14.02.2023 par PAD
num.326 mars 2023 p.08
Centrale de Richelien en danger : soirée « électrique »

sans l’Etat, aux abonnés absents !
Ils étaient nombreux, intéressés et déterminés, la chevelure grisée, sans doute par l’âge, mais aussi par cette intolérance des mesures autoritaires tombant de l’Etat, sans concertation suffisante. Comme décrit ci-dessus, il y avait une énergie quasi ukrainienne et presque unanime à vouloir défendre un morceau de patrimoine menacé par une phrase, signée du Conseil d’état et signifiée en mai 2022 aux intéressés de façon lapidaire : « Les concessions Estier et Baumgartner ne seront pas renouvelées à leur terme, autour de 2032. Il s'agit de décisions du Conseil d'Etat. »
En réaction, une pétition a été déposée au Conseil d’Etat ainsi qu’une motion de Me Patrick Malek-Asghar (voir sur versoix-region.ch).  En utilisant un langage des pêcheurs, on se demande " Quelle mouche a piqué l'Etat ? "
Quelles sont les raisons de cette sentence et pourquoi maintenant, en pleine crise énergétique ?
M. Alexandre Wisard directeur du Service du lac, de la renaturation des cours d’eau et de la pêche, également maître d’œuvre de la renaturation de la Versoix répond : « Baumgartner est ok et on travaille avec lui pour un assainissement plus rapide. Par contre, Estier a fait recours, et comme une procédure juridique est en cours, je ne peux pas m'exprimer dans Versoix Région ».
Comme exposé par Mme Christina Meissner et précisé par mes interlocuteurs M. Christophe Ebener, président de la Commission de la pêche et M. Jean-Pierre Moll, fin-connaisseur de la Versoix, cette décision vient de l’aboutissements d’une longue réflexion sur les rivières transfrontalières qui date du début des année 2000 : contrats de rivières pour le pays de Gex et le Léman. Il s’agit de suivre les enjeux en termes de qualité de l’eau, les rejets des stations d’épuration, organismes, les débits, les prélèvements par les canaux, la consommation, les pompages, l’agriculture voisine, les termes.
Ces dernières années, les questions climatiques, le réchauffement, les précipitations extrêmes ont précipité la dégradation de la qualité des rivières notamment du point de vue piscicole. Pour J.P. Moll, contrairement aux oiseaux, dont on peut facilement observer la qualité de vie ou de survie en les écoutant chanter dans les haies, les poissons font partie d’un autre monde, beaucoup plus discret, voire secret. On observe leurs maladies, dont celles qui viennent notamment des poissons d’élevage, le nombre de frayères, la montaison (montée du poisson), la dévalaison (retour pour petits et gros) avec le risque de se retrouver dans les turbines, surtout si la prise d’eau du canal d’amenée se trouve dans l’axe du courant et non en déversement latéral, en fonction du débit de l’eau. Quelques solutions existent mais trop coûteuses pour les petites centrales.
Des 9 rivières genevoises, 8 sont en mode « survie » avec un débit insuffisant ou trop irrégulier : l’Aire & Drize, la Seymaz, le Foron, la Laire, l’Allondon, l’Hermance, le Marquet-Gobet-Vengeron, le Nant d’Avril. La Versoix est l’unique à disposer encore d’un potentiel de biodiversité intéressant mais menacé par la présence des deux dernières microcentrales sur rivière (avec 4 problèmes chez Estier et 1 chez Baumgartner). Ainsi, la Versoix et son bassin versant sont reconnus comme espace biologiques d’exception avec un statut de « corridor » dont il faut préserver la biodiversité en priorité. (voir en annexe le communiqué de presse WWF-PN-FSPG-confortant la position de l’Etat). Nous sommes donc en présence d’un conflit de patrimoine ! Il faudra choisir, ou composer, entre patrimoine énergétique et patrimoine biologique. Mais pour cela il faut dialoguer pour une pesée d’intérêts qui soit réellement concertée ! Soulignons l’attitude déterminée d’une large partie de la population versoisienne et des autorités locales qui se mobilisent pour protéger ce patrimoine inestimable.

auteur : Pierre Dupanloup

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