Le piano peut-il chanter ? Tel est le thème du concert-conférence donné par Adalberto Maria Riva, aux Caves de Versoix ce dimanche 13 octobre 2024
La Musique est un art où les multiples variétés se succèdent, se marient, et fait partie intégrante de l’Humanité ! Sous quelque forme que ce soit, compositeurs, instrumentistes, interprètes, chorales, classique, populaire, contemporaine, folklorique, philharmonique, solistes ou associations musicales d’amateurs ou de professionnels, sans oublier opéra, danse ou théâtre, la musique nous enchante.
Brigitte Siddiqui dans son mot de bienvenue nous présente le pianiste renommé invité du soir.
A travers ce reflet, Adalberto s’est arrêté sur le piano, les compositeurs et leurs œuvres entre le 18e et le 19e siècle. Comment, chacun a repris tel ou tel morceau, l’enjolivant, le structurant d’après son imagination, l’influence du moment et ses recherches techniques et harmoniques ? Le piano peut-il chanter ? Oui et non. A première vue : non, car c’est le « seul instrument de musique qui ne peut pas « soutenir » le son comme presque tous les autres. Quand on tape une note le son reste le son, alors que sur les autres instruments se dégagent des nuances.
Voilà une première approche, illustrée dans l’Adagio de la Sonate op. 13 « Pathétique » de L.V. Beethoven (1770-1827) où le thème central revient avec des nuances, car le compositeur y a ajouté des petites notes pour créer ces vibrations soutenues d’harmonies. Pour comprendre la musique, il faut se baser sur la structure de base, loi physique de la musique où chaque son est en harmonique avec le son fondamental. (Constructeurs de piano et compositeurs connaissent très bien cette loi fondamentale de physique.) L’exécution de cet Adagio tout en finesse et nuances nous transmet à la fois nostalgie, tristesse par les notes graves pour repartir vers la fin avec des sonorités plus joyeuses.
Avec Félix Mendelssohn (1809-1847) dans « Chant sans paroles op. 19 n° 1 en mi-majeur » le compositeur qui a écrit beaucoup de chansons donne plus de résonance, se fiant aussi à la construction de l’instrument qui évolue et s’appuie sur les pédales pour les nuances. Les sonorités aux fréquences élevées sont plus présentes rendant les harmonies régulières de la main gauche, voire chantantes et joyeuses exercées par la main droite.
Dans le Nocturne op. 9 n° 1 de Frédéric Chopin (1810-1949) le son contient des accents très intenses qui avec la pédale prolonge l’inflexion. Tout est dans l’art de la composition où la main gauche influence l’harmonie et la main droite guide la mélodie. L’intensité s’annonce lentement avec quelques notes très hautes de la main droite seule, puis plus graves de la main gauche seule.
Ah ! L’Ave Maria de Schubert (1797-1828) quelle beauté dans son originalité qui suscite prière, imploration, émotion ! Franz Liszt (1811-1886) en refait une transcription difficile tout en y ajoutant des notes sans pouvoir l’améliorer mais sauvegardant l’esprit. Les sonorités sont plus fortes, accentuées sur le centre du piano où les cordes sont plus longues et plus proches de la voix humaine. Même si les harmonies sont plus douces, jouées par la main gauche, délicatement, la musique devient priante, aux intensités de supplique jouées par la main droite. Jeu de la mélodie courant tantôt sur la plus haute octave, tantôt sur la plus basse. Adalberto interprète cet Ave Maria dans toute la richesse de cette musique où ardente prière apporte dans une harmonie finale une atmosphère sereine. (Magnifique !)
Adalberto ne tape pas sur les touches du piano, il les effleure !
Le piano chante-t-il ? Oui. Car les possibilités étonnantes de l’instrument actuel permettent de jouer d’une manière plus complète sur les pédales et le toucher des notes. Nos yeux et nos oreilles s’adaptent aussi aux variations, aux paraphrases musicales (Liszt) à la richesse des tonalités. « Rigoletto » de F. Liszt, c’est une paraphrase de concert où la musique est très dynamique, très saccadée, des variations très spéciales, des rajouts pour amplifier certaines sonorités faites par la main gauche, alors que la main droite surfe sur elle pour devenir de plus en plus intense de l’aigu au grave. Adalberto interprète avec aisance, la finesse de son toucher, la fluidité de sa gestuelle cette œuvre particulière qui jongle sur les octaves en différentes expressions, rendant la musique plus légère, plus rythmée, à la fois forte, vibrante, sonore presque expéditive, pour revenir avec souplesse avec la main gauche seule sur des tonalités plus intéressantes. Puis c’est un final flamboyant, un véritable feu d’artifice très applaudi.
Passons à l’Espagne avec Isaac Albéniz (1860 - 1909) dans « Asturias » extrait des « Cantos d’España ». Le morceau est connu et tiré d’un Chant populaire, mais aussi très influencé par le folklore. Commencé très doucement puis de plus en plus vif, de plus en plus intense, avec des rythmes plus saccadés voire « effervescents », l’œuvre nous rappelle le flamenco. Le « refrain » principal revient avec force, puis c’est le calme avec quelques notes aiguës isolées, et quelques notes graves discrètes.
Et l’on finit cette heure musicale par une pièce de Robert Schumann (1810 – 1856) écrite pour son mariage avec Clara Wieck, dédiée par Adalberto Maria Riva à Irfan Siddiqui, époux de Brigitte, tous les deux très impliqués dans la musique. Avec une magnifique entrée tout en douceur, l’interprète de talent a su rendre toutes les nuances de l’amour chantant cette vibration si forte au fond des cœurs. Elans sonores, technicité parfaite, variations expressives, tout reste dans l’art de l’exécution de cette œuvre dédiée avec sensibilité.
En bis, ce fut une Etude poétique sur Chopin, écrite par Schumann, op. 25 n° 1, où la musique légère, mais pleine de douceur s’envole sur les gammes et les octaves avec souplesse et finesse. Très applaudi ! Le cœur parle à travers les mains !
Un tout grand MERCI à Adalberto qui a su nous présenter un concert-conférence très « encyclopédique » sur le piano, mais à la portée de tous de par ses connaissances et ses qualités d’interprétation. Un plaisir toujours renouvelé de l’écouter, de sa présence parmi nous et Merci à Brigitte, notre programmatrice, de nous le faire revenir à la prochaine occasion.
Lucette Robyr
Photos : JR