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18.10.2024 par MAF
num.343 novembre 2024 p.07
Il est grand temps de rallumer les étoiles

Alors que les missiles illuminent désormais jours et nuits les cieux de Gaza, Beyrouth et Kiev, je pleure infiniment l’extinction des étoiles. Apollinaire, comme tant d’autres avant moi, déplorait lui aussi l’anéantissement des astres. Durant la Première Guerre mondiale, dans son sublime poème, Il est grand temps de rallumer les étoiles, il écrivit : « Puis le temps est venu, le temps des Hommes. Et tous mes canonniers, attentifs à leurs postes, annoncèrent que les étoiles s’éteignaient une à une. Puis l’on entendit de grands cris parmi toute l’armée : ILS ETEIGNENT LES ETOILES A COUPS DE CANONS ! Les étoiles mouraient, dans ce beau ciel d’automne, et nous étions là mourants de la mort des étoiles ».

Mais pourquoi la Guerre ? Je me pose aujourd’hui cette question vertigineuse et n’ai aucunement la prétention de lui apporter une réponse. Einstein et Freud, au travers d’une correspondance établie de 1932 à 1933 avaient la même interrogation. La suite, on la connaît. Il faut croire que rien ne peut arrêter la folie destructrice des Hommes, pas même les esprits les plus émérites du siècle dernier. Pourquoi la Guerre ? Peut-être parce que l’Enfer est vide et que tous les démons sont ici – Shakespeare – ou parce que nous avons préféré, au lieu de l’écouter, crucifier l’Être qui nous souffla un jour de nous aimer les uns les autres.

Quoi qu’il en soit, Freud conclut à l’issue de ses longs échanges avec Einstein « Tout ce qui travaille au développement de la culture travaille aussi contre la guerre ». La culture comme rempart face aux ténèbres. L’idée est belle. Or, comme Einstein, physicien de génie et amoureux des corps célestes chercha lui aussi à résoudre l’impossible équation, je me permets de parsemer la recette indispensable à la paix de quelques allusions astrophysiques : Edwin Hubble, l’un des plus grands astronomes américains, a élaboré, ironie des calendriers, à l’aube de la Deuxième Guerre mondiale, sa théorie sur l’expansion de l’univers. Selon cette dernière, le destin du cosmos serait de finir dans la glace, parce qu’une énergie sombre, dont nous ignorons encore la nature, s’attèlerait à éloigner les objets et les corps les uns des autres jusqu’à ce que toute lumière et toute chaleur aient complètement disparu. Tragique oracle, d’autant plus que tout aurait commencé, il y a 13.8 milliards d’années, dans un éclair de chaleur inouïe...

Les abîmes nous attendent donc et il semblerait que ce soit irrémédiable. Toutefois, nous n’en sommes pas encore là. Le Monde, la Terre et les Cieux sont encore bien tangibles et il ne tient qu’à nous de les éclaircir ! Non pas de missiles, mais de culture. Si l’espoir vacille, il est néanmoins solide.
La jeune résistante Sophie Scholl, exécutée par les Nazis à 21 ans en 1943, parce qu’elle avait lancé des roses blanches depuis les fenêtres de son université en signe d’opposition à Hitler, a écrit peu avant de mourir : « N’est-ce pas une énigme formidable et, si l’on en connaît la raison, presque effrayante, que tout soit si beau ? Malgré toutes les choses terribles qui se passent, le soleil brille toujours ! ». Stefan Zweig, quant à lui, suggéra dans son poignant [Le] Monde d’hier que « l’ombre, en dernier lieu, est pourtant aussi fille de la lumière ». Et si la poésie doit nous sauver, je laisse le mot de la fin au dernier vers du brillant hymne d’Apollinaire :

IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES ETOILES !

Manon

auteur : Manon Frésard

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