17.08.2021 par LW
num.311 septembre 2021 p.13
Une histoire à rebours

Une histoire à rebours

Contente de vous retrouver ! Quel été climatiquement varié que nous avons vécu ! J'espère que vous avez tous passé d'agréables moments et je nous souhaite à tous un deuxième sémestre actif culturellement, actif tout court et en bonne santé.

J'ai amenè de mes vacances passées au Sud de la France un souvenir pour vous du Pays Basque:

PHOTO maison

Mois d'août, douce promenade de fin de journée sur la plage et dans les ruelles de Saint Jean de Luz, à quelques kilometres de la frontière avec l'Espagne. Le soleil couchant illumine le front de mer et invite à s'imaginer artiste de couleurs et mélodies. La ville voisine, Ciboure, offre les meilleures perspectives sur la plage de Saint Jean de Luz. Longeant donc les quais à Ciboure, je découvre cette inscription sur une des maisons :

PHOTO « Ici est né »

Soudainement je me sentais si loin mais si proche de Versoix et de notre Bolero ! Pour l'article de la rentrée j'ai choisi de relater ce lien avec Versoix, pourquoi Ciboure, pourquoi le Bolero ? Et je me suis dit que nous pourrions tenter de narrer une histoire à rebours, pour arriver à cette maison à Ciboure. Notre histoire commencerait à la place de la gare, à Versoix. Dans votre imagination vous la voyez, la place de la Gare. Et aussi la batisse devant vous, inaugurée en 2015, le Bolero.

PHOTO Bolero

Versoix inaugure son Bolero en avril 2015 en tant que Centre d'art et de culture de la Ville de Versoix. Versoix grandit vite et offre desormais un batiment moderne qui regroupe trois entités complémentaires : une galerie d'exposition (de libre accès!), une bibliothèque-médiathèque et un restaurant.

Continuons à laisser jouer notre imagination. Est-ce qu'avec votre mémoire et votre imagination vous entendez la douce puis énergique mélodie du Bolero ? Oui, le nom de la pièce de musique qui a inspiré les responsables pour donner son nom au nouveau Centre d'art et de culture. Mais pourquoi avoir choise le nom « Bolero » ? Quel est le lien entre son compositeur, Maurice Ravel et la ville de Versoix ?

Le grand-père de Maurice, Aimé Ravel est né à Collonges-sous-Salève en 1800. A cette époque la configuration geopolitique n'était pas celle d'aujourd'hui. Versoix faisait partie du territoire français et Genève ne faisait pas encore partie de la Confédération Helvétique mais souhaitais y adhérer. Le problème pour Genève était que la Confédération Helvétique éxigeait une frontière commune avec son éventuel nouveau canton. Helas, entre Vaud et Genève il y avait un bout de France.

Quand grand-papa Aimé avait 15 ans, Napoleon subissait la défaite de Waterloo. Le Traité de Paix de Paris qui s'ensuivit, signé en 1815 entre la France et les puissances victorieuses, établissait entre autres que la France devait céder quelques 7 communes à la Republique de Genève. Il s'agissait entre autres de Versoix, Pregny, Collex Bossy et Meyrin. Aucun territoire étranger ne séparait plus Genève de la Confédération. Cela permis finalement à Genève de rejoindre la Confédération Helvétique cette même année,.

Après sa formation grand-papa Aimé vint à Versoix pour exercer sa profession de boulanger. Il épousa une jeune fille du pays et ils eurent cinq enfants versoisiens, notamment Pierre-Joseph, le papa de Maurice. En 1934 la famille Ravel acquiert la nationalité suisse.

Pierre-Joseph, le papa de Maurice Ravel fut ingénieur. Il fut un des véritables pionniers de l'industrie automobile, le premier constructeur d’un générateur à vapeur chauffé par les huiles minérales pour voitures et, par la suite, l’inventeur du moteur surcomprimé à deux temps.

Ruiné à cause de la guerre franco-prusienne en 1870, Pierre-Joseph part en Espagne diriger la construction de la ligne de chemin-de-fer Madrid-Irun. C'est là qu'il rencontre Marie Delouart. Ils se marient en 1873. Le 7 mars 1875 Maurice Ravel voit le jour dans le petit port de pêche de Ciboure, dans le pays basque, entre mer et montagnes, dans la maison que j'ai photographié pour vous.

PHOTO vue depuis maison

Depuis les fenêtres de cette maison maman Marie, en portant son bebe, avait la vue sur la mer, sur ce qui est aujourd'hui le port de plaisance de Saint Jean de Luz, sur sa plage. Mais assez vite, la même année, la famille Ravel déménage à Paris. Maurice commence ses leçons de piano à 7 ans et le Conservatoire de Paris à 14 ans.

Maurice devient un homme à la personnalité complexe, il souffre de depression et insomnie. Grand artiste il faisait intervenir dans ses oeuvres une sensibilité et une expressivité qui, selon Le Robert, lui firent évoquer dans son œuvre à la fois « les jeux les plus subtils de l’intelligence » et « les épanchements les plus secrets du cœur ».

A 53 ans, en 1928, il crée son oeuvre le plus célèbre, le Boléro. Il se laisse inspirer par la musique andalouse, lui, qui a des racines espagnoles grace à sa maman. Il pense au fandango avec son rythme continue de castagnettes et une accélération constante du tempo. Il pense au boléro, cette danse rythmée issue de la tradition andalouse, danse de bal et de théatre apparue en Espagne au 18ème. Pour sa pièce « Boléro » il décide de jouer sur la répétition d'un thème, le plus populaire possible, sans la moindre recherche de virtuosité. Un seul et unique thème, obsédant, répété 169 fois, joué sur un tempo invariable, tandi que s'ajoutent peu à peu de nouveaux instruments à chaque retour de l'unique thème, créant un vaste et saissant crescendo orchestral, jusqu'à ce final presque sauvage, brutal, une explosion de sons et émotions.

Quelle réussite, le Boléro de Ravel sera écouté et aimé dans beaucoup de pays dans le monde ! À Ciboure, en août 1930, le quai qui l'avait vu naître fut rebaptisé de son nom en sa présence.

PHOTO nom de rue

Le temps passe, Maurise est de plus en plus malade. Sept ans plus tard, à 62 ans, Maurice Ravel décède à Paris. Ni lui ni son frère Edouard n'avaient eu d'enfant, ce fut donc la fin de cette branche de la famille Ravel.

84 ans plus tard, mon imagination navigue entre cette maison devant laquelle j'ai imaginé mon récit et le Bolero à Versoix, devant lequel je passe presque tous les jours. En fond sonore, la douce et sauvage mélodie du Bolero. Selon un article dans radioclassique.fr en janvier 2021 : Une étude récente place même le Bolero en 3ème position des pièces musicales les plus écoutées pour accompagner les nuits d’amour !

auteur : Lisa Widmer

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