20.02.2022 par SSP
num.316 mars 2022 p.08
Série Passé-Présent #4 : Le retranchement du bois de Mariamont

Les “vieilles pierres” ont beau être inanimées, elles racontent. Les arbres centenaires ont beau ne pas bouger, ils témoignent. Ensemble, tendons l’oreille et imaginons !

Les jours ensoleillés, même par forte bise, les bois de Versoix bruissent de pas, traversés en tous sens par familles, couples et promeneurs solitaires; à cheval, à pied ou en vélo… l’espace quadrillé de longues allées regorge de sérénité. Il y en a pour tous et plus : on se déplace volontiers de loin pour en profiter.
En particulier, le chemin de Mariamont dans le "bois des Carottes", semble avoir de longue date inspiré l’humanité pour venir s’y arrêter. En effet, quelques dizaines de mètres en face du tumulus de l’âge du bronze, un semblant de chemin entre les arbres, marqué d’une petite flèche rouge, nous dirige vers la falaise en surplomb de l’un des méandres que fait ici la Versoix. Après une centaine de mètres de branches couchées sur le tapis de feuilles, un petit fossé nous sépare d’une levée de terre. Le tout est englouti par la forêt, mais dès les années 1940 on avait reconnu dans ce terrassement étrange la trace d'une fortification sommaire, dite de l'éperon barré. 

La proximité du tumulus de l’âge du fer, estimé entre 800 et 600 avant notre ère, avait encouragé l’hypothèse d’une même datation du site par Louis Blondel, premier archéologue cantonal de Genève. Il avait alors fouillé le site et le plan qu’il en avait fait pouvait faire penser à un petit village gaulois… le petit éperon sur la Versoix prenait des airs d’Armorique ! Mais depuis les fouilles de 2008, menées par le service cantonal d'archéologie à l'occasion de travaux forestiers, plusieurs datations scientifiques de charbons et de fragments de tuile ont établi que les installations humaines se sont échelonnées entre la période carolingienne (8e siècle après J.-C.) et le 14e ou 15e siècle. Un denier de l’évêché de Genève trouvé dans la fouille, a pu être daté du 13e siècle.

Sur place, on peine à croire que le site était suffisamment large pour contenir plusieurs habitations. Il semblerait que l’endroit ait servi de place de guet ou de refuge : nul village ici. De plus, le lieu est proche de la Vieille-Bâtie située de l’autre côté de la Versoix, trois méandres en aval. La sérénité actuelle des lieux, le silence d’arbres trop jeunes pour avoir connu le campement, ainsi que l’érosion du terrain font oublier qu’il y avait ici de véritables structures défensives : des seigneurs se faisaient face, et gardaient peut-être jalousement « leur » rive de la Versoix.


Dans le prochain numéro : la place Mussard.

Sarah Schmid-Perez

auteur : Sarah Schmid-Perez

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