24.03.2022 par SL
num.316 mars 2022 p.08
24 Mars: Journée Mondiale de Lutte contre la Tuberculose

Chaque année, le 24 mars, nous commémorons la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose (TB) afin de sensibiliser le public aux conséquences sanitaires, sociales et économiques dévastatrices de cette maladie et d’intensifier l’action pour mettre fin à l’épidémie mondiale de celle-ci en vue d’atteindre les cibles des objectifs de développement durable (ODD) en 2030 et de la stratégie “End TB” de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) d'ici 2035.

Le 24 mars marque le jour où, en 1882, le Dr Robert Koch a annoncé avoir découvert la bactérie responsable de la TB, le Mycobacterium tuberculosis, ouvrant ainsi la voie au diagnostic et au traitement de cette maladie. Pourtant 140 ans après aucun vaccin efficace n’est disponible pour prévenir la maladie chez les adultes. Il existe seulement le vaccin BCG (d’après le bacille tuberculeux rendu inoffensif de Calmette et Guérin) qui permet surtout d'éviter les formes sévères de la maladie chez l’enfant.

La TB est une maladie infectieuse qui se transmet par voie aérienne (toux, éternuement). La TB est pourtant évitable avec les mêmes gestes barrières que l’on a appris contre la COVID-19, notamment port du masque, ventilation, hygiène des mains, traçage de contacts. La TB est aussi curable avec un diagnostic précoce et un traitement adapté. Environ 85% de personnes qui ont contracté la maladie peuvent être soignées après un traitement médicamenteux de 6 mois qui a aussi l’avantage d’empêcher la transmission de l’infection.

Epidémiologie

Selon estimations de l’OMS pour la seule année 2020, 10 millions de personnes ont contracté la maladie et 1,5 millions de personnes en sont mortes. Elle estime par ailleurs qu'environ un quart de la population mondiale, soit 2 milliards de personnes, est porteuse d’une TB latente, c’est-à-dire est porteuse de la bactérie sans toutefois développer de symptômes et sans être contagieuse.

Depuis 2007 et avant la pandémie de COVID-19, la TB était la première cause de mortalité d’origine infectieuse au niveau global. A ce jour elle reste la cause principale dans la plupart des pays à revenu faible et moyen. Deux tiers de nouveaux cas sont concentrés dans huit pays, l’Inde en tête, suivie de l’Indonésie, la Chine, les Philippines, le Pakistan, le Nigéria, le Bangladesh et l’Afrique du Sud.

Bien que la maladie soit curable, la forte prévalence dans les pays les plus pauvres s’explique par la conjonction d’un ensemble de facteurs de risques : malnutrition, pauvreté, précarité, promiscuité, analphabétisme. On constate également que des barrières d’accès au diagnostic et au traitement ainsi que des infrastructures médicales insuffisantes dans les pays concernés ne garantissent pas un accès équitable à la prévention et aux soins, conformément à l’engagement de l’OMS en faveur de la couverture sanitaire universelle.

Les prisonniers, les personnes co-infectées par la TB et le VIH, les migrants, les réfugiés et les populations autochtones sont très vulnérables à la tuberculose et fortement marginalisés. La peur d’être stigmatisé pousse souvent les personnes à ne demander de l’aide que lorsqu’elles sont déjà gravement malades. Or, non seulement ces personnes risquent d’infecter leur entourage, mais le traitement est plus long et moins efficace. La TB est une cause majeure de mortalité chez les personnes infectées par le VIH. Elle serait responsable de 14 % environ des décès par sida dans le monde.

COVID-19 et TB

La COVID-19 a eu un impact dévastateur sur les personnes touchées par la TB et les programmes de lutte contre la TB à travers le monde, menaçant ainsi les progrès accomplis au cours des deux dernières décennies pour mettre fin à cette maladie. La pandémie a donné lieu à une réduction considérable du dépistage de nouveaux cas (-18% par rapport au 2019, donc retour au niveau de 2012), de traitements préventifs (-21%) et contre la TB pharmacorésistante (-15%). Ceci vient annuler aussi des années de progrès dans l’identification des personnes tuberculeuses “manquant à l’appel” - personnes qui ne sont ni détectées, ni traitées, ni déclarées.

Dans de nombreux pays, la pandémie a submergé les systèmes de santé, les confinements ont interrompu les prestations de services et les ressources essentielles ont été détournées de la lutte contre la TB pour combattre le nouveau virus. La pandémie a eu un impact plus important encore sur les les populations les plus vulnérables et/ou les personnes déjà marginalisées et généralement les plus touchées par la TB. Beaucoup ont préféré éviter les centres de santé, de peur de contracter la COVID-19 ou d’être stigmatisés lorsqu’ils présentaient des symptômes similaires à ceux de la COVID-19.

La COVID-19 est par ailleurs particulièrement dangereux pour les personnes atteintes de la TB, car celles-ci ont souvent les poumons abîmés. La COVID-19 pourrait avoir un effet dévastateur sur les cas de TB et les décès connexes au cours des années à venir. C’est pourquoi il est absolument essentiel que les services de dépistage contre le VIH, la COVID-19 et la TB soient intégrés, notamment dans les pays où la charge de morbidité de la TB est élevée.

Investir pour éliminer la TB

Contrairement aux partenariats, à l'innovation en R&D et à la levée de fonds sans précédent qui ont été rapidement mis en place pour lutter contre la Covid-19, actuellement, seuls 6,5 milliards de dollars par an sont disponibles pour la riposte contre la TB dans le monde, soit moins de la moitié des engagements pris par les dirigeants mondiaux il y a quatre ans. Sans un vaccin efficace, de nouveaux diagnostics et des médicaments innovants, surtout contre la TB pharmacorésistante, il n'est pas possible d'atteindre les fortes réductions de l'incidence et de la mortalité dans les délais fixés d’ici 2030 selon les ODD.

Pourtant, les interventions antituberculeuses sont parmi les plus rentables de toutes les interventions de santé publique : chaque US dollar investi dans la prévention et les soins de la TB rapporte entre 30-43 US dollars, selon des études, se traduisant par un meilleur fonctionnement de la société.

Le thème de la Journée mondiale de la TB de cette année “Investir pour en finir avec la TB. Sauvez des vies.” exprime bien ce besoin urgent d'investir davantage des ressources pour intensifier la lutte contre la TB et ainsi non seulement tenir les engagements pris par les dirigeants mondiaux, mais surtout sauver des millions de vies supplémentaires.

Plus d’info: www.who.int/campaigns/world-tb-day et www.stoptb.org

auteur : Sabrina Lanzavecchia

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