12.11.2021 par LW
num.312 octobre 2021 p.16
Déluge de Couleurs

Nous avons rendez-vous chez elle début d'après midi. Marianne Lenoir me reçoit avec un grand sourire, comme si nous étions des vielles amies. Marianne est artiste peintre. Elle se présente : « La peinture fut toujours ma liberté, ma survie. Ce qu'est nouveau aujourd'hui est que je souhaite la partager, me livrer ».

Marianne aura bientôt 80 ans. Je suis curieuse, je souhaite voire toutes les oeuvres qu'elle collectionne chez elle. Et, croyez moi, loin, très loin (!) des clichés d'une peinture d'une dame d'un certain age, la peinture de Marianne me surprend ! Non figurative, sans cadre, une avalanche de couleurs.

Avec un geste de la main elle me presente l'univers de sa peinture, des centaines de toiles qu'elle a réalisées. Elle me montre ses préférées, elle m'indique qu'elle avait déjà fait une cinquantaine d'expositions par ici, elle me raconte un peu sa vie, les moments heureux, elle évoque le moments moins heureux. Tout ces moments de vie ont ajouté ou enlévé un peu de gaieté dans le choix des couleurs de ses oeuvres. Dans un petit texte elle avait écrit : « Aller au plus profond de soi, dans l'authenticité, tant pis si on y laisse des plumes ». Quelle poésie dans ses paroles ! Quel réalisme ! Elle me regarde et dit « ce n'est pas un tableau mieux que l'autre, c'est chaque fois un autre moi ».

Marianne est à intervalles le refuge des couleurs et leur libératrice. Oui, on les imagine bien les couleurs finalement libérées qui invahissent la toile. On ne cherche pas dans ses peintures une illusion du réel, une copie conforme, non, on se laisse happer par un tsunami des couleurs qui nous amène, peut-être, à distinguer une fleur, une brise délicate, .... Le peintre français Raoul Dufy l'avait si bien décrit : l’esprit enregistre plus vite la couleur que le contour.

A 80 ans Marianne peint toujours. Avec un regard espiègle elle m'explique « Je ne puis faire autrement que peindre, c'est mon travail quotidien, ce qui me permet d'avancer, de comprendre la vie, les autres.... J'ai besoin de ce monologue intérieur pour arriver à l'essentiel ». Elle me dit qu'elle peindra tant qu'elle ai quelque chose à transmettre.

Exposer ses oeuvres, les présenter au public, signifie se dévoiler. Cela signifie aussi faire part de son imaginaire, des chemins de son inspiration, de ce que nous trouvons beau, avec sincerité et transparence. Marianne me dévoile une partie de la création de ses oeuvres : « Quelque chose que je vois, qui me frappe, et à partir de là je brode une histoire, mon oeuvre ». Jean-Baptiste Chardin, peintre français du XVIIIe siècle le disait « On se sert des couleurs, mais on peint avec le sentiment ». Marianne me dit qu'elle ne parle jamais de sa peinture, que c'est son jardin secret. Aujourd'hui elle s'est lancé un nouveau défi, elle souhaite montrer ses oeuvres aux autres, montrer sa passion pour les couleurs et pour l'équilibre de vie qu'elles lui ont transmis. Pourquoi vouloir « s'exposer » l'année de ses 80 ans ? Pourquoi et pour qui ? « Et bien, dit-elle, j'aimerais renouer avec mon entourage et mon histoire, échanger, me souvenir et partager notre pasé et le présent, ce cheminement parfois imprévu et chaotique qui nous forge et nous fais avancer ».

Dans sa vie active Marianne fut enseignante: «Pendant plus de 30 ans j'ai enseigné au Collège Voltaire le dessin, la peinture, l'Atelier couleur à tous, et plus spécfiquement à la section artistique. C'était un moment privilégie passé en compagnie de mes élèves. Je les ai appréciés, côtoyés, aimés et souvent perdus de vue». Des centaines d'élèves qu'elle rémémore avec un sourire tendre. «J'aimerai tant que mes anciens élèves aprennent que je vais exposer mes oeuvres, qu'ils viennent les voire». Je lui souhaite que Versoix-Region et un bouche-à-oreille éfficace réussiront à réunir des anciens élèves de Marianne Lenoir Picot !

Je lui demande comment elle réagit si quelqu'un qui aime son style de peinture souhaite lui commander une tableau en spécifiant les détails de la nouvelle toile : la gamme de couleurs, le sujet, la taille. Elle me répond qu'elle est tout à fait ouverte à des commandes personalisées, qu'avoir un thème et un cadre la forcent à faire entrer des nouveautés dans son imaginaire.

Le temps suspendu, nous sommes dans le monde de Marianne avec sa joie de vivre, nous ne l'avons pas vu passer. J'aimerai m'attarder, plonger dans chaque toile, je les considère magnifiques. Elles invitent à une immersion sans retenue, elles choient les yeux, elles caressent l'harmonie. Plonger dans leurs univers colorés, les laisser nous égayer l'esprit, couleurs qui deviennent l'éloge de lumière. Les couleurs sont le terrain de jeu de la lumière disait Johann Wolfgang von Goethe.

Nous nous reverrons lors de votre vernissage, Marianne, le 2 octobre à l'Espace Santé à Bellevue. Je vous suivrai aussi lors de votre vernissage à Versoix, dans le Tea-Room Cartier le 12 novembre.

Texte et images
Lisa Widmer

auteur : Lisa Widmer

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