23.04.2022 par JROC
num.318 mai 2022 p.10
Simon : un engagement sans compter et une passion intacte

Ce n’est pas quelques lignes mais bien plutôt un livre qu’il faudrait rédiger pour relater l’odyssée de Simon Pidancet au travers F.C. Versoix. Il est de ces gens dont on finit par croire qu’ils font partie du paysage mais qui sont en réalité une valeur précieuse pour un club.

Il est aussi peut-être, dans l’histoire de ce club, la personne qui a consacré le plus de temps à la vie de la société et à l’origine de bien des succès.
D’abord junior, puis actif, entraîneur, président, directeur technique mais aussi tenancier de la buvette avec son épouse, marqueur de terrain, il est actuellement responsable des actifs et sponsor.
Qu’est-ce qui fait que sa passion est, semble-t-il, toujours intacte ?

 

Comment naît cette passion pour football ?
D’abord les juniors, puis j’ai joué une saison en 3e ligue avant une blessure rédhibitoire pour la suite. Avant cela, un formateur (Claude Mariétan) m’avait permis de progresser en me faisant passer de C directement en A, me proposant même à 16 ans de m’occuper des petits. Il n’y avait pas d’école de foot à Versoix à l’époque. Il m’a transmis le feu sacré pour ce sport.
A 23 ans, j’entraînais la 1ère équipe.

Raconte-nous le souvenir du premier match que tu as suivi ?
C’était un match de finales de 3e ligue entre le FCV et Grand-Lancy (présents dans l’équipe les Pierre-Yves Loepfe, Claude Goy et Cie s’en souviennent encore aujourd’hui eux aussi).

Tu aurais aimé devenir footballeur pro ?
Je n’ai jamais eu cette ambition. Plutôt sportif professionnel. J’étais plus doué et fan de ski. Je suivais toutes les courses. Mais footballeur non, on me l’a fait comprendre assez tôt et je n’avais pas un niveau qui me faisait rêver d’en faire ma profession.
Par contre, jeune entraîneur, en gravissant les échelons de la formation, l’opportunité d’en faire une carrière n’aurait pas été pour me déplaire. Dans le même temps, d’avoir ouvert un cabinet de physio à Versoix a mis un frein inévitable à cette ambition. Pourtant les portes étaient ouvertes. J’ai été entraîneur au Stade Nyonnais en 1ère ligue, puis un passage dans l’encadrement du Servette FC. J’ai été le plus jeune entraîneur de 2e ligue de Suisse.


Si tu devais choisir un autre sport ?
Ce serait le ski ou la voile. J’ai fait beaucoup de voile avec mon père.


Les rivalités entre les clubs ont toujours existé. Pendant longtemps, si on ne s’aimait pas on n’en venait pas aux mains. Aujourd’hui, dans toutes les catégories, on assiste à des actes de violence. Comment analyses-tu ce changement ?
Trois choses !
1) Sur les terrains, il y a statistiquement moins de violence qu’avant. Ceci selon des chiffres de l’Association suisse de football basés sur les rapports d’arbitres par tranche de 20 ans depuis 1980 et aussi en comparaison du nombre de licenciés.
2) Aujourd’hui, l’utilisation des réseaux sociaux a tout changé. En 1980, quand il y avait bagarre dans un match de 4e ligue, seules les personnes présentes au match et quelques autres le savaient. Maintenant, parfois dans les 10 minutes, des centaines de followers (suiveurs) l’ont appris par le réseau. Là, on parle de ce qui se passe sur le plan sportif.
3) L’extra-sportif. Au niveau du public, c’est devenu beaucoup plus violent. Par exemple les hooligan’s en Angleterre, beaucoup plus près de nous à Versoix. Mais on ne va pas revenir sur ces tristes événements de 2018. Même récemment, chez les féminines en 4e ligue, il y a 3 semaines dans le canton de Genève, un match a dû être arrêté parce que des parents de joueuses sont allés menacer un entraîneur avec un couteau. La violence n’est plus seulement verbale.
Ayant dû personnellement gérer, en tant que président, certains conflits connus, je voudrais relever l’excellent travail fait à l’interne depuis ces 4-5 dernières années. En effet, au niveau du Fair-play, le club se trouve chaque saison parmi les 5 meilleurs du classement genevois (sur plus de 60 clubs). Il a été récompensé la saison dernière pour sa 1ère place.

 

Durant toutes ces années, tu as vécu la mutation du FCV en tant qu’acteur. Décris-nous comment s’est opéré cette évolution.
Lorsque j’étais enfant, Versoix comptait environ 6'000 habitants. Aujourd’hui c’est plus du double. Le club a suivi cette évolution. Il est passé d’un club familial à un club social.
Il y avait 10 équipes et 10 entraîneurs, tout le monde se connaissait. Maintenant suivant les années, il y a 25 à 30 équipes et 60 entraîneurs. Donc l’aspect social est prépondérant. De jeunes formateurs s’occupent de l’école de foot, qui apprennent un rôle de responsabilité, de citoyenneté, ils fonctionnent comme arbitre. On a créé la section féminine. La majorité de nos membres sont des enfants ou de jeunes adultes. Au niveau Jeunesse et Sport, le titre d’entraîneur a été remplacé par éducateur.

 



Quel regard portes-tu sur le football féminin ?
Très positif. Je pense que les filles ont apporté une nouvelle spontanéité dans le jeu. Elles jouent plus pour le plaisir. Je suis très heureux d’avoir pu relancer la section féminine lors de mes années de présidence. Je dois relever l’action prépondérante de Patricia Hornung qui a soutenu et œuvre toujours au bon fonctionnement de nos féminines. D’abord fortement influencées par l’apport des « filles internationales », le nombre d’équipes a diminué et elles se sont petit à petit ouvertes aux joueuses locales.


A son meilleur niveau, le club a évolué en 1ère ligue (3e division nationale). Possible d’y revenir un jour ?
Sportivement, oui. Financièrement, non. A notre niveau de financement, on peut aller jusqu’en 2e ligue inter. Actuellement, le budget de notre première équipe tourne à environ 40'000.-.
Pour la 1ère ligue, c’est 10 fois plus. Pourquoi : frais d’arbitrage près de 1000.- pour un trio à chaque match. Les déplacements. Les salaires des joueurs entre 500.- et 800.- par mois : pour un contingent de 20 joueurs, minimum 10'000.- par mois. Sans compter le salaire de l’entraîneur et du staff.
Hors participation de la ville ou la commune (Lancy ou Meyrin par exemple), c’est mission impossible.

On peut définir le FC Versoix comme un club de formation. Idéalement, on devrait intégrer chaque année, 2 ou 3 joueurs formés au club dans le contingent de la première équipe. Est-ce le cas ?
Oui, c’est largement le cas à Versoix. Dans le contingent de la 1ère équipe, qui ont fait leurs classes ici, il y en a 10 dont 6 sont quasiment titulaires. Dans la 2e équipe, 80% ce sont des versoisiens et il y en a 10 qui ont encore l’âge de juniors A.
Depuis 3 ans et l’arrivée de Thierno Bah, les gars qui sont en 3e année de juniors A sont intégrés aux équipes d’actifs. Les meilleurs participent régulièrement aux entraînements de la 1ère mais aucune place n’est offerte. On leur explique qu’il est normal, à 20 ans, d’attendre de mériter sa place de titulaire. Le bilan sportif nous donne plutôt raison puisque ça fait la 4e année consécutive que nous sommes sur le podium.


Tu es une personne ayant des idées, prenant des initiatives et des décisions.
Ces postures suscitent souvent la controverse. Comment tu gères ceci ?
Quand je viens avec des idées, j’assume complètement le fait qu’il y ait des gens qui ne soient pas d’accord. Rien de plus normal. Ce qui peut être dérangeant, c’est que je mets beaucoup d’énergie à me battre pour ce que je crois et le faire valider.
Je dirai que j’ai obtenu quelques succès. Les succès peuvent être sources de jalousies.
Bien sûr, je n’ai pas ma langue dans la poche. Quand je trouve que les choses ne sont pas bien faites, je le dis ouvertement. Mais je ne vais pas changer mon discours ou de personnalité par peur de la critique. Je préfère le sentiment d’être aimé par mes amis que la crainte de ne pas être apprécié par mes ennemis.
Le temps que j’ai donné et aussi l’argent font que j’ai la conscience tranquille. Contrairement à d’autres qui reçoivent des indemnités, ça fait vingt ans que je n’ai pas demandé un centime.

Est-ce que le foot ou le sport constitue un enjeu pour les politicien(ne)s de Versoix ?
Ce qui suit n’engage que moi : à Versoix, les sociétés sportives n’intéressent les politiques que l’année des élections. A ce moment-là circulent plein de projets. Les présidents de sociétés sont sollicités pour émettre leurs besoins. Après, les associations sportives ou culturelles et bien entendu le football puisqu’il est la plus importante, ne représentent plus le même enjeu. Pourtant elles sont le ciment de la vie sociale dans la commune.
J’illustre mon propos par un exemple concret. Je connais bien six présidents du FCV, qui m’ont précédé ou succédé. Tous peuvent parler des conflits avec l’administration communale à propos de la gestion de l’outil de travail du club : les infrastructures sportives. Tous ont dû se battre pour qu’on les entende. On peut dire pour résumer : nous sommes informés mais pas écoutés.

Au point que l’on est en droit de se demander qui décide quoi et dans quel intérêt ?

Dernier épisode qui me frustre en tant que versoisien, contribuable et dirigeant sportif c’est la dernière décision par rapport au crédit destiné à la réfection du terrain D prévue cet été (Fr. 857'000.-). On va dépenser cet argent pour un terrain qui va être occupé 4 mois par an, 9 h. par semaine la première année parce que c’est un nouveau terrain. Alors qu’en tenant compte de l’avis des associations utilisatrices, on aurait pu dépenser la même somme pour un terrain synthétique réduit (football des enfants). Il pouvait être utilisé 12 mois par an et ouvert au plus grand nombre, à toute la population, tout en préservant une surface limitée gazonnée nécessaire pour l’athlétisme.


Qu’est-ce qui motive un si long engagement et qu’est-ce que tu reçois en retour
J’ai noué de solides amitiés. Je suis plutôt un homme de terrain que de comité. J’adore l’adrénaline du vestiaire, celle du match, j’aime la compétition. C’est certainement pour ça que j’ai encore des projets.

Nous dirons en conclusion que l’engagement bénévole de personnes passionnées et compétentes est plutôt rare. Quand il s’inscrit dans la durée, comme c’est le cas pour Simon, il ne peut être qu’imparfait mais représente une richesse pour la société.
Qu’il soit remercié pour tout ce qu’il a accompli et continu d’entreprendre pour son club de cœur !


Interview Jacques Rochat

auteur : Jacques Rochat

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