceci grâce à...la compensation carbone et les nouvelles technologies. Même la Commission Européenne considère que ce système sera inefficace pour réduire l’impact climatique du secteur aérien.
Face à ce manque d’ambition, la taxe incitative sur les billets d’avion prévue par la loi sur le CO2 est la meilleure solution dont nous disposons pour réduire l’impact climatique de l’aviation. Contrairement à ce que prétendent ses détracteurs, elle n’est en rien une discrimination sociale. Tout d’abord rappelons que plus de 80% de la population mondiale n’est jamais monté dans un avion. Une grande partie de ces personnes vivent dans les régions du monde qui seront le plus durement affectées par le réchauffement climatique. D’autre part, plus de la moitié du produit de la taxe sera redistribuée à la population et aux entreprises, via un rabais sur les factures d'assurance maladie et les caisses de compensation AVS. Chaque personne, enfant compris, devrait recevoir 60 francs en retour. Une étude indique ainsi que 90% de la population y gagnera financièrement. Autrement dit, elle recevra plus d’argent en retour que ce qu’elle dépensera en plus via cette taxe. Moins on prend on l’avion, plus on y gagnera financièrement !

Soutien précieux pour l’innovation
Le reste du produit de la taxe sera versé dans un Fonds pour le climat qui soutiendra des activités qui permettent une réduction des émissions. Sont entre autres prévus des soutiens pour le transport ferroviaire transfrontalier, trains de nuit compris, et le développement de nouvelles technologies dans le domaine aérien. Un coup de pouce bienvenu pour ce secteur en difficultés financières. De plus les compagnies aériennes utilisant des technologies qui réduisent leurs émissions pourront bénéficier d’une réduction sur la taxe.
La loi sur le CO2 ne se limite pas à la taxe sur les billets d’avion. A travers différentes mesures, celle loi nous permettra de nous débarrasser de notre dépendance au pétrole, tout en soutenant l’innovation écologique et notre économie locale. Voter oui à la loi sur le CO2 le 13 juin, c’est dire Oui à une transition juste vers une économie durable !

auteur : rédacteur occasionnel

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