Le diable sait attendre, et il est si habile qu'il utilise sa véritable apparence comme déguisement. Caché parmi les arbres de Versoix, sous le quai ou crucifié dans le champ de blé, dépenaillé et patient, il rôtit au soleil en attendant l'occasion. Il ne demande qu'à ce qu'on lui ouvre la porte. Ses cornes et se queue sont peintes, ses sabots se sont enfoncés dans la boue, chargés de folklore. C'est pour cela qu'il attend, parce que sa peur et son doute sont les nôtres, parce que son sourire est le nôtre, un sourire d'ange qui nous invite à le suivre parmi les pierres tombales floues bordant le chemin Louis-Dégallier.

Vêtu d'indigence et de pauvreté, rampant dans la gare, il plaide ; paré de gestes paternels fugaces, il crie vers nous ; et enveloppé d'albabies, entouré de mères dévouées, il prêche. Sa patience marque les sillons qu'il trace et il décape le peu d'amour-propre qui nous reste. Et là, où convergent l'ignorance et le zèle, l'envie nauséabonde et la colère, là où il ne reste plus que l'abandon et le chagrin, le sourire et la compréhension, désireux d'une porte, il attend !

Danilo Rayo