14.11.2024 par MAF
num.344 déc.2024-janv.2025 p.06 Ses léchouilles après les larmes
« Nous allons apprendre à nous connaître, à construire un langage intermédiaire. Il manquera la parole mais il y aura mieux. Il y aura les regards, les bruits infimes, les courbures du corps. Ces signaux discrets, perçus de nous seuls et offrant à des êtres si différents de dialoguer. On touchera alors l’Altérité. Pas ce grand mot brandi pour faire joli. Non. L’Altérité, vraie, celle d’êtres si dissemblables que rien de soi n’est un recours pour déchiffrer l’autre et percer qui il est. » Cet extrait éloquent est tiré du livre de Cédric Sapin-Dufour, « Son odeur après la pluie », le récit émouvant d’une histoire d’amour entre un bouvier bernois et son maître. J’ai moi aussi un chien que j’aime infiniment et dont les léchouilles réconfortantes, après chacun de mes chagrins, sont un cadeau du ciel. Saint François d’Assise a dit que les animaux sont les anges de cette Terre. Mon chien ne cesse de m’inspirer, de m’émerveiller, de m’élever. Parce que oui, ce sont eux qui nous élèvent et non l’inverse. Je dois dire que j’ai pour l’ensemble du règne animal une admiration indéfectible. Et pour ceux qui leur font du mal un dégoût colossal. Je ne suis de toute évidence pas la seule : Voltaire, esprit lucide, se demandait au 18e siècle déjà « s’il existe une chose plus abominable que se nourrir continuellement de cadavres ? »; quant à Gandhi, il affirma que « la grandeur d’une nation et son progrès moral se mesurent à la manière dont les animaux sont traités ». Loin de moi l’audace de mettre en doute les propos de ces deux grands penseurs. Dès lors, je ne peux m’empêcher de me demander si le conseil d’état genevois - (auquel je retire sa majuscule sans scrupule) – mérite encore une quelconque considération de la part de n’importe quelle personne sensible à la cause de cerfs qu’il souhaite faire abattre dans les bois de Versoix. Est-ce que ce monde est sérieux ? Quoi qu’il en soit, Lamartine est parfaitement clair : « On n’a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un cœur ou on n’en a pas ». En guise de conclusion, j’aimerais partager avec vous un passage poignant du brillant film « Don’t look up », réalisé en 2021 par Adam McKay. Alors qu’une météorite – métaphore de la menace écologique actuelle – s’apprête à percuter notre planète et à annihiler toute forme de vie, les personnages principaux prennent un dernier repas tous ensemble et font le point sur leurs vies qui s’apprêtent à s’achever. Manon auteur : Manon Frésard
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