25.04.2022 par ro
num.318 mai 2022 p.07
Charlie sous la pluie

 La douleur ! Il n’y avait pas d’autre façon de l’appeler.
Traînant les pieds sur le trottoir, Charlie avance sous l’averse. Il portait encore les outils inutiles dans ses mains, lourdes, froides, et le reçu du dernier paiement dans sa poche.
Comment allait-il lui dire, comment allait-il retourner dans ce compartiment blanc, la regarder dans les yeux et lui dire que cette fichue chose… ?
La pluie ne voulait pas s’arrêter.
Il se tenait à la fenêtre. A l’intérieur, la famille discutait dans la salle à manger. Le père, en costume, prenait la bouteille vide que lui tendait sa compagne. La petite fille mangeait avec contentement un peu de la nourriture que la bonne lui offrait avec ses pinces, et à ses pieds, poilu, joueur et éternel, le rodog se laissait aimer.
Derrière la vitre, Charlie a réfléchi. Le fer dans ses mains était différent, solide, presque vertueux.
La pluie tombait à verse.

Il a ouvert la porte et l’a trouvée allongée. Sur le lit de camp, il l’a vue se retourner. Quelque chose a scintillé sur son dos.
Il a levé les mains. Dehors, la pluie tombait à verse. Il se souvenait du dernier regard de Julia, de la ligne horizontale, de l’appel, de la promesse !
“Ne la quitte jamais ! C’est ton sang ! C’est ton sang !”
Il a levé les fers. Il les maniait en tremblant. Les yeux télescopiques de Julia n’étaient pas silencieux.
“C’est ton sang !”
La pluie tombait à verse. Les murs n’étaient plus blancs ! Julia avait raison. Celui-là, celui-là même, épais et nécessaire, c’était son sang !

Danilo Rayo

auteur : rédacteur occasionnel

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